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13 septembre 2005
 

« Mains d'Amour »


...Personne ne nous a embauchés... Il leur dit : Allez vous aussi à ma vigne (Matthieu 20, 7).

     Sans argent, sans toit, apparemment sans grande organisation, le père Ceyrac, jésuite français installé dans le Tamil Nadu indien, a réussi à arracher de l'abandon des enfants très pauvres que son réseau nourrit et soutient scolairement.
Ses outils: l'émerveillement, la joie et surtout l'immense compassion de jeunes femmes indiennes veuves, ou délaissées, venues de toute la région pour l'aider.

     La première trouvaille de ce prêtre à la retraite et de Kaley, son assistant analphabète et sans logis: faire aider les enfants très pauvres, parfois orphelins, par des jeunes filles ou des jeunes femmes veuves ou condamnées par la tradition à l'isolement et la pauvreté alors qu'elles débordent de désir de servir et souvent de compétence. Elles récupèrent les enfants après l'école, leur servent un repas puis elles aideront les petits à faire leurs devoirs et apprendre leurs leçons, souvent dehors, par terre, à la lumière des réverbères, sans livre ni tableau mais avec une inconcevable tendresse et une réelle compétence. Chaque femme s'occupe ainsi de dizaines d'enfants. Moyennant un défraiement minuscule à notre échelle, mais qui leur permet de survivre. Le système a fait sortir d'une quasi réclusion des centaines de veuves de 20 à 40 ans.

     En tout 32 000 enfants sont actuellement concernés dont 3 000 orphelins entièrement pris en charge et logés chez ces jeunes veuves. Interrogé sur le « problème de l'immense pauvreté en Inde » le père Ceyrac répond avec un sourire : « La meilleure manière d'entrer en contact avec ce pays, ce n'est pas de l'aborder comme un immense problème mais comme un mystère d'une immense beauté. Aussi beau que ces enfants. Et un mystère vous savez, ça s'élucide par l'amour, par la raison ».

     Ce que dit le Père Ceyrac, c'est que tous les éléments de solution sont là, même sans grands moyens : d'immenses ressources humaines sont prêtes à se mobiliser, à partir du moment où une forme est esquissée, qui va dans le sens des valeurs d'amour et de compassion. « Mon assistant Kaley a eu cette idée géniale, en sauvant les enfants, nous sauvons les femmes; en sauvant les femmes, nous sauvons l'Inde, car elles sont l'avenir de ce pays » (Tiré de Les enfants du père Ceyrac, Charles Ben Aarsil, contact: Erreur ! Référence de lien hypertexte non valide. Nouvelles clés, no 31, 2001).

LIEN: Le père Ceyrac assisté de son Kaley a compris l'exclusion de ces femmes, celles de la dernière heure, que plus personne n'embauche, laissées pour compte. Il leur redonne du travail et leur plein salaire: dignité retrouvée, du sens à leur destinée, de l'amour à vivre et à partager.

     La justice de Dieu s'établit bien au-delà d'un système économique ou syndical et ne se règle pas sur les lois du marché.

* * * * *

     C'est absurde d'engager des hommes à la dernière heure, encore plus absurde de les payer au tarif de la journée entière.
Oui, c'est absurde de parler à la samaritaine, absurde d'accueillir Marie Madeleine, absurde d'engager Matthieu un voleur connu, Pierre un lâche et Paul un persécuteur. C'est absurde de faire la fête pour un fils gaspilleur, absurde de courir après la brebis égarée en laissant les 99 autres sans surveillance.

     Si nous avons peine à accueillir l'attitude de ce propriétaire de vigne qui paie en dépit du bon sens, l'attitude de ce Dieu qui se met à dépenser sa grâce sans compter, c'est peut-être que nous avons une religion trop étroite, trop calculatrice, ... ou que nous n'avons jamais été au chômage (Gabriel Ringlet, Éloge de la fragilité, p. 119).

Chronique précédente :
Le pardon, libérateur de... celui qui pardonne