L’Esprit Saint. Corrado Giaquinto, circa 1750. Huile sur toile, 64 x 48 cm. Collection privée (Wikimedia).
L’Esprit, notre guide vers le mystère de Dieu
Béatrice Bérubé | La sainte Trinité (C) – 12 juin 2022
La venue du Défenseur : Jean 16, 12-15
Les lectures : Proverbes 8, 22-31 ; Psaume 8 ; Romains 5, 1-5
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.
Le court passage d’évangile (Jean 16, 12-15) lu en ce dimanche de la Trinité se divise en deux parties. La première traite du temps de Jésus et de celui de l’Esprit (vv. 12-13a), et la deuxième rassemble dans l’unité Jésus, l’envoyé de Dieu, et l’Esprit (vv. 13b-15). Une note sur la Trinité clôturera cette présentation.
Le temps de Jésus et de l’Esprit
Au v. 12, Jésus déclare : J’ai encore bien des choses à vous dire mais vous ne pouvez les porter maintenant. Bien que Jésus ait révélé à ses disciples tout ce qu’il a appris du Père (15,15), il aurait d’autres révélations encore à divulguer aux siens. L’emploi du verbe porter, utilisé le plus souvent dans le contexte de la Passion (19,17 ; voir Luc 11,46 ; 14,27 ; Galates 6,25), suggère que dans la situation pré-pascale des disciples, ces divulgations seraient pour eux un fardeau trop lourd : ils éprouveraient une énorme difficulté à comprendre la mort et la glorification de Jésus. Poursuivant son discours, Jésus proclame : Lorsque viendra l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière (v. 13a). Dans l’Ancien Testament, le terme vérité est appliqué à la voie divine qu’il faut connaître et dans laquelle il faut marcher pour avoir la vie (Psaumes 25,5). Autrement dit, la Loi. Ici, le vocable signifie que l’Esprit, l’interprète autorisé de Jésus, transmettra le parler du Fils glorifié qui est en communion parfaite avec le Père. L’Esprit reviendra aux remarques de Jésus et les clarifiera aux disciples afin qu’ils aient une intelligence profonde de tout ce que leur Maître a affirmé. En ce sens, l’Esprit conduit les disciples vers la vérité tout entière. Cette conduite vers la vérité n’est pas seulement une acquisition de connaissance ; elle est aussi intelligence pratique et existentielle de la Bonne nouvelle. En somme, l’Esprit poursuit ce que Jésus a fait : révéler aux êtres humains le mystère de Dieu.
Jésus et l’Esprit ne sont qu’Un
Au v. 13b, Jésus déclare : Il vous vous communiquera tout ce qui doit venir. La première partie de la déclaration présente le rôle de l’Esprit, alors que la deuxième section désigne les événements qui vont s’enchaîner jusqu’à la mort de Jésus et évoque le cours de l’histoire dans sa durée indéfinie. La fonction de l’Esprit consiste à prolonger la mission de révélation de Jésus en l’actualisant. Comme Jésus se référa sans cesse au Père qui l’a envoyé (voir 7,16-17 ; 8,28 ; 12,49 ; 14,10) et n’a dit que ce qu’il a entendu de lui (8,26.38), l’Esprit ne parlera pas de sa propre autorité : il renverra au Fils. Ainsi la révélation, qui a pris sa source dans le Père et qui a été effectuée par le Fils, s’achèvera dans l’Esprit, qui dira à nouveau, qui expliquera non seulement aux apôtres, mais aux chrétiens selon leurs besoins personnels et l’exigence des temps, le même événement de la révélation. C’est à la lumière de l’Esprit qu’ils saisiront « ce que » fut Jésus et « qui » il fut. En définitive, l’Esprit actualise l’événement-Jésus en le faisant comprendre comme l’événement dernier et décisif, en en faisant saisir le vrai sens et toute la portée. L’Esprit est donc l’authentique interprète du fait-Jésus quelle que soit l’époque.
Aux vv. 14-15, Jésus affirme : Il me glorifiera car il recevra ce qui est à moi […] Tout ce que possède mon Père est à moi ; c’est pourquoi j’ai dit qu’il vous communiquera ce qu’il reçoit de moi. L’Esprit glorifie Jésus dans la mesure où il conduira les disciples à la connaissance de la réalité qui se manifeste en Lui. Du même coup, il achève son œuvre qui était de glorifier ou de manifester le Père. Dans cette finale, ce que l’Esprit reçoit pour le communiquer vient du bien de Jésus, de ce qu’il possède. L’expression à moi, prononcée à deux reprises (17,10), oriente la vie qui est dans le Père et le Fils (5,26), à la gloire donnée de toute éternité au Fils (17,5.24), à l’amour qui est de Dieu. La perspective demeure christologique : c’est dans le Christ, interprété par l’Esprit, que le mystère de Dieu se dévoile.
La Trinité
Les trois personnes divines, clairement nommées aux deux versets qui terminent notre péricope, sont aussi énumérées dans d’autres passages des évangiles synoptiques et dans divers extraits des épîtres pauliniennes. Ainsi, à l’Annonciation, la voix de l’ange Gabriel annonce à Marie : L’Esprit viendra sur toi et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint et sera appelé Fils de Dieu (Lc 1,35). À son baptême, Jésus vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et voici qu’une voix venant des cieux disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir » (Matthieu 3,16-17 ; Marc 1,10-11 ; Luc 3,21-22). Dans sa formule baptismale, Matthieu énonce : Allez de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit (Mt 28,19). Dans son discours concernant les dons spirituels, Paul déclare : … personne, parlant sous l’inspiration de l’Esprit de Dieu, ne dit : « Maudit soit Jésus », et nul ne peut dire « Jésus est Seigneur », si ce n’est par l’Esprit Saint (1 Corinthiens 12,3-5); puis dans sa bénédiction, il proclame : La grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint Esprit soient avec vous (2 Corinthiens 13,13).
Ne nous surprenons pas si dans certains exemples, des symboles évoquent les personnes divines. Dans l’Ancien Testament, Dieu se manifeste sous différentes formes telles que les trois personnages mystérieux accueillis par Abraham (Genèse 18,2), la Parole créatrice ou rédemptrice (Gn 15,1 ; Amos 5,1-18 ; Ps 33,6.9 ; 147,18 ; Sagesse 18,14-25), l’Ange de Yahvé (Gn 32,25 ; Exode 3,4 ; 14,19) – bien que le contexte suggère qu’il s’agit de Dieu lui-même –, la colonne de feu et de nuée (Ex 14,24) sont les fondements des symboles utilisés à quelques endroits du Nouveau Testament.
Que les personnes divines soient nommées textuellement ou symboliquement, le terme Trinité n’apparaît pas dans la Bible. C’est à Théophile d’Antioche, aux alentours de 180, qu’on doit ce mot, adopté unanimement par l’Église ensuite, parce qu’il rend parfaitement compte du mystère de Dieu pour les chrétiens. Il faut entendre « mystère » au sens théologique précis du terme : réalité qui n’est pas démontrable par la raison mais qui est donnée à connaître par Dieu. Le terme « unique » figurant dans l’expression « Dieu unique » indique clairement qu’il n’y a qu’un Dieu pour les chrétiens. Mais, l’étymologie du vocable Trinité (qui renvoie au chiffre trois, « τρεĩς » en grec) indique que cette unité n’est pas monolithique : c’est l’unité de l’amour entre trois, le Père, le Fils et l’Esprit Saint.
Pour exprimer cette réalité complexe et mystérieuse, l’Église des premiers siècles a eu recours à deux notions philosophiques : celle de « nature » pour exprimer l’unité fondamentale de Dieu, nature unique que l’on retrouve chez le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Celle de « personne » pour exprimer la relation distincte du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Avec ce vocabulaire, le mystère central du christianisme est énoncé, soit le mystère d’un seul Dieu en trois personnes.
Dieu étant totalement, parfaitement et absolument amour, l’amour absolu se vit dans l’unité absolue : Dieu est un par nature, mais, en même temps, au sein de cette unité, une vie d’amour ne se comprendrait pas sans relations réelles entre des personnes différentes. Et ces personnes le Père, le Fils et l’Esprit se définissent précisément par leurs relations entre elles. Le Père est Père à cause de sa relation avec le Fils. Le Fils est Fils en raison de sa relation avec le Père. L’Esprit est Esprit à cause de sa relation avec le Père et le Fils.
Béatrice Bérubé a fait ses études à l’Université du Québec à Montréal où elle s’est spécialisée en études bibliques. Elle a obtenu son doctorat en 2014 et collabore au Feuillet biblique depuis 2015.
Source : Le Feuillet biblique, no 2762. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.