(Francesco Gallarotti / Unsplash)
Suivre le Christ dans sa mort pour ressusciter avec lui
Yvan Mathieu | 5e dimanche du Carême (B) – 21 mars 2021
L’heure est venue : Jean 12, 20-33
Les lectures : Jérémie 31, 31-34 ; Psaume 50 (51) ; Hébreux 5, 7-9
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.
Dans l’évangile de ce dimanche, Jésus est déjà arrivé dans la ville sainte pour célébrer la Pâque (voir Jn 12,12). Mais il faut attendre trois versets avant qu’il ne prenne la parole. Le récit s’ouvre en montrant quelques Grecs parmi ceux qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu pendant la fête de la Pâque (Jn 12,20). Ce ne sont pas des païens ordinaires. Comme Corneille, le centurion d’Actes 10, ce sont sans doute des « craignant Dieu », des hommes qui fréquentent la synagogue sans toutefois avoir été circoncis. « Ils ne sont pas venus à Jérusalem en touristes mais en pèlerins, mus en tout cas par une recherche sincère de la vérité [1] ». Ils abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée, et lui firent cette demande : “Nous voudrions voir Jésus” (Jn 12,21). Ces Grecs font penser à tant d’hommes et de femmes de notre temps, qui sont en recherche et qui aimeraient tant « voir Jésus ». Saurons-nous leur répondre à la manière de Philippe?
Les premiers disciples prennent le relais
Philippe est l’un des premiers disciples de Jésus. Jean Baptiste avait posé son regard sur Jésus et l’avait désigné comme l’Agneau de Dieu (Jn 1,36). Deux disciples de Jean avaient alors suivi Jésus, qui leur demanda : « Que cherchez-vous? » (Jn 1,38). Ils restèrent auprès de lui ce jour-là (Jn 1,39). Le lendemain, André, l’un des deux disciples de Jean, amena son frère Simon-Pierre à Jésus. Jésus lui-même trouva ensuite Philippe et l’appela à le suivre. Puis, Philippe amena Nathanaël à Jésus. Le groupe des cinq premiers disciples était formé. Parmi eux, deux avaient des noms grecs : Philippe et André. Ils étaient tous deux de Bethsaïde en Galilée (voir Jn 1,44 ; 12,21). Pas surprenant que les Grecs, qui voulaient rencontrer Jésus, se soient tournés vers Philippe, qui se tourna à son tour vers André, et tous deux vont le dire à Jésus (Jn 12,22b).
L’heure a sonné
Alors Jésus leur déclare : « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié » (Jn 12,23). Sa réponse nous ramène à nouveau au début du ministère de Jésus. Après l’appel des premiers disciples, lors des noces de Cana, la mère de Jésus lui a fait remarquer que les invités n’avaient plus de vin. Jésus avait répondu : Mon heure n’est pas encore venue (Jn 2,4). Le lecteur attentif sait donc que cette heure est le temps fixé pour l’accomplissement de la mission de Jésus, Fils de l’homme. C’est aussi l’heure de sa passion (voir Jn 7,30 ; 8,20). Jésus précise maintenant que cette heure mènera à sa glorification. « De cette glorification, l’auteur est le Père, comme l’indique le passif du verbe “glorifier”, employé pour la première fois à propos de l’Heure [2] ». Pour Jésus, la demande des Grecs est un signe que l’heure de la passion est arrivée. Il affirme d’emblée que ce passage à travers la mort conduira à sa résurrection.
Le passage obligé par la mort
Par une petite parabole introduite de manière solennelle, Jésus commence par annoncer sa mort. « Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12,24). Jésus est lui-même ce grain de blé qui sera déposé en terre. Or sa mort portera beaucoup de fruit. Il l’avait promis lors du discours sur le pain de vie, « le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde » (Jn 6,51b). Le don de sa vie est aussi l’apanage des disciples de Jésus. « Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera » (Jn 12,25-26). Le chemin qui mène à la résurrection passe nécessairement par le don de sa vie. En empruntant ce chemin, on pourra voir le Christ glorifié et entrer avec lui dans la gloire.
L’hésitation humaine devant la mort
La scène de Gethsémani est absente de la passion selon saint Jean. Mais nous en retrouvons ici l’équivalent. Jésus déclare : « Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire? “Père, sauve-moi de cette heure”? – Mais non! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci! Père, glorifie ton nom! » (Jn 12,27-28a). Comme tout être humain, le Fils de Dieu fait chair est angoissé devant sa mort. Mais il prend le risque de la foi en son Père, qui transforme notre mort en Pâque, en passage vers la vie éternelle, vers la glorification. Voilà qui glorifiera le nom du Père! Jésus ne demande pas d’être sauvé de cette heure, mais bien par cette heure! Et le Père répond favorablement. Alors, du ciel vint une voix qui disait : “Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore” (Jn 12,28b).
Difficile de croire en la résurrection
Cette déclaration du Père soulève un questionnement. En l’entendant, la foule qui se tenait là disait que c’était un coup de tonnerre. D’autres disaient : “C’est un ange qui lui a parlé.” Mais Jésus leur répondit : “Ce n’est pas pour moi qu’il y a eu cette voix, mais pour vous” (Jn 12,29-30). Comme il est difficile, même pour les disciples de Jésus, de ne pas limiter la mort à la fin de la vie. Pour Jésus, il est clair que l’heure de sa mort est celle de son entrée (ou plutôt de son retour) dans la gloire du Père. La voix venue du ciel est celle de son Père. Elle confirme que la mort de son Fils et son enfouissement dans la terre ouvriront une brèche, inaugureront un passage vers la vie éternelle. C’est là le cœur de la foi chrétienne. La voix venue du ciel nous invite à croire avec Jésus en sa résurrection et en la nôtre!
La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant
Jésus révèle ensuite le sens profond de sa mort et de sa résurrection. « Maintenant a lieu le jugement de ce monde ; maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors » (Jn 12,31). Jésus l’avait dit à Nicodème dimanche dernier, celui qui croit en lui échappe au Jugement ; celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu (Jn 3,18). La volonté du Père est que tous et toutes s’ouvrent à la lumière de sa gloire qui se révèle dans le mystère de la croix de son Fils. D’où la déclaration de Jésus : « et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12,32).
Où sont passés les Grecs?
À première vue, Jésus n’a pas répondu au désir des Grecs qui voulaient le voir. Pourtant, sa réponse à Philippe et André montre bien qu’ils pourront le voir lorsqu’il sera élevé sur la croix dans sa gloire. C’est alors qu’il attirera à lui tous les humains et que ceux-ci pourront contempler sa lumière. La lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. […] Mais celui qui fait la vérité vient à la lumière (Jn 3,19-21). Et nous qui entrerons bientôt dans la semaine sainte, serons-nous au rendez-vous de la lumière? Saurons-nous suivre le Christ jusque dans le don de notre vie?
Père mariste, Yvan Mathieu est professeur à l’Université Saint-Paul (Ottawa).
Source : Le Feuillet biblique, no 2701. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.
[1] Valerio Mannucci, « Les païens entrent en scène à l’heure de la glorification de Jésus », dans Assemblées du Seigneur, NS 18 (1971), p. 36-45 (37).
[2] Xavier Léon-Dufour, Lecture de l’Évangile selon Jean, II (chapitres 5–12), Paris, Cerf (Parole de Dieu), 1990, p. 461.