Appel de Pierre et André (détail). Pietro da Cortana, c. 1626-1630. Huile sur toile, 28,7 x 57,4 cm.
Musée Fitzwilliam, Université de Cambridge (Wikimedia).
Lumière en Galilée
Pierre Bougie PSS | 3e dimanche du Temps ordinaire (A) – 22 janvier 2023
Première prédication de Jésus : Matthieu 4, 12-23
Les lectures : Isaïe 8, 23b – 9,3 ; Psaume 26 (27) ; 1 Corinthiens 1, 10-13.17
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.
La Galilée est une partie de la terre d’Israël. Depuis le temps du prophète Isaïe, hommes et femmes y ont beaucoup souffert, car c’est un territoire âprement disputé. Toutefois, c’est dans ce petit coin de terre, qui résume toute la planète, que Jésus, le fils de Dieu, a commencé la libération des pauvres. Voilà le message de l’évangile de Matthieu pour ce dimanche.
Galilée, carrefour des païens
Depuis longtemps, la partie nord du royaume d’Israël avait fait l’envie des conquérants étrangers. Ainsi, en 734 avant le Christ, le païen Téglat-Phalasar s’empara de la Galilée. C’est comme si le roi d’Assyrie enlevait à Yahvé une partie de ses fidèles. Il les place sous l’autorité de ses dieux.
Le prophète Isaïe, qui vit à Jérusalem, adresse un message de réconfort à ceux qui n’appartiennent plus à la Terre Sainte. À ceux qui sont dans les ténèbres parce que soumis à des idoles impuissantes, il dit : Pays de Zabulon et pays de Nephtali, route de la mer et pays au-delà du Jourdain, Galilée, toi le carrefour des païens : le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière. Sur ceux qui habitaient dans le pays de l’ombre et de la mort, une lumière s’est levée (vv. 15-16).
Jésus commence en Galilée
Les paroles d’espérance ont paru s’accomplir lorsque Josias, roi de Jérusalem, a récupéré la Galilée, cent ans plus tard. Néanmoins, selon l’évangéliste Matthieu, c’est seulement à la venue de Jésus que la lumière, semblable à celle du Sinaï, est apparue dans tout son éclat.
Saint Matthieu cite en effet le texte d’Isaïe lorsqu’il décrit les circonstances de temps et de lieu de la vie publique de Jésus. Il dépeint ainsi les débuts de la prédication du Christ : Pays de Zabulon et pays de Nephtali, route de la mer et pays au-delà du Jourdain, Galilée des nations ! Le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient dans le pays et l’ombre de la mort, une lumière s’est levée (vv. 14-15).
Pauvres Galiléens
Les scribes et les pharisiens de Jérusalem méprisaient généralement les gens de Galilée. Bien que plus riches que les Judéens à cause de la fécondité du sol, les Galiléens étaient vus comme des Israélites de moindre qualité. Ils avaient trop de contacts avec les nombreux païens de Galilée. Leur pratique de la Loi en était altérée.
Pourtant, c’est bien à ces hommes et ces femmes à la réputation fâcheuse que Jésus lance son premier appel. Saint Matthieu écrit : À partir de ce moment, Jésus commença à proclamer : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche » (v. 17). Une grâce est faite aux Galiléens, celle de recevoir les premiers le Fils de Dieu, qui annonce des temps nouveaux. De plus, c’est parmi les Galiléens que sont choisis quatre apôtres. Ce ne sont pas des intellectuels, surtout pas de grands esprits, mais Jésus les choisit quand même.
Quatre Galiléens
Voici le récit de saint Matthieu : Comme il marchait le long de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans la mer ; car c’étaient des pêcheurs (v. 18). L’évangéliste précise leur métier si modeste, pour que le lecteur réfléchisse. Plus tard, ce ne sera pas leur enseignement qu’ils donneront, mais bien celui d’un autre, celui de Dieu. Ils n’ont pas la compétence pour en inventer un. De plus, connaître leur métier permet de comprendre la parole de celui qui appelle. Jésus leur dit : « Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes » (v. 19). La docilité de leur foi servira de modèle. Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent (v. 20).
Quatre hommes de foi
Cette souplesse de la foi, on la trouve non seulement chez Pierre, futur chef des apôtres, mais aussi chez les deux autres « colonnes » de l’Église à venir. De là, il avança et il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans la barque avec leur père, en train de réparer leurs filets. Il les appela. Aussitôt, laissant la barque et leur père, ils le suivirent (vv. 21-22).
Notons bien que ce sont des pauvres qui vont former le noyau du corps apostolique. Jésus ne choisit ni hauts fonctionnaires, ni lettrés, mais des pêcheurs. Quelque temps plus tard, Jésus dira : La Bonne nouvelle est annoncée aux pauvres (Mt 11,6). On pourrait ajouter : « La Bonne Nouvelle est annoncée par des pauvres ». Pierre, André, Jacques et Jean ont surtout cette pauvreté intérieure qui fait qu’on ne s’attribue pas de mérite. Tout vient de Dieu et de son Christ.
Les malades de Galilée
Parmi les Galiléens, déjà défavorisés au sein des Israélites de son temps, Jésus s’attache à ceux qui ont un métier très humble. De plus, à la surprise de plusieurs, il s’intéresse spécialement aux malades. C’est ce que dit le texte de saint Matthieu : Jésus parcourait toute la Galilée ; il enseignait dans leurs synagogues, proclamait l’Évangile du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple (v. 23).
En agissant ainsi, Jésus donne les lignes maîtresses de l’évangélisation pour tous les temps. Il faut donner Dieu et sa parole aux plus délaissés. C’est à ceux qui pourraient douter de l’amour de Dieu à cause de la pauvreté et de la maladie qu’il faut le proclamer. Dieu s’approche de nous dans son fils Jésus. Il veut vivre l’amitié avec chacun et cela exige la conversion. De la part de Dieu, il y a une attitude d’ouverture infinie à l’amour.
La conversion
La conversion, elle est rendue facile par « l’amabilité » de Jésus, comme nous dirions chez nous. La conversion, c’est la métanoia de la langue grecque. Elle est un changement d’orientation du nous, de l’esprit. C’est un virage de l’âme, si l’on peut parler ainsi d’une faculté invisible. Ce qui la rend aisée, c’est l’attrait qu’exerce Jésus sur les personnes.
L’auteur du livre de la Sagesse, avec des paroles qui ont valeur de prophétie, désignait Jésus comme une lumière et un être de bienveillance. La Sagesse, en effet, c’est lui. La Sagesse est resplendissante, elle ne se flétrit pas. Elle se laisse aisément contempler par ceux qui l’aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent. Elle devance leurs désirs en se faisant connaître la première. Elle va et vient à la recherche de ceux qui sont dignes d’elle ; au détour des sentiers, elle leur apparaît avec un visage souriant ; dans chacune de leurs pensées, elle vient à leur rencontre (Sg 6,12-13.16).
Membre de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice, Pierre Bougie est professeur retraité du Grand séminaire de Montréal.
Source : Le Feuillet biblique, no 2785. Première parution : Feuillet biblique 1216, 25 janvier 1987. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.