Jacques et Jean tenant la coupe. Retable attribué au maître Ventosilla (1501-1533). Huile sur panneau. Musée des Pèlerinages, Saint-Jacques de Compostelle (Xacopedia).

Un don définitif

Benoît LambertBenoît Lambert | 29e dimanche du Temps ordinaire (B) – 17 octobre 2021

La demande de Jacques et de Jean : Marc 10, 35-45
Les lectures : Isaïe 53, 10-11 ; Psaume 32 (33) ; Hébreux 4, 14-16
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Dans l’Ancienne Alliance, Dieu lui-même avait donné le moyen de renouer l’Alliance avec Lui lorsque le peuple ne la respecterait pas ; les sacrifices d’animaux étaient ce moyen. Ces oblations se faisaient au nom de la collectivité ou à titre individuel. L’animal sacrifié était l’instrument qui permettait aux êtres humains de visualiser leur réconciliation avec le Seigneur. Plusieurs éléments étaient nécessaires pour que le rituel sacrificiel soit réussi : le désir du pécheur de se réconcilier, la bête choisie selon les prescriptions de la Loi, une personne digne d’approcher la divinité, un prêtre et l’acceptation par le Seigneur de l’offrande. D’ailleurs les prêtres remplissaient la tâche d’immoler les animaux (Dt 33,10). Aux débuts de l’Alliance, l’enseignement de la Parole était la fonction prédominante du clergé. Mais celle-ci est devenue moins importante car les scribes s’en sont chargés. Exécuter des sacrifices selon le cérémonial fixé par la Torah devint donc leur principale occupation. Une hiérarchie s’est établie parmi les prêtres. Au sommet trônait le grand-prêtre qui, au moment de la Pâque, était le seul autorisé à pénétrer dans le Saint des Saints, l’endroit le plus sacré du Temple de Jérusalem, pour effectuer le sacrifice qui manifesterait le souhait d’Israël de renouer avec son Créateur.

Une nouvelle alliance

Dieu a constaté l’inefficacité des sacrifices d’animaux de l’Ancienne Alliance. Les fils et les filles d’Abraham persistaient à ne pas respecter la Loi. Dieu a donc fait un second don : son propre Fils. Ce divin Fils s’est incarné. Il a assumé la condition humaine. En lui, l’harmonie entre l’humanité et la divinité serait définitive. Mais, pour que cela se réalise, il fallait que la liberté humaine du Fils reste fidèle aux desseins du Père. Ainsi, Jésus Christ a accepté de mourir et sa fidélité a été récompensée. Son Père l’a ressuscité et ramené dans le Royaume. Malheureusement, le Seigneur est mort dans les pires souffrances. Son message d’amour et d’un culte renouvelé fondé sur une conversion du cœur plutôt que sur le respect des clauses de la Loi était trop extrémiste pour les autorités religieuses de l’époque qui représentaient la tradition mosaïque. Il fallait l’écarter par tous les moyens. Le plus honteux des châtiments infligé aux criminels durant cette période, la croix, fut son sort. De plus, il fut torturé et injurié avant sa mise à mort. Malgré tout, le Christ a triomphé comme il l’avait annoncé aux apôtres. Désormais, l’humanité et la divinité présentes dans la personne du Sauveur existent dans l’au-delà.

La coupe

Partout où Jésus se dirigeait, il y avait foule. Elle écoutait avec ferveur ce prédicateur éloquent qui faisait aussi des miracles. Le Galiléen était devenu le prophète à la mode. Face à cette popularité, les apôtres étaient enthousiastes et ils ne comprenaient pas pourquoi leur Maître tenait des propos sinistres. Jésus était puissant et il pouvait chasser l’envahisseur romain de Jérusalem, prendre le pouvoir et constituer un nouveau gouvernement. Mais, en se dirigeant vers Jérusalem, Jésus savait qu’un destin tragique l’attendait. Les prédictions étaient des avertissements que les disciples ne voulaient pas entendre. La demande des fils de Zébédée, Jacques et Jean, émerge dans ce contexte. Cela fait déjà deux fois dans l’évangile de Marc que les apôtres demandaient quelle sera leur place après la conquête du pouvoir par le Christ. Mais les fils du Tonnerre, Jacques et Jean, les Boanergès (Mc 3,17), comme le dit ce surnom, étaient impétueux (Lc 9,52-56) et pouvaient se montrer effrontés face au Maître. Au lieu de les remettre à leur place, Jésus va encore tenter de leur faire comprendre ce qui se trame à Jérusalem.

Jésus utilise deux images pour illustrer son destin : la coupe et le baptême. La coupe symbolise ici le sort de Jésus. Dans l’Antiquité, les joueurs utilisaient la coupe pour brasser les dés et, après le lancer, le chiffre qui apparaissait fixait une possibilité, un sort. Avec le temps, la coupe elle-même est devenue la métaphore du destin. Quant au baptême, Jésus évoque ce qui lui arrivera sur la croix. C’est tout le mystère de sa mort et de sa résurrection. Dans le temps de l’Église, par le rite du baptême, les hommes et les femmes seront plongés dans la mort et la résurrection du Christ. Après les avoir encore avertis qu’il souffrirait, Jésus dit aux deux frères qu’ils partageront le même sort que Lui. En effet, Jacques fut l’un des premiers martyrs de l’Église (Actes 12,2). Et pour conclure ce débat, Jésus indique aux fils du Tonnerre que cette question est inutile car c’est son Père qui fixe chaque place dans les cieux. L’épisode se termine par la désapprobation des autres apôtres face à l’impertinence de Jacques et de Jean.

Le bien commun

Jésus n’en reste pas là. Il va transmettre aux siens un enseignement qui a un rapport direct avec la question des Boanergès. Il va comparer la qualité du pouvoir dans notre monde matériel et dans le Royaume des Cieux. Dans notre monde le pouvoir s’exerce sur le mode de la domination. Les hommes de pouvoir vont tout faire pour contrôler leur environnement et ainsi diminuer les menaces à leur survie. Ils vont donc dominer les autres personnes et accumuler le plus de biens possibles pour survivre lors de futures tribulations. Ils vont même éliminer les gens qui les contestent. Dans la nouvelle société fondée par le Christ, l’exercice du pouvoir est altruiste. L’instinct de survie, la peur de la mort disparaissent puisqu’en croyant au Christ et à sa résurrection, la personne sait qu’il y a une autre réalité merveilleuse après la mort et qu’elle y a accès. Et tout cela, grâce au Christ ressuscité, qui a conduit l’humanité près du Père. En acceptant de toujours obéir à son Père, Jésus a comblé le fossé causé par les refus répétés des humains d’être aimés de la Trinité. Les premières communautés chrétiennes, sur la base du témoignage des Apôtres qui ont enfin compris la mission du Christ après la Pentecôte, ont vite associé les prophéties du Serviteur souffrant du livre d’Isaïe (Is 42,1-9 ; 49,1-7 ; 50,4-11 ; 52,13 – 53,12) au Christ qui a souffert et qui est devenu le modèle parfait de la personne qui va servir le bien commun inconditionnellement. En adoptant le critère du service, l’Église a établi une hiérarchie céleste. Jésus Christ, le parfait serviteur, est au sommet. Par la suite, il y a les saints qui ont sacrifié leur vie pour le Christ. Ces personnes sont proposées par les différentes confessions chrétiennes comme des modèles qui peuvent inspirer les baptisés dans leur parcours spirituel sur la terre.

Le grand-prêtre

La Lettre aux Hébreux est un des rares endroits dans la Bible où l’aspect sacerdotal de l’existence du Fils est abordé. Désormais, Jésus est le grand-prêtre par excellence, l’intermédiaire privilégié entre le Père et l’humanité grâce aux deux natures (divine et humaine) qui sont présentes dans sa personne. Quand une personne prie, à travers l’humanité du Fils, cette prière se rend directement au Père. À travers le Christ, l’Esprit communique directement avec les gens et les élèvent au rang d’enfants de Dieu. Le sacrifice de Jésus Christ n’a donc pas été une offrande éphémère comme celles de l’Ancienne Alliance. Dans les cieux où il siège dorénavant, le Fils s’est libéré des limites spatio-temporelles de notre univers matériel. Il intercède constamment auprès du Père pour que ses frères et sœurs adoptifs le suivent dans l’éternité.

Détenteur d’une maîtrise ès arts (théologie) de l’Université Laval, Benoît Lambert a rédigé des articles et des brochures pour plusieurs revues religieuses (Vie liturgique, Revue Notre-Dame-du-Cap). Il collabore au Feuillet biblique depuis 1995.

Source : Le Feuillet biblique, no 2724. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

Célébrer

Célébrer la Parole

Depuis l’automne 2017, le Feuillet biblique n’est disponible qu’en version électronique et est publié ici sous la rubrique Célébrer la Parole. Avant cette période, les archives donnent des extraits du feuillet publiés par le Centre biblique de Montréal.