(Susanne Jutzeler / Pixabay)
Témoigner jusqu’au bout !
Patrice Bergeron | 12e dimanche du Temps ordinaire (A) – 25 juin 2023
Ne craignez rien : Matthieu 10, 26-33
Les lectures : Jérémie 20, 10-13 ; Psaume 68 (69) ; Romains 5, 12-15
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.
L’Église, envoyée par le Christ ressuscité, a pour mission de porter au monde la meilleure des bonnes nouvelles qui soit pour l’humanité : Dieu nous aime, il nous envoie son Fils, il nous sauve du mal et de la mort, il nous rassemble en Jésus et nous ressuscite avec Lui. Mais paradoxalement, dans tous les siècles de la vie de l’Église, cette annonce de l’Évangile a provoqué, provoque et provoquera résistance, opposition, hostilité, persécution et même martyre pour les porteurs de cette Bonne Nouvelle! C’est là tout le mystère du Mal. De ce péril des missionnaires, Jésus a prévenu les Douze – et nous prévient –, notamment par le discours apostolique que Matthieu rapporte au chapitre dix de son œuvre et dont est tiré notre évangile dominical.
Une clé de lecture…
Même si nous n’entendons pas ces deux versets qui précèdent immédiatement l’extrait d’aujourd’hui, ceux-ci fournissent pourtant la clé de lecture de l’ensemble du discours apostolique :
Le disciple n’est pas au-dessus de son maître, ni le serviteur au-dessus de son seigneur. Il suffit que le disciple soit comme son maître, et le serviteur, comme son seigneur. Si les gens ont traité de Béelzéboul le maître de maison, ce sera bien pire pour ceux de sa maison. (Mt 10,24-25)
Comme Jésus, ses disciples seront confrontés à ce même mystère du Mal qui refuse le projet du Royaume de Dieu et tente de le contrer en s’attaquant à ses ouvriers. Situation vécue en communion avec Jésus, cette parenté de sort avec notre maître devrait nous donner le courage du témoignage.
Mise en contexte…
Il n’est pas inutile pour Matthieu de rappeler à sa communauté les paroles de Jésus, histoire de fouetter ses troupes, de les faire sortir d’une certaine tiédeur dans laquelle il est sûrement tentant de s’envelopper, à mesure que s’accroissent les persécutions à la fin du premier siècle chrétien. Rappelons en effet que Matthieu écrit son évangile entre les années 80 ou 90, époque où le judaïsme a déjà exclu des synagogues les frères juifs ayant mis leur foi en Jésus. S’ajouteront très tôt aux persécutions de la synagogue en cette fin de siècle, celles de l’empire qui imposera, par vagues successives, le culte à l’empereur [1], convaincant certains chrétiens plus frileux à apostasier leur foi par peur des représailles. Ces apostats sont sans doute visés par cette sentence de Jésus que Matthieu surligne : « Mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux. »
Ne craignez pas…
Par trois fois l’extrait du discours de Jésus nous enjoint à ne pas craindre. Ne pas craindre de répandre abondamment la Bonne Nouvelle même au risque de perdre la vie au nom de sa foi, puisque le Père a le pouvoir de nous sauver au-delà de la mort physique. C’est un appel à un courage apostolique qui s’enracine dans la certitude d’être aimé de Dieu plus qu’une multitude de moineaux aussi objets de sa sollicitude. Ce courage à rendre témoignage pour Jésus jusqu’à la mort, le disciple le trouvera aussi dans la perspective du jugement final où il est assuré de trouver en Jésus un défenseur invincible dans les cieux.
Concernés ?
Il se peut que dans notre contexte occidental et dans ce temps d’Église où nous vivons, nous n’écoutions que distraitement ces appels radicaux de Jésus. Notre foi chrétienne ne menace pas directement notre vie, ici et maintenant ; au plus, nous vaut-elle quelque mépris ou sarcasme. En ce cas, que l’évangile de ce dimanche nous sensibilise à la situation d’une multitude de nos frères et sœurs chrétiens qui, actuellement dans le monde, sont persécutés au nom de leur foi. Par la force de la communion des saints, portons-les, eux qui trouvent certainement déjà dans ces paroles de Jésus en ce dimanche et par notre prière, le courage du témoignage.
Détenteur d’une licence en Écritures Saintes auprès de l’Institut biblique pontifical de Rome, Patrice Bergeron est un prêtre du diocèse de Montréal, curé de paroisses. Il collabore au Feuillet biblique depuis 2006.
[1] Dans l’empire romain, l’empereur était considéré comme un dieu. Certains empereurs exigeront de tous les habitants de l’empire qu’on leur rende un culte (offrir un sacrifice dans un sanctuaire impérial devant l’image de l’empereur), ce qui équivaut à renier sa foi au Dieu unique pour les juifs comme pour les chrétiens.
Source : Le Feuillet biblique, no 2809. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.