(photo : koosen / 123RF)

Le grand commandement de l’amour de Dieu et du prochain

Béatrice Bérubé Béatrice Bérubé | 31e dimanche du temps Ordinaire (B) – 4 novembre 2018

Le premier de tous les commandements : Marc 12, 28-34
Les lectures : Deutéronome 6, 2-6 ; Psaume 17 (18) ; Hébreux 7, 23-28
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

La péricope de Marc 12,28b-34 qui est lue aujourd’hui présente le dialogue entre Jésus et un scribe, entretien centré sur le premier de tous les commandements. Cette discussion permet aux deux protagonistes de discourir sur ce qui importe le plus dans l’action humaine. Ce passage se développe en deux étapes : la première comprend la question du scribe (v. 28b) suivie de la réponse de Jésus (vv. 29-31) et la seconde comporte une répartie du lettré (vv. 32-33) accompagnée d’un éloge du Galiléen (v. 34).

La question du scribe (v. 28b)

Ce scribe, qui questionne Jésus sur le premier commandement à observer, se préoccupe comme de nombreux juifs du précepte dont l’observance inclurait celle de tous les autres. Il ne s’agit pas pour le légiste de classer les préceptes, mais de mettre en valeur un commandement qui correspond à la volonté de Dieu.

La réponse de Jésus (vv. 29-31)

Jésus commence sa réponse en proclamant : « Écoute, Israël! Le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur », (v. 29), déclaration faisant écho à la citation de Dt 6,4, le Shema, prièreque tout juif est tenu de réciter matin et soir conformément aux règles de la piété juive (Dt 6,7). Le Dieu unique, « Notre Dieu », le Dieu de l’Alliance doit être objet d’amour qui s’accomplit dans l’obéissance aux commandements et qui s’exprime par l’engagement de tout l’être humain, évoqué par la quadruple formule « cœur, âme, pensée – que l’on retrouve en 2 R 23,25 – et force » (v. 30).

S’investir totalement dans l’amour de Dieu

Aimer Dieu de tout son cœur est le terme qui englobe toute la vie intérieure, intellectuelle et affective, de toute son âme, c’est-à-dire de tout le déploiement de sa vie et de ses possibilités, de toute sa pensée et de toute sa force, vocables quidésignent toutes ses ressources, y compris ses richesses matérielles. Cette expression renvoie à la formule double du Deutéronome « de tout ton cœur, de tout ton être », énoncé lié à « aimer » (10,12 ; 30,6), mais aussi à « chercher Dieu » (4,29), le « servir » (10,12), « pratiquer et garder les commandements » (26,16), « écouter » le Seigneur (30,2), « revenir » à lui (30,2.10). Ces différents verbes évoquent bien les formes concrètes que doit revêtir l’amour du peuple pour son Dieu, à l’image de l’amour même de Dieu pour les siens (10,18). L’amour de Dieu inclut non seulement les principes vitaux, mais toutes les énergies intimes de l’être humain.

Incarner l’amour de Dieu dans l’amour des autres

À ce premier commandement, Jésus en ajoute un second qui lui est semblable : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (v. 31a), citation de Lv 19,18b. Pour les gens de la Bible, la formule « tu aimeras » présente un contenu négatif et un contenu positif. Le premier implique l’ordre de ne pas faire de tort en s’abstenant des diverses formes que revêt ce tort : ne pas voler, ne pas tromper, ne pas utiliser le serment pour tromper, ne pas retenir la paye de son mercenaire, etc. Le second suppose la bonté de « faire droit » aux uns et aux autres en appliquant concrètement le statut de protection dont la faveur de Dieu entoure l’orphelin et la veuve, et l’étranger résident en lui donnant pain et vêtement (Dt 10,18-19). De ce passage, dépend celui du Lv 19,33-34 où il est dit d’aimer l’étranger comme soi-même, car les enfants d’Israël ont été des étrangers au pays d’Égypte. Le rapprochement de ce commandement avec celui du Lv 19,18b permet de saisir ce que la Loi signifie quand elle prescrit d’aimer le prochain : il s’agit d’appliquer le droit de Dieu qui le concerne en s’abstenant de le léser et subvenir à ses besoins élémentaires là où la pauvreté se manifeste. Quant à la comparaison « comme toi-même », le parallèle n’implique pas le devoir de s’aimer soi-même, mais un fait présupposé, apte à fournir le modèle de l’action envers autrui. Ce commandement énoncé par Jésus peut s’expliquer ainsi : « agir concrètement pour le bien de son prochain, dans son intérêt, prendre soin de lui comme on le fait déjà pour soi-même », interprétation déjà connue de Ben Sira quand il demande de pardonner au prochain son manque de justice, car c’est un péché de ne pas faire miséricorde à  un homme comme lui  (Si 28,3-5). En ce sens, l’amour véritable pour Dieu n’est pas que cérébral. Il se traduit dans l’action et le dépassement envers autrui.

L’amour pour le prochain est la preuve de l’amour pour Dieu.

C’est ainsi, pour Jésus, que l’amour de Dieu et l’amour du prochain se confondent : « Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là » (v. 31b). Pour le Galiléen, la fusion de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain trouve son fondement et son sens, non pas dans l’égalité de ceux qui sont l’objet de l’amour, mais dans la nature de l’amour même. Il est renoncement à l’amour de soi, disponibilité et don, exigés et actualisés là où se trouve l’être humain qui est interpellé par un de ses semblables qui a besoin de lui. La fin de sa déclaration montre qu’il ne confond pas l’amour de Dieu et celui du prochain. Il n’y voit pas une seule et même réalité. Mais l’amour du prochain, l’amour de soi et l’amour de Dieu vont de pair. On ne peut aimer son prochain comme soi-même sans aimer Dieu, ni aimer Dieu sans aimer son prochain comme soi-même.

La répartie du scribe (vv. 32-33)     

Au v. 32, le scribe confirme la justesse des propos de Jésus et reconnaît en lui un maître à l’enseignement véridique, c’est-à-dire conforme à la volonté de Dieu (v. 32). Il explicite son approbation par une reprise de la réponse de Jésus qu’il formule à sa manière en limitant à trois membres [cœur, intelligence, force, (v. 33a) au lieu de quatre (cœur, âme, pensée, force) comme dans la réponse de Jésus. Ces variantes par rapport au dit de Jésus montrent que le lettré est moins attaché à un texte qu’à son contenu. Puis, le scribe termine sa réplique en ajoutant que l’amour de Dieu et du prochain valent plus que tous les holocaustes et les sacrifices  (v. 33b), expression qui rappelle celle de 1 S 15,22; Os 6,6; Is 1,11 et Ps 40,7. Ce thème vétérotestamentaire ne signifie pas l’abolition du culte sacrificiel, mais seulement le refus d’en faire une priorité par rapport à l’obéissance aux autres aspects de la Loi.

L’éloge de Jésus (v. 34)

Jésus trouve la prise de position du scribe pleine de sagesse. D’où sa mention « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu », affirmation qui fait référence à celle de 1,15. Ce qui joue en faveur de la reconnaissance d’une telle proximité à l’égard du Règne de Dieu, c’est le fait que le scribe ait relié l’amour de Dieu à l’amour du prochain et affirmé leur prévalence sur le culte du temple symbolisé par les divers types de sacrifices. Néanmoins, il reste une petite réserve : si elle rend proche du Règne de Dieu, il n’est pas dit que la préséance donnée au double commandement d’amour y fait entrer. Serait-ce parce que la théorie ne suffit pas, s’il manque la pratique ou parce que l’obéissance à la Loi ne peut à elle seule donner le salut.

Conclusion

Dans cet enseignement, Jésus unifie la Loi de Moïse dans son essentiel : toutes les exigences centrées sur le double commandement de l’amour, l’amour comme ouverture à Dieu et aux autres. Jésus rappelle à l’individu que tout son être est en jeu dans ses rapports avec Dieu et le prochain. Pour les chrétiens d’aujourd’hui, la doctrine de Jésus continue d’être valable, puisque c’est encore ainsi que Dieu appelle les êtres humains.  

Béatrice Bérubé a fait ses études à l’Université du Québec à Montréal où elle s’est spécialisée en études bibliques. Elle a obtenu son doctorat en 2014 et collabore au Feuillet biblique depuis 2015.

Source : Le Feuillet biblique, no 2592. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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