Le Christ au désert. Briton Rivière, 1898. Guildhall Art Gallery, Londres (Wikipédia).

La confiance perdue et retrouvée

Julienne CôtéJulienne Côté | 1er dimanche du Carême (A) – 26 février 2023

Jésus tenté au désert : Matthieu 4, 1-11
Les lectures : Genèse 2, 7-9; 3, 1-7a ; Psaume 50 (51) ; Romains 5, 12-19
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

En ce premier dimanche du Carême, les lectures nous invitent à marcher à la suite du Christ qui ne cède pas aux tentations du démon.

Le combat spirituel de Jésus… et de tout être humain

Après le baptême de Jésus au Jourdain, l’Esprit conduit Jésus, le Fils bien-aimé, au désert, aride et exigeant. Il y vivra une expérience de foi analogue à celle de son peuple qui, pendant quarante années, connut un temps de murissement, avant de découvrir la volonté de Dieu et de choisir de se prosterner devant lui.

Là, au désert, Jésus connaît l’épreuve de la tentation avec la présence du tentateur, sa séduction et ses raisonnements : Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains (Matthieu 4,3-6). Si tu es fils de Dieu... Ce moment est révélateur du combat spirituel vécu par Jésus au cours de sa mission (16,1.23). Au début, le tentateur semble réduire la vocation de Jésus aux besoins physiques à combler, en lui demandant de changer les pierres en pain, oubliant, ne se souciant pas d’évoquer les aspirations profondes de l’être humain. Il provoque, mais Jésus répond en notant que la nourriture essentielle est la parole de Dieu (v. 4) ; Deutéronome (8,2-28). Dans un deuxième temps, le diable tente de provoquer Jésus en l’invitant à un geste spectaculaire, sensationnel, celui de se jeter du haut du Temple (vv. 5-7) afin d’impressionner, de gagner les foules.

Dans un troisième temps (vv. 8-9), Satan se fait plus sournois en laissant miroiter sa volonté de puissance, son besoin de dominer, d’accéder à la renommée universelle, à la gloire que lui offriront les nations. En faisant face à la tentation, en vivant concrètement le combat contre le mal, Jésus choisit librement d’être à l’écoute de son Père. Contrairement au peuple de l’Exode, Il fait les bons choix, vient guérir la liberté humaine de la fascination des idoles, de la séduction du pouvoir. Il partage la condition humaine et manifeste qu’il est solidaire de tous les humains qui ont choisi entre la sagesse qui vient de Dieu et la sagesse seulement humaine. Il fait comprendre que la tentation n’est pas un mal, elle laisse entrevoir qu’elle est une étape de croissance que le chrétien doit envisager ; on n’échappe pas à cette épreuve puisque le progrès en dépend. En Jésus, victorieux de la tentation, l’humanité est à nouveau orientée vers une juste relation avec son Créateur. Sa seule demeure, sa seule défense, c’est sa relation intime avec le Père. Il reconnaît que tout ce qu’il est, Il l’a reçu du Père. En Jésus, victorieux de la tentation, l’humanité est à nouveau entrée dans une juste relation avec son Créateur.

Quand la confiance n’est plus… place à la défiance

Le récit de Genèse (2,7-9 ; 3,1-7a), écrit sans doute par un théologien, vers le dixième siècle avant Jésus Christ, n’est pas un récit historique, une histoire populaire, mais une parabole, « une subtile expression d’une interrogation sur l’origine du mal dans le monde ». Ce récit cherche à répondre aux difficultés qu’éprouvent les humains : les mésententes, les influences perverses inévitables, le travail difficile, la solidarité dans le mal, la mort, etc. Alors qu’on connaissait les mythes cananéens du monde antique, l’auteur va offrir un point de vue spécifique de la Genèse du monde (2,7-9 ; 3,1-7a).

Le premier extrait (Gn 2,7-9) concerne la création de l’univers par Dieu et l’harmonie qui y règne. Elle est marquée par la générosité et l’abondance. Au départ, Dieu a créé un terrain infertile (2,7) ; puis, un merveilleux jardin, une oasis fertile, dont la possession est conditionnelle à l’obéissance au commandement de Dieu (2,8-9 ; 3,3). L’homme se découvre lui-même peu à peu en observant les arbres et les animaux qu’il nomme, puis la femme issue de lui-même. L’homme et la femme sont des êtres responsables en recherche de plénitude et de perfection. En vivant dans le merveilleux jardin de l’Éden ou des arbres ont une portée symbolique, telle la connaissance du bien et du mal, l’homme et la femme ont la faculté de choisir, de décider ce qui est bon.
 
Le deuxième extrait (Gn 3,1-7a) évoque la rencontre avec le serpent tentateur, le diable, celui qui divise, qui rompt la confiance, un être hostile à Dieu et ennemi de l’homme, qui semble instruit des lois du paradis. Il va jusqu’à insinuer le doute, le soupçon sur la bonté du Créateur, perçu comme un maître mal intentionné. Il essaie de faire croire à l’homme que Dieu est jaloux de ses propres prérogatives (3,2-5). Pour le tentateur, l’ordre divin apparaît comme un dictat d’un dieu jaloux qui se réserve le privilège de la vie. Il conteste la parole de Dieu. Dans la discussion avec la femme, est décrite la naissance de la convoitise. Satan éveille chez elle une soif d’autonomie, de liberté, de pouvoir sans limite ; elle prend conscience de son incapacité à distinguer ce qui est bon de ce qui est mauvais, à douter de Dieu, à soupçonner Dieu de mauvaises intentions.

Frustrée, elle est alors conduite à manger le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal (2,9), et d’y inviter Adam qui acquiesce. Cet arbre symbolise le pouvoir de décider ce qui est bon et ce qui est mauvais. Ce pouvoir, l’homme ne peut l’exercer par lui-même, il doit se fier à la Parole de Dieu, de qui tout vient, s’en remettre à sa bienveillance. Le tentateur a insidieusement provoqué le doute, le soupçon arbitraire, révélant un dieu jaloux qui veut se préserver le privilège de la vie. Le couple oublie alors le don et surtout le donateur.

Jésus Christ rétablit la confiance

Au désert, Jésus vit concrètement le combat contre le mal, vieux comme le monde, ces tentations dont parle le livre de la Genèse. Contrairement au peuple de l’Exode, Jésus fait les bons choix, vient guérir la liberté humaine de la fascination des idoles, de la séduction du pouvoir. Sa seule demeure, sa seule défense, c’est sa relation avec le Père. Jésus choisit librement d’être à l’écoute de son Père. Il reconnaît que tout ce qu’il est, il l’a reçu du Père. En Jésus, victorieux de la tentation, l’humanité est à nouveau orientée vers une juste relation avec son créateur comme Père.

Ce texte relatif à l’entrée du péché dans le monde, est une méditation sur l’histoire du salut ; l’apôtre Paul présente le sens chrétien de la figure d’Adam (Rm 5,12-19). À la base de toute l’humanité, il y a la solidarité. Le don de Dieu et la faute n’ont pas la même mesure, ne sont pas d’égale intensité. Le mal ne fait pas le poids devant le bien, ni le péché devant l’amour de Dieu. Le Christ prend à son compte non seulement Israël, mais tout l’humanité. La méditation sur la valeur universelle de la croix (Ph 2,8), permet à Paul, de camper le Christ comme le nouvel Adam, premier-né d’entre les morts (1 Co 15,20-22). À la défiance et au doute d’Adam, le Christ, par son obéissance radicale, allant jusqu’à la mort sur la croix, ouvre la voie à la grâce de Dieu pour tous les humains de la terre. Il revient aux croyants de décider quel modèle ils vont choisir. « Paul poursuit la méditation et dit : seul le Christ a fait confiance à son Père en toutes choses, Il nous montre le chemin de la Vie ».

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.

Source : Le Feuillet biblique, no 2790. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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