(photo : Felix Mittermeier / PxHere)
« Vous savez que l’été est proche! »
Alain Faucher | 33e dimanche du temps Ordinaire (B) – 18 novembre 2018
La venue du Fils de l’homme et la parabole du figuier : Marc 13, 24-32
Les lectures : Daniel 12, 1-3 ; Psaume 15 (16) ; Hébreux 10, 11-14.18
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.
Cette affirmation optimiste est tirée de l’évangile du jour. Elle va à contre-courant de ce que nous observons dans nos grands espaces! Les semaines sombres sont fréquentes en novembre. Comme si la vie basculait vers la tristesse de la mort. La nostalgie ambiante est renforcée par les paysages grisâtres, en attente de la luminosité des premières neiges. Notre espérance du retour du printemps n’est pourtant pas pure fabulation. En effet, plusieurs arbustes sont déjà munis de bourgeons, prêts pour la relève du mois de mai. Comme si la mort ne saurait avoir le dernier mot! Ces signes de printemps nous font apprécier l’optimisme de l’évangile de ce dimanche!
Le vague à l'âme de novembre peut être renforcé par les difficultés économiques des derniers mois. Il faut alors se reprendre en main. La Parole de Dieu vient soutenir nos efforts, en heureux prélude au dimanche du Christ Roi et à la saison de l'Avent toute proche. Nous constatons, entre autres, que le sacrifice de Jésus est efficace. Il annonce le succès du projet rassembleur de Dieu. Peu importent les morosités du temps présent!
Un regard sur les lectures
Une vie scintillante : Daniel 12, 1-3
La pire détresse ne peut nous ravir la vie que Dieu nous transmet. C’est une vie durable, une vie éternelle! Les personnes connues de Dieu ne seront jamais privées de la vie éternelle ou de la bonne réputation qui l'accompagne.
Les propos réconfortants de la première lecture datent probablement de la persécution déclenchée par Antiochus Épiphane (entre 167 et 164 avant Jésus Christ). Les Juifs consciencieux s'opposaient vigoureusement au processus d'uniformisation culturelle et cultuelle déclenché par le pouvoir politique. Cette contestation des Juifs laisse une trace forte dans la Bible : la première affirmation de la certitude d'une résurrection des morts. L’affirmation réconforte les persécutés qui semblent abandonnés. Dieu va les introduire dans une vie que lui seul peut conférer.
Cette vie nouvelle se traduit dans l'imagerie des étoiles brillantes. On croyait alors que les morts prenaient place parmi les étoiles. Le philosophe grec Platon leur attribuait la Voie lactée, rien de moins! Le rationnel de cette imagerie poétique se base sur la manière de classer alors les astres. À cause de leur scintillement et de leur mouvement, les Anciens considéraient les corps célestes comme des êtres vivants. D'où la pertinence de les comparer à la mémoire des personnes passées par la mort pour accéder à la vie donnée par Dieu.
Psaume 15 (16), 5.8, 9-10,1b.11
Le croyant garde confiance au-delà de la mort. Le lien qu'il maintient avec Dieu dans ses difficultés sera chemin de vie, dans l'abondance et pour l'éternité. Ces idées positives sont véhiculées par la prière de confiance d'un Lévite souffrant d'une maladie sérieuse. Son attention se centre sur Dieu. Elle génère une confiance qui va au-delà de la mort. Le texte du psaume a probablement été progressivement amplifié. Il inclut la conviction d'une survie, après la mort, en présence de Dieu.
Un rôle de premier plan : Hébreux 10, 11-14.18
Des propos encourageants permettent aux fidèles d'entrer en contact avec les splendeurs d'un texte du Nouveau Testament trop peu fréquenté. Deux chapitres de cette longue lettre décrivent le service sacerdotal de Jésus. Nous proclamons aujourd'hui leur conclusion.
Le rituel de la première alliance devait être répété sans cesse, un indice de son inefficacité à vaincre le péché. L'alliance nouvelle repose sur le sacrifice unique de Jésus. Ce sacrifice est efficace, car il transmet la sainteté aux disciples de Jésus. Les croyants de toutes les époques bénéficient de ce résultat définitif. Il serait bon, en ce dimanche qui aborde de front des perspectives angoissantes, de faire apprécier la contribution positive de ce document majeur trop souvent négligé, l’Épître aux Hébreux.
Un avenir réconfortant : Marc 13, 24-32
L'obscurité de la grande détresse cosmique est contrebalancée par l'image discrète des branches attendries par le printemps. La longueur actuelle des nuits et la biologie des végétaux de nos régions renforcent le contraste. On comprend mieux la portée du message de l'évangile : aux jours où se fera proche le Fils de l'homme, l'univers pourra être ébranlé; cela n'enlèvera rien à l'éclat de l'arrivée toute proche du Fils de l'homme.
Son arrivée n'occupe plus le premier rang dans nos convictions religieuses. Par contre, elle donnait jadis le ton à l'espérance dynamique des premières communautés chrétiennes. Cette espérance pourrait nous aider à redynamiser la vie sociale. Certes, l’information, dans l’évangile, n’est pas complète. Il reste une large marge d'incertitude. Le Père du ciel conserve dans le plus rigoureux secret les temps et les lieux de la grande rencontre... Cette discrétion est encore la règle!
Un commentaire d’actualité
S’engager dans la lecture
La vie plus forte que la mort? Ce paradoxe est bien présent dans l’évangile de ce jour. Les plus grandes détresses ne sont rien à côté des certitudes partagées par les membres des premières communautés chrétiennes. Peu importaient les difficultés du moment : le sacrifice efficace de Jésus annonçait déjà le succès du projet rassembleur de Dieu.
Comme auditeurs de la Parole, nous sommes invités à prendre au sérieux ce que nous entendons ou ce que nous lisons. Nous accueillons habituellement ce genre d’affirmations bibliques sans nous sentir concernés : Un temps de détresse comme il n’y en a jamais eu… (première lecture); après une terrible détresse (évangile). Cette fois, notre lecture et notre écoute sont bien différentes. Depuis plusieurs mois, notre société a été plongée dans une terrible incertitude. La détresse économique s’est soudain rapprochée de nos sociétés. Les fondements qui semblaient les plus solides se révèlent étonnamment fragiles. Notre imagination est fortement sollicitée, mais les solutions sont moins évidentes que les situations problématiques!
Les textes bibliques nous aident à harmoniser les difficultés du présent avec la signification profonde des temps « qui sont les derniers ». En effet, selon la Bible, la détresse cosmique ou collective n’est jamais la fin de tout. Elle est une étape, un signe de maturation. Une anticipation douloureuse d’un très heureux dénouement : la rencontre définitive avec le juste Juge de l’humanité.
Au cœur de l’espérance chrétienne
La foi dynamique des premiers chrétiens nous ramène à la luminosité originelle de l’évangile. La Bonne nouvelle? Le Seigneur est tout proche. Pas pour détruire, mais pour mettre en lumière ce qui est juste et bon. Pour laisser Dieu compléter l’univers dans sa perfection. Tout le reste est mis en perspective par cette relation forte et constructive. Quel chef d’État peut en offrir autant? Quel gouvernement peut prétendre à un tel pouvoir?
Comme croyants plongés dans les complexités du temps présent, aurons-nous la sagesse de faire appel à une autre source de richesse : l’expérience de foi accumulée au fil des générations? La foi génère des certitudes autrement inaccessibles! Nous constatons à quel point le sacrifice définitif de Jésus (deuxième lecture) et notre appartenance têtue à Dieu (première lecture) donnent une force incomparable, une portée cosmique à notre espérance.
Au lieu d’être écrasés par la « fin du monde », nous combattons la morosité. Grâce à la lueur d’espérance transmise d’une génération de personnes croyantes à l’autre. Grâce à la splendeur discrète des multiples initiatives qui savent relancer la confiance dans un groupe de voisinage, dans un quartier, dans notre cité.
Parce que des groupes chrétiens prennent des initiatives en faveur des migrants et de la planète, nous nous réjouissons des fragiles pousses d’espérance qui s’enracinent dans les temps nouveaux inaugurés en Jésus. Cela peut sembler dérisoire devant l’ampleur des problèmes qui frappent l’humanité. Cela permet pourtant de renouer avec notre responsabilité de cocréateurs du monde. À nous la tâche essentielle d’être signe du printemps de Dieu au moment où s’installe l’hiver! Cette affirmation de responsabilité, quel heureux prélude à la saison de l’Avent qui approche!
Alain Faucher est prêtre du Diocèse de Québec. Professeur d’exégèse biblique à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval, il est directeur général des programmes de premier cycle.
Source : Le Feuillet biblique, no 2594. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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