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Un enfant
Benoît Lambert | 25e dimanche du temps Ordinaire (B) – 23 septembre 2018
Qui est le plus grand ? : Marc 9, 30-37
Les lectures : Sagesse 2, 12.17-20; Psaume 53 (54) ; Jacques 3, 16 – 4, 3
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.
Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c'est moi qu'il accueille.
Jésus a souvent utilisé plusieurs métaphores pour transmettre son message. Il a raconté des paraboles et il a utilisé des objets (figuier, eau, etc.) pour illustrer ses propos. Dans la Parole proclamée durant cette célébration, Jésus présente une personne, un enfant, pour faire comprendre aux disciples une nouvelle perspective.
Sans statut
À l'époque de Jésus, les enfants n’avaient pas le statut de personne juridique. Ils dépendaient de leurs parents jusqu’à l’âge adulte. Jésus utilisera cette faiblesse sociale pour faire saisir aux apôtres un nouveau point de vue. À la différence de cette époque, l’enfant possède aujourd’hui un statut dans nos sociétés occidentales. Des chartes des droits de l'enfant ont été rédigées. Les abus physiques et sexuels subis par des petits sont condamnés. Certains champs de la connaissance (médecine, psychologie) ont développé un espace uniquement pour les plus jeunes. L'expression « enfant-roi » a même intégré le langage pour désigner l'importance des plus jeunes dans la famille.
L’incompréhension
Avant l'épisode relaté dans la liturgie d'aujourd'hui, Jésus avait déjà annoncé sa mort et sa résurrection. Il réitère cette prophétie en se dirigeant vers Capharnaüm. Les disciples restent encore perplexes devant l'affirmation de leur Maître. Celui-ci connaît du succès auprès des foules. Il accomplit des miracles qui attestent sa puissance. Enthousiasmés par leur expérience avec Jésus, ils ne réalisent pas que Jésus s'est fait des ennemis influents au sein de la société judaïque. Plusieurs érudits comprennent les prétentions du Galiléen quand il s'affirme « fils de l'homme ». Jésus, en s'appropriant ce titre énigmatique provenant du livre de Daniel, prétend qu'il est divin. Et les adversaires du populaire prédicateur ont décidé d'éliminer ce blasphémateur qui ose soutenir l'impossible, un être humain de nature divine. Jésus est difficile à comprendre, même par ses apôtres. Durant leur périple en Galilée, ils débattent du rang qu'ils occuperont dans l'entourage du Maître. Jésus a entendu leurs propos et il ne manquera pas de prendre le taureau par les cornes en dispensant un enseignement lorsque l'opportunité se présentera.
La vérité historique
La tradition orale, terreau de la rédaction des Évangiles, n'a pas effacé les traces de la fragilité des disciples. Comme beaucoup d'humains, ils sont ambitieux. Personnes influentes dans les premières communautés chrétiennes, ils auraient pu témoigner en éliminant les détails négatifs les concernant. Mais ils ont tout raconté. Plusieurs voient dans cette intention de ne rien gommer dans leurs témoignages une preuve de l'historicité des Évangiles qui ne seraient pas des récits enjolivés. En plus deux évangélistes (Mc 9,33; Mt 17,24-25) situent cet enseignement du Seigneur au même endroit, à Capharnaüm. Cette convergence plaide aussi en faveur de la vérité historique de ce récit.
Le service
Sans excuser les disciples pour leur calcul politique, précisons que leur environnement religieux est organisé hiérarchiquement. Le grand prêtre du Temple de Jérusalem constitue l'autorité suprême. Chaque niveau de la hiérarchie comporte ses privilèges et ses responsabilités. Les apôtres en discutant de leur future place dans le groupe qui prend forme autour de Jésus ne font que répéter le modèle qu'ils connaissent. Le Seigneur tente depuis le début de son aventure de faire saisir à ses proches que son Église diffère totalement du modèle dans lequel ils ont été éduqués. Le pouvoir rattaché à la fonction ne sera plus synonyme de domination. Le service constitue la nouvelle norme. Les nouveaux responsables donneront plutôt que de recevoir aumônes et hommages.
Les êtres sans statut social, les faibles et les pauvres occuperont le premier rang dans la communauté chrétienne. Les ministres qui doivent les servir seront les derniers. Jésus a offert un exemple éloquent durant son ministère en fréquentant et en guérissant les gens mis en marge par la bonne société juive (lépreux impurs, samaritains hérétiques, publicains qui collaboraient avec l'envahisseur romain). Et Jésus ira encore plus loin dans sa prédication. En ouvrant les bras aux méprisés, les chrétiens et les chrétiennes accueillent le Ressuscité lui-même.
L'identification du Seigneur avec ceux et celles qui n'intéressent personne est aussi liée à l'annonce de sa passion. Les apôtres doivent intégrer cette nouvelle logique du service pour pénétrer le sens de la prophétie de Jésus concernant sa mort. C’est là que Jésus se révèle comme le Serviteur de Dieu, le serviteur de l’humanité, en donnant sa vie de la manière la plus ignominieuse qui soit dans l'Empire romain : la crucifixion. Il sera devant ses bourreaux l'homme le plus rejeté de la terre. En accomplissant le projet de salut de rénovation de l’humanité voulu par Dieu, Jésus établit les hommes dans une alliance nouvelle avec Dieu. L’Église dont Jésus devient la Tête, sera au service de cette alliance nouvelle.
Aujourd’hui
L’extrait de la Lettre de Jacques lu dans la liturgie de ce dimanche pointe du doigt les jalousies et les rivalités bien humaines qui apportent un mauvais esprit à la vie de la communauté chrétienne. Malheureusement l’histoire de l’Église, – et la petite histoire de nos communautés locales –, est remplie de cas où les travers humains (comme l’ambition et la tentation du pouvoir) ont pris le dessus sur l’esprit de service.
Heureusement il y a eu des figures lumineuses qui sont apparues, dont la mission a été de soulager la misère humaine, en témoignant de la compassion de Dieu. Actuellement le pape François ne cesse d’interpeller les humains, qu’ils appartiennent ou non au christianisme, à venir au secours des plus démunis comme les migrants en ce temps-ci. À travers ces appels, c’est Jésus qui invite les siens à faire preuve de solidarité et de tolérance, à ouvrir les bras avec compassion en faveur des enfants de Dieu.
Détenteur d’une maîtrise ès arts (théologie) de l’Université Laval, Benoît Lambert a rédigé des articles et des brochures pour plusieurs revues religieuses (Vie liturgique, Revue Notre-Dame-du-Cap). Il collabore au Feuillet biblique depuis 1995.
Source : Le Feuillet biblique, no 2586. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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