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12e dimanche ordinaire A - 25 juin 2017
 

Telle une Torah nouvelle...

Christ en majesté, parchemin éthiopien de la fin du XVIIe siècle, British Library. Entourant Jésus, les quatre évangélistes apparaissent sous la forme de leurs symboles respectifs.

Christ en majesté, parchemin éthiopien de la fin du XVIIe siècle,
British Library. Entourant Jésus, les quatre évangélistes
apparaissent sous la forme de leurs symboles respectifs.

Ne craignez rien : Matthieu 10, 26-33
Autres lectures : Jérémie 20, 10-13; Psaume 68(69); Romains 5, 12-15

Afin de présenter Jésus avec l’autorité d’un nouveau Moïse, l’évangéliste Matthieu organise les divers enseignements de celui-ci en cinq grands discours qui structurent son évangile, calquant ainsi la tradition juive qui attribuait à Moïse la rédaction des cinq livres de la Torah 1.

Le discours apostolique

    Premier de cette série, le « Sermon sur la montagne » est sans doute le plus familier de ces cinq grands discours de Jésus qui parcourent le premier évangile. Mais c’est de son deuxième discours, appelé le « discours apostolique » ou « missionnaire », qu’est tiré l’évangile de ce dimanche. Ce discours consiste en une série d’instructions que Jésus donne aux Douze à l’occasion de leur envoi en mission, eux qu’il a d’abord investis de pouvoirs semblables aux siens : ceux d’expulser les esprits impurs et de guérir toute maladie et infirmité (Mt 10,1).

    Dans la logique interne de l’évangile de Matthieu, cette délégation de pouvoirs et cet envoi des Douze naissent du regard compassionnel de Jésus sur ces foules accablées en attente de berger et suivent son appel aux ouvriers plus nombreux pour la moisson abondante du Père (Mt 9,36-38).

    De ce discours 2, la liturgie dominicale ne retiendra malheureusement que très peu de versets omettant, par exemple, ce qui précède immédiatement l’extrait d’aujourd’hui et qui constitue pourtant le cœur même de tout le discours apostolique, sa clé d’interprétation en quelque sorte. Il vaut la peine de lire ces versets avant de s’attaquer à l’évangile d’aujourd’hui.

Le disciple n’est pas au-dessus de son maître, ni le serviteur au-dessus de son Seigneur. Il suffit que le disciple soit comme son maître, et le serviteur, comme son Seigneur. Si les gens ont traité de Béelzéboul le maître de maison, ce sera bien pire pour ceux de sa maison (Matthieu 10,24-25).

    Tel maître, tels disciples! Les Douze sont prévenus. S’ils sont investis de pouvoirs semblables à ceux de leur maître, si leur mission est aussi d’annoncer l’imminence du Royaume des cieux aux brebis perdues de la maison d’Israël (Mt 10,6-8), ils doivent s’attendre à connaître une parenté de sort avec Jésus, c’est-à-dire à subir de possibles oppositions, persécutions et même la mort, à cause de lui.

Le comportement attendu

    Une fois servi l’avertissement général de la nécessaire identité des disciples au Maître à travers la persécution, le message de Jésus se transpose sur le plan plus concret du témoignage à lui rendre. Le motif de la « crainte » scande le triple message de l’évangile d’aujourd’hui. 

Ne craignez pas les hommes… (Matthieu 10,26-27)

    « Tout finit par se savoir ». Se servant probablement d’une maxime populaire de son temps – et de tous les temps – Jésus l’applique à la vérité de l’Évangile. Ce que les disciples ont entendu au creux de l’oreille, ce qu’ils ont saisi au cœur de leur vie de la puissance du Christ, il leur faut en rendre témoignage, le proclamer sur les toits. C’est un appel à ne pas être frileux dans l’annonce de l’Évangile malgré les répercussions possiblement négatives que celle-ci occasionne.

Ne craignez pas ceux qui tuent le corps… craignez plutôt Dieu… (Matthieu 10, 28-31)

    Le courage du témoignage, livré même au prix de leur propre vie, les disciples le trouveront d’abord dans leur confiance inébranlable dans l’amour du Père qui veille sur eux. Un argument a fortiori, outil fréquemment utilisé dans la rhétorique biblique, appuie la conviction : si Dieu prend soin des moineaux, combien plus prendra-t-il soin des disciples qui donnent leur vie pour Lui ? Il y a ici une allusion certaine aux persécutions – pouvant aller jusqu’au martyre - que connaissent déjà les chrétiens au temps de l’évangéliste ! Ceci n’empêche pas Jésus d’avoir pu prononcer de telles paroles aux Douze ; les contemporains de Matthieu, dans leur souffrance, trouveront d’autant plus de réconfort dans le rappel de ces paroles de leur Maître.

Dans la perspective du jugement final (Matthieu 10,32-33)

    Enfin, c’est dans la perspective du jugement final que les disciples trouveront le courage de rendre témoignage au Christ envers et contre tout. Jésus les assure de leur servir d’avocat au ciel lorsque chacun paraîtra devant Dieu, motivation supplémentaire pour galvaniser l’ardeur des disciples en période de persécutions où, inévitablement, certains seront tentés de taire leur appartenance au Christ pour en fuir la souffrance associée.

Destinataires du message ?

    Est-ce simplement aux Douze que le discours apostolique de Jésus, avec ses avertissements de persécutions, est destiné? Les Douze tiennent certainement une place de modèles missionnaires dans l’imaginaire des communautés chrétiennes de chaque époque, mais ce n’est pas du temps où ils marchaient avec Jésus en Palestine qu’ils connaîtront ces situations visées par le discours, mais bien lorsque commencera la prédication chrétienne après la Résurrection du Christ. Est-ce donc plutôt aux missionnaires contemporains de Matthieu déjà aux prises avec les persécutions juives et romaines à la fin du premier siècle que ce discours s’adresse? Est-ce encore à nous aujourd’hui ? Très certainement à ces trois types d’auditeurs du message de Jésus, à toute époque de l’ère chrétienne, de l’Apôtre éminent au plus humble disciple qui témoigne de son appartenance au Christ.

    Le discours apostolique - et surtout l’extrait d’aujourd’hui - nous remet en présence du paradoxe mystérieux de la mission chrétienne, à savoir que l’annonce de la Bonne Nouvelle suscite l’hostilité, que l’amour de Dieu offert engendre parfois une réponse haineuse contre ceux qui en sont les porteurs. Le sang des martyrs de chaque siècle d’Église témoigne de ce paradoxe.

1 La Torah écrite, soit les cinq premiers livres de la Bible, formant un ensemble qu’on appelle aussi le Pentateuque.

2 Le discours apostolique s’étend de Mt 10,5 à 10,42, le verset suivant (Mt 11,1) contenant la formule conclusive par laquelle Matthieu marque la fin de chacun de cinq discours de Jésus : « Or, quand Jésus eut achevé ces instructions… » (comme en Mt 7,28 ; 13,53 ; 19,1 et 26,1).

Patrice Bergeron, bibliste

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2539. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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