L’offrande de la veuve. James C. Christensen, 1988.

Des sacrifices

Benoît Lambert Benoit Lambert | 32e dimanche du temps Ordinaire (B) – 11 novembre 2018

Jésus, les scribes et l’offrande de la veuve : Marc 12, 38-44
Les lectures : 1 Rois 17, 10-16 ; Psaume 145 (146) ; Hébreux 9, 24-28
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle

Quand on prononce le mot sacrifice,  une connotation péjorative de souffrance morale ou physique se profile dans notre esprit. Une aidante naturelle s’épuise en sacrifiant ses journées pour prendre soin d’une autre personne. Un soldat revient de la guerre avec un syndrome post-traumatique. La liturgie de la Parole propose de considérer le sacrifice sous une autre perspective. Un sacrifice qui exprime l’amour d’une personne pour son Créateur apporte de nombreux bienfaits spirituels.

Les veuves

Dans les sociétés orientales antiques dont Israël fait partie, trois catégories de personnes sont très vulnérables parce qu'elles ne sont pas reconnues par le droit : les veuves, les orphelins et les étrangers. Les femmes et les enfants doivent être protégés par un homme adulte ayant des revenus. En perdant ce rempart devant l'adversité, les veuves et les orphelins se retrouvent souvent démunis. Un système rudimentaire d'aide sociale a été mis en place dans la société judaïque antique pour ces pauvres : l'aumône obligatoire qui est distribuée aux moins nantis, le droit pour les veuves de glanage le blé et les raisins dans les champs qui ne leur appartiennent pas. Le livre de Ruth présente un bel exemple de cette pratique. Dans l'Église naissante, on a aussi mis en place un système de soutien aux veuves (Actes 6,1 ; 1 Tim 5,3-15)

La veuve de Sarepta fait confiance à Élie

Dans le royaume de Samarie, certains hauts dirigeants d'Israël ont introduit des cultes païens dont celui des dieux cananéens de la fertilité censés apporter la prospérité agricole dans la nation. Le prophète Élie a dénoncé cette infidélité à l’Alliance par le peuple saint. Malgré le culte de nouveaux dieux, la sécheresse s'est installée. Élie déclare que c’est la conséquence de la méfiance de certains membres du peuple élu envers le Seigneur. Au lieu de reconnaître leur faute, les partisans israélites des cultes cananéens estiment qu'Élie a plutôt causé cette catastrophe en n'adorant pas les nouvelles divinités. Devant les menaces, Élie s'est réfugié en territoire païen, à Sarepta, en Phénicie, l’actuel Liban.

Ce territoire est aussi touché par la sécheresse. Élie rencontre une veuve et lui demande à boire. Elle répond affirmativement à cette requête du prophète. Une seconde requête va obliger la femme à un énorme sacrifice en donnant les maigres ressources alimentaires qui lui restent pour vivre. Elle va quand même nourrir Élie. La veuve va se sacrifier parce qu'un lien de confiance s'est établi entre elle et le prophète du Seigneur. Contrairement aux fils et filles d'Abraham qui ont retiré leur confiance au Très-Haut, une pauvre qui ne connaît pas Yahvé a manifesté sa confiance envers son porte-parole en lui obéissant. Cette femme et son fils seront récompensés par Dieu, car ils ne manqueront pas de blé et d'huile durant cette période de famine.

Élie a gagné la confiance de la veuve en lui ayant adressée une première demande facile à satisfaire. La femme a pu observer l'homme et constater sa sainteté. Quand le prophète lui a fait une demande plus exigeante, elle a de nouveau accepté, car elle avait disposé de temps pour apprécier son interlocuteur. Le rédacteur biblique indique une stratégie d'Élie qui peut servir d'exemple aux éducateurs actuels. Il ne faut pas brusquer les gens sur le chemin de la foi. Il faut y aller par étapes. De plus, le rédacteur biblique se permet une petite innovation. Une païenne se convertit. Le salut ne semble plus réservé aux seuls membres du peuple élu. Ce fait préfigure la grande ouverture aux non-juifs que Paul va réaliser après la résurrection du Christ.

Jésus et la veuve du Temple

La veuve du Temple n'hésite pas à sacrifier l'essentiel de ses revenus pour plaire au Dieu d'Abraham. Elle obéit à la Loi en donnant l’aumône prescrite pour le service du Temple en recherchant uniquement la bénédiction de Yahvé. Jésus s’émerveille de ce comportement. En revanche, il condamne l'attitude des scribes qui croient que l'accomplissement de rites peut suffire largement à s'attirer les faveurs divines, même si leur cœur n'est pas nécessairement tourné vers le Père quand ils exécutent un rite.  Ces comportements deviennent plutôt pour certains une occasion de manifester le statut prestigieux qu'ils occupent dans la société et de profiter des privilèges que ce statut leur procure. Tournés vers eux-mêmes, ils ne pourront pas évoluer spirituellement. Il faut préciser que Jésus ne désapprouve pas les rites. L'aumône, la prière et le jeûne, des pratiques phares du judaïsme, resteront présentes dans l'Église. Jésus va même instituer de nouveaux rites comme l'Eucharistie. Ces marques de piété demeurent importantes pour le Christ, car elles expriment l'amour de l'humanité pour Dieu. Un détail anodin résume le contexte de cette Bonne Nouvelle. Jésus est assis dans le Temple. Cette position symbolise l'autorité du Maître (Si 10,1) qui instruit ses disciples dont l'écoute se manifeste par le fait qu'eux aussi sont assis à ses pieds (Lc 10,39). On a comme un tableau représentant Jésus qui communique un enseignement essentiel pour les gens qui vont le suivre. Les dispositions du cœur constituent dans la Nouvelle Alliance le critère du salut.

Il y a ici plus qu’un enseignement : c’est la révélation du don que Jésus fera de sa vie sur la croix. L’auteur de la Lettre aux Hébreux y verra le sacrifice ultime qui fera entrer les humains dans une alliance sacrée définitive avec le Père qui a aimé le monde au point de lui donner le Fils bien-aimé.

Détenteur d’une maîtrise ès arts (théologie) de l’Université Laval, Benoît Lambert a rédigé des articles et des brochures pour plusieurs revues religieuses (Vie liturgique, Revue Notre-Dame-du-Cap). Il collabore au Feuillet biblique depuis 1995.

Source : Le Feuillet biblique, no 2593. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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