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22e dimanche ordinaire A - 3 septembre 2017
 

Sur la croix, Jésus donne sa vie en héritage

Derrière moi, Satan!

Derrière moi, Satan!
James Tissot, entre 1886 et 1894
aquarelle opaque et graphite sur papier vélin gris, 14,4 x 21,9 cm
Musée d'art de Brooklyn, New York (photo : Wikimedia)

Première annonce de la Passion : Matthieu 16, 21-27
Autres lectures : Jérémie 20, 7-9; Psaume 62 (63); Romains 12, 1-2
Les textes bibliques cités sont tirés de la Traduction liturgique officielle.

Le récit évangélique du 21e dimanche du Temps ordinaire A nous avait présenté le moment de grâce fulgurant de Pierre qui affirmait la messianité de Jésus : Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant (16,16-18). Jésus, alors, reconnaissant la révélation faite par son Père au disciple, lui prédisait qu'il bâtirait sur lui son Église : Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église... (16,18). L'Évangile de ce 22e dimanche nous présente un autre visage de Pierre. Quant à Jésus qui, jusque-là, évoquait la venue prochaine du Règne de Dieu, voilà qu'il annonce, non plus aux foules mais aux disciples, un temps nouveau qui refera le chemin de l’Alliance. Ces deux événements, confession et évocation de la Croix, ne peuvent être séparés.

Pierre, l'adversaire de Jésus, le tentateur qui fait obstacle

Jésus commença à montrer à ses disciples qu'il fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des chefs des prêtres et des scribes... Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : Dieu t'en garde, Seigneur! cela ne t'arrivera pas, (vv. 21-22).

Pierre est le premier disciple à répondre à l'appel de Jésus, ainsi que son frère André (4,18). Il a été envoyé en mission avec les autres disciples (10,5). Au moment de la première annonce de la passion de son maître, Pierre se rebiffe, avec toute la fougue dont il est capable, et devient pour Jésus l'obstacle qui peut faire trébucher. Il manifeste alors la totale incompréhension qu'il a de la venue du Messie, reflétant évidemment la pensée qu'en avait la communauté religieuse juive de son époque : un Dieu puissant et triomphant de l'ennemi romain. Pierre semble croire que ses pensées sont à l'égal de celles de Dieu dont l'étendue et la profondeur sont insoupçonnées; il a la prétention de savoir ce qui convient à Jésus, sachant mieux que son Maître ce que le Père réserve à son Fils. À la transfiguration, il suggère de bâtir trois tentes (17,4). Au Jardin de Gethsémani, au lieu d'accompagner Jésus, il dort (26,40). Lors de la comparution chez le grand-prêtre Caïphe, à la servante qui le reconnaît, Pierre renie son maître trois fois. Il ne s'ajuste pas encore à la mission de Jésus et il lui faudra du temps pour saisir qui est Jésus Christ, tel que Paul le décrit dans l'hymne de la lettre aux Philippiens : ... Lui qui est à égalité avec Dieu, n'a pas considéré comme une proie à saisir d'être l'égal de Dieu. Mais il s'est dépouillé prenant la condition de l'homme... et, par son aspect, il était reconnu comme un homme; il s'est abaissé devenant obéissant jusqu'à la mort, à la mort sur la croix (2,6-8). Comme les disciples d'Emmaüs, Pierre, après la résurrection de Jésus, se transformera. Son engagement à la suite de son Sauveur se poursuivra jusqu'à son martyre, à Rome. [1]

Trois consignes comme mode de vie

Les trois exigences de Jésus heurtent de plein fouet les disciples, ainsi que notre sensibilité, notre recherche de bonheur, d'épanouissement personnel et de jouissances. Elles s'opposent à notre mode de vie où le succès, l'argent, les biens temporels priment souvent sur tout et piétinent le bien-être d'autrui dont la vie est rude et parsemée de souffrances. Aussi, il nous importe de bien saisir la portée de l'enseignement de Jésus, de comprendre la profondeur de son engagement et, conséquemment, de notre marche à la suite de Jésus.

Marcher derrière Jésus, avec Lui, comme Lui

Il est bon, ici, de nous rappeler que ce qui est premier, ce n'est pas le sacrifice. Le renoncement n'est jamais la valeur première.Marcher derrière Jésus, voilà ce qui est primordial, ce qui compte. Jésus insiste, les mots sont percutants, le projet est dynamique : partir (v. 21), marcher derrière... renoncer... prendre sa croix... suivre (v. 24). Cela exige un revirement radical. Les prophètes l'ont déjà évoqué. Jésus insiste : il fallait... Il commence à leur montrer (v. 21). Le Maître va évoquer la trajectoire du Fils de l'homme qui communiera au projet d'alliance de Dieu avec son peuple, alors qu'Adam s'y était opposé, n'ayant pas résisté à la tentation de choisir une route facile.

Spontanément, Simon-Pierre, et nous après lui, nous avons la prétention de connaître le chemin, ce qui est bon d'accomplir pour nous; nous cherchons à nous échapper de nos croix quotidiennes. Nous pouvons nous enliser dans cette illusion et succomber à la tentation de nous considérer comme le centre de l'univers, au service de notre réputation, de notre prestige, d'un « ego » surdimensionné.

Il est bon de le rappeler : le disciple de Jésus ne renonce pas à être heureux, à développer ses talents, mais il doit se décentrer de lui-même en passant de son égoïsme, du désir de gagner le monde entier (v. 26), à l'ouverture. Le regard doit se renouveler pour accueillir le chemin que Jésus a emprunté. Nous avons la responsabilité de nous soucier de l'intérêt d'autrui, de nous attarder à bâtir une société où la paix et la justice règnent. Cela implique des renoncements, des malentendus, des incompréhensions, parfois le mépris d'autrui. Notre modèle, c'est Jésus qui a vécu une vie de communion avec ses frères et sœurs, une vie au service des rejetés, des démunis, réprouvant ceux qui imposaient de lourds fardeaux aux petits et aux faibles. Retenons qu'une vie donnée est une vie sauvée : Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi, la gardera/la « trouvera » (v. 25).

Jérémie, le prophète bafoué et fidèle

Cet appel d'une vie au service de Dieu a été entendu par les prophètes, dont Jérémie. Quatre décennies avant la prise de Jérusalem en 587 avant Jésus Christ, il proclamait la parole de Dieu en dénonçant les vices de son époque. Ses paroles allaient à l'encontre des pensées et des actions de ses contemporains. Il les exaspérait au point de devenir objet de moqueries, d'injures et de menaces à sa vie (20,1-6.10). Face à cette situation, il vécut un drame intérieur en étant tenté de se soustraire à sa mission (12,1; 15,10-21). S'il abandonnait, il condamnait le roi et son peuple à la décadence spirituelle d'une part, et d'autre part, il refusait la confiance de Dieu. Dans cette épreuve, il va confesser l'attrait que Dieu exerce sur lui au plus profond de son être, en ressentant intérieurement comme un feu dévorant qui le rend fort pour poursuivre sa mission : Tu m'a séduit, Yahvé, et j'ai été séduit, tu m'as saisi et tu l'as emporté (20,7).

Paul, chantre de la tendresse de Dieu

L'apôtre Paul fait écho à l'enseignement des prophètes et à celui du Seigneur ressuscité. Il insiste sur la nécessité de ne pas prendre comme modèle le monde présent et sa logique (Romains 12,1). Il invite les chrétiens et chrétiennes au changement : Transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. L'adoration véritable, c'est d'offrir sa personne et sa vie en sacrifice saint (sacrifier = « rendre sacré »), capable de plaire à Dieu (Romains 12,1-2). Déjà, au temps de l'Ancienne Alliance, on opposait le culte intérieur au culte extérieur du sacrifice des animaux. Paul, tout comme Jérémie, nous invite à engager toute notre personne. Et Pierre ira jusqu'au martyre. Dans l’histoire de l'Église, il y a eu de grandes figures qui ont sacrifié leur vie au service du Seigneur, comme réponse au don reçu. Mais il se trouve aussi des multitudes qui, à travers les siècles, ont fait et continuent de faire de leur vie une offrande spirituelle au nom de leur foi au Christ. Avec le soutien de l'Esprit, des chrétiens et chrétiennes surmontent leurs doutes quant à leur capacité à porter les croix quotidiennes qui se présentent sur leur chemin. En vivant de l'amour du Christ, en faisant de toute leur vie une offrande, ils vivent de tendresse et de bonté, de respect et de douceur, de fraternité et d'accueil, spécialement à l'égard du plus pauvre.

[1] Pour rencontrer Pierre, on peut lire les Actes des Apôtres et les deux Épîtres de Pierre.

Julienne Côté

Source : Le Feuillet biblique, no 2540. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Diocèse de Montréal.

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