Adam et Ève. Mosaïque de la création. Basilique de Saint-Louis, MO (photo : courtoisie de Jeff Geerling)

L’amour, fondé en Dieu, une espérance pour toujours

Julienne Côté Julienne Côté | 27e dimanche du temps Ordinaire (B) – 7 octobre 2018

Mariage et divorce : Marc 10, 2-16
Les lectures : Genèse 2, 18-24 ; Psaume 127 (128) ; Hébreux 2, 9-11
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Dès le commencement, l’union de la femme et de l’homme, créés par Dieu, se construit dans l’harmonie et la communion, la fidélité et la confiance pour être un seul corps dans le Christ.

À quelques reprises, l'évangéliste Marc présente les Pharisiens questionnant Jésus à propos de différents sujets, comme les repas pris avec les pécheurs et les publicains, le jeûne non observé par les disciples de Jésus, l'observance du sabbat (2,16-24; 7,1-5; 9,11; 10,2; 12,13-17), la répudiation de la femme comme le rapporte l'évangile de ce dimanche. Alors que les Sadducéens se considèrent comme les défenseurs du sacerdoce légitime et qu'ils préconisent une politique de compromis avec les autorités politiques en place, les Pharisiens éprouvent de la méfiance à l'égard du politique et croient obtenir le salut par leur piété. Ils poursuivent une étude approfondie de la Loi. Ces hommes pieux sentent qu'il leur incombe de diffuser les enseignements religieux au peuple, de mettre la parole de Dieu à la portée de tous, notamment à la synagogue où ils animent la prière. C'est dire qu'ils jouissent d'un prestige, d'une influence importante dans leur milieu.

Une mise à l’épreuve de Jésus

Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme?

Au sujet de la répudiation de l'épouse, il y avait, dans les écoles de scribes, deux courants qui s'opposaient : l'un libéral relié à Hillel, l'autre rigoriste à Shammai. Les partisans de Hillel admettaient largement la répudiation pour une variété de motifs : stérilité, inaptitude aux tâches domestiques, en somme, tout ce qui déplaît au mari; ceux de Shammai étaient plus stricts dans leurs interprétations et n'acceptaient que les cas d'inconduite et d'adultère, protégeant davantage la femme contre l'arbitraire du mari (selon J. Dupont). Dans Malachie, il est noté que Dieu hait la répudiation de la femme, car cela équivaut à briser l'Alliance de Dieu avec son peuple (2,13-16; voir aussi Osée 1-3). Un cas relaté dans le Nouveau Testament est celui d'Hérode Antipas qui répudie sa femme pour épouser Hérodiade, la femme de son frère Philippe (Marc 6,17-20).

Dans le récit évangélique de ce dimanche, les Pharisiens, avec une intention quelque peu malveillante, mettent Jésus à l'épreuve. Ils soupçonnent que Jésus refuse la répudiation et ils souhaitent qu'il prenne position sur la légitimité et les conditions exactes de la répudiation, en somme sur ce qui est permis ou défendu. À l'époque, on ne contestait pas la possibilité de répudiation, mais le débat portait sur les raisons.

Jésus ne répond pas à l'interrogation des adversaires, mais il leur pose une question et les renvoie à l'Écriture. Il ne s'arrête pas au juridique mais embrasse un horizon plus large. Il va passer d'un texte législatif temporaire, à l'époque de Moïse, au récit des origines qui a une valeur normative puisqu'il explicite la volonté profonde du Créateur. En invoquant la prescription de Moïse au sujet de l'acte de répudiation (Deutéronome 24,1. 4), Jésus déclare que c’est en raison de  l'opacité dans laquelle la créature a tendance à s'enfermer, l'endurcissement des cœur, c'est-à-dire le péché, que cette concession légitimée a été formulée. On ne peut se contenter de cette dérogation, de cette « permission ». Aussi Jésus, recourt à l'œuvre de la Création qui  formule le sens fondamental, le dessein ultime de Dieu. L'homme et la femme sont créés à l'image de Dieu, destinés l'un à l'autre dans l'amour conjugal; ils ont ainsi part à l'unité divine. Tel est le don de Dieu.

Dieu les fit homme et femme...

...tous eux ne feront plus qu'un
ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas

L'homme et la femme sont des créatures de Dieu, des êtres de relation conviés à se construire à la ressemblance de Dieu (Genèse 1,27; 2,4b-25).  Ensemble, unis dans la différence, ils sont appelés à  vivre dans l'harmonie, à s'accomplir dans la communion, la fidélité et la confiance mutuelle parce que leur union a son origine dans l'alliance et la fidélité de Dieu. Unis, ils forment un corps social et c'est avec le cœur et le sens des responsabilités qu'ils sont appelés à se comporter sur un chemin qui n'est pas toujours aisé, la flamme de l'amour pouvant s'éteindre et demandant à être ranimée. Le dessein fondamental du Créateur, est formulé ainsi : Au commencement...  Il les fit homme et femme. À cause de cela, l'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu'un... Puis, empruntant les tournures d'un oracle prophétique, Jésus ajoute : Donc ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas (10,6-9). Chez Jésus, il n'est pas question d'un commandement, mais de la vocation originelle de l'union, du sens spirituel à donner à l'union.

La deuxième séquence du texte (10,10-12) se situe à la maison. Les disciples, déconcertés, interrogent à leur tour Jésus qui rappelle, à nouveau, que la répudiation est contraire au sens du mariage. Le renvoi ne supprime pas l'union des époux; « seule la séparation de corps semble autorisée par Jésus » (J. Radermakers). L'homme remarié – ou la femme, dans l'univers gréco-romain – est coupable d'adultère envers elle (10,11-12). Ce rappel de la monogamie et cette interdiction de la séparation, affirmant l'égalité foncière entre l'homme et la femme, ainsi que leur unité, reposent sur la volonté du Dieu de l'Alliance qui s'engage dans la réponse de foi apportée par le couple.

La troisième séquence de cet extrait évangélique (10,13-16) qu'on peut qualifier de spirituelle met en scène les enfants que les disciples rabrouent, s'affairant à les éloigner de Jésus (10,13), alors qu'ils sont présentés à Jésus pour qu'il les touche. Jésus est plein de tendresse et de sollicitude pour eux, l'enfant étant vu comme une bénédiction de Dieu (10,16; Psaume 126,3). En les bénissant, Il appelle sur eux tous les dons qui viennent de la bonté de Dieu. Il s'identifie à eux. Les enfants sont dans une situation de dépendance totale à l'égard des adultes, ils sont vulnérables, sans défense; ils reçoivent tout d'autrui. Ils ne peuvent revendiquer avec suffisance leurs œuvres, leurs années de service. Ils sont dans un état de confiance et d'accueil qui les font apparaître comme des modèles pour les disciples appelés à se confier à Dieu. Jésus  les donne en exemple : Amen, je vous le dis : Celui qui n'accueille pas le royaume de Dieu à la manière d'un enfant, n'y entrera pas (10,15). Tel est l'appel inouï qui résonne à travers les siècles. Jésus est le premier qui vit cette confiance, cette totale docilité à son Père. Il est le Fils bien-aimé, le Serviteur, le Saint qui confesse le Père, qui partage son amour avec les hommes et les femmes de toutes les époques,  dans l'offrande de sa vie que l'Eucharistie rend présent (1 Corinthiens 11,19-27).

Le projet originel de Dieu

Le choix du livre de la Genèse (2,18-24) accompagne la lecture évangélique concernant la répudiation de la femme. Ce deuxième récit de la création est plus ancien que  le premier (1,1 – 2,4a) et recourt à des images qui suggèrent, évoquent une réalité, comme le fait Jésus lorsqu'il enseigne en utilisant des paraboles. C'est un écrit de sagesse, à l'époque des rois David et Salomon (vers l'an 1000-900 av. J.-C), qui évoque, entre autres, les origines du monde, s'inspirant des cultures environnantes. Dieu créa les animaux, les oiseaux et les amena vers l'homme (2,19), créé précédemment. Pour qu'il ne s'établisse pas dans la solitude, Dieu lui offre une compagne qui n'est pas tirée de la terre mais de la côte, du côté de l'homme. Dieu forme, « bâtit » donc un vis-à-vis pour l'homme, affirmant que la femme vient du désir de Dieu et de celui de l'homme. En voyant la femme comme son « vis-à-vis », l'homme fait entendre ce cri de joie : Cette fois-ci, voilà l'os de mes os et la chair de ma chair! (2,23; 29,14). Il n'y a ni supériorité, ni domination, mais reconnaissance d'une différence dans la ressemblance.  La suite du  texte évoque la grandeur et la beauté du couple humain dont l’union, l'alliance, est consacrée par Dieu, Créateur (2,24).

Note sur le passage de la lettre aux Hébreux

Dans cette épître, l'auteur mentionne comment le sacerdoce du Christ se distingue de celui du grand prêtre juif. Ce sacerdoce exclusif de Jésus, qui est sans péché, demeure pour l'éternité dans l'Eucharistie (7,23.26; 9,26-28). En offrant sa vie par pur don, pour le salut de tous, il sanctifie tous ses frères et sœurs et les conduit  jusqu'à la gloire. L'auteur met l'accent sur le fait que le Christ nous appelle ses frères (2,12.17).

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.

Source : Le Feuillet biblique, no 2588. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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