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Dimanche du St-Sacrement du Corps et du Sang du Christ A - 18 juin 2017
 

Nourrir la mémoire

 

 

 

Discours sur le pain de vie : Jean 6, 51-58
Autres lectures : Deutéronome 8, 2-3.14-16; Psaume 147(148); 1 Corinthiens 10, 16-17

 

Voici un dimanche unique dans l'année liturgique. Une fois l'an, la liturgie nous invite à prendre conscience – de manière festive - des bienfaits de notre Eucharistie hebdomadaire ou quotidienne. Ce n’est pas de trop pour mesurer la grandeur du don de Dieu! Ce don structure l'appartenance profonde d'une personne chrétienne à son Église. Les trois lectures bibliques méritent une étude soignée. Elles élargissent et étoffent, chacune à sa manière, des convictions profondes. Elles enrichissent notre bagage d’informations au sujet des réalités eucharistiques.

     Il faut d’abord comprendre dans quel contexte cette fête très ancienne a surgi. Au XIIe siècle, on insistait surtout sur la présence réelle de Jésus dans l’Eucharistie. La sensibilité religieuse de l’époque incitait davantage à regarder et adorer l’hostie qu’à la recevoir comme un repas à partager. Cette manière de voir est conservée dans la séquence proclamée après la deuxième lecture.  Saint Thomas d’Aquin lui-même serait l’auteur de cet abrégé de doctrine eucharistique. Les textes bibliques mettent davantage en évidence les aspects relationnels du sacrement de l’Eucharistie. La première lecture évoque l’entrée en alliance.  La deuxième lecture met en valeur la participation au grand Corps qu’est l’Église. L’évangile décrit la relation vivifiante offerte par Jésus.

Nourris pour l’éternité
Jean 6, 51-58

     À dimanche spécial, évangile spécial! Par rapport aux trois autres évangiles (Marc, Matthieu, Luc), l'Évangile selon Jean est quelque peu dépaysant dans sa présentation de l'Eucharistie. On ne traite pas de son invention par Jésus dans le récit de la dernière Cène, mise en scène à partir du chapitre 13. On a abordé le sujet bien avant! Tout se joue dès le chapitre 6, à l'occasion d'une multiplication des pains particulièrement remarquée. L'évangile reprend des affirmations de Jésus sur les multiples (et bénéfiques) effets du don total accessible sous le signe du pain largement disponible.

     Comme c'est souvent le cas dans l’Évangile de Jean, fort original, Jésus ne se contente pas de fournir des renseignements sur des points de doctrine eucharistique. Il parle surtout de lui. Il décrit les effets positifs réservés aux personnes qui adhèrent à sa personne. Jésus est direct dans les affirmations qui le concernent. Jésus y va sans détour : Je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel. On croit entendre un écho de Dieu qui se révèle dans le Premier Testament : Je suis qui je serai. Et les effets de cette identité sont radicaux. Pain vivant envoyé par le Père, Jésus ouvre la vie de qui l'accueille à une réconfortante perspective d'éternité.

     Certes, les interlocuteurs de Jésus sont perplexes. Ils ont le même réflexe que les gens de notre époque: ils s'intéressent au «comment» du don de Jésus. Dommage pour eux, car les parallèles établis par Jésus avec les événements de jadis (le don de la manne au désert) amplifient la différence qu'il introduit dans la vie du Peuple de Dieu. Désormais, les effets de la manne, effets temporaires, sont disqualifiés par les effets permanents du don de Dieu manifesté en Jésus. Ce qui est en jeu, c'est une vie durable. La vie de Dieu est révélée à jamais par le meilleur messager qui soit, Jésus totalement donné...

Pauvres pour apprendre à recevoir
Deutéronome 8, 2-3.14b-16a

     Dans l'évangile, Jésus offre des précisions sur un signe, la multiplication des pains, qui suscite diverses interprétations.  De même, dans la première lecture, Moïse fournit des clarifications sur des événements difficiles vécus par le peuple au désert. Avant d'entrer en Terre promise, Moïse explique les initiatives de Dieu en faveur du peuple. La relation sera possible à jamais entre les anciens esclaves et le Dieu libérateur. C'est parce que la divinité a généreusement distribué des biens irremplaçables comme la liberté, la circulation dans les grands espaces désertiques, la nourriture quotidienne et l'eau jaillie malgré la dureté des rochers.

     Il vaut la peine de remarquer à quel point Dieu est actif selon les propos du Deutéronome. Non seulement Dieu provoque la faim et la satiété, mais il fait aussi sortir, traverser, jaillir… Dieu provoque le mouvement et l’action. Dieu avait une idée derrière la tête quand il a imposé la longue marche au désert.  Il tablait sur la valeur pédagogique de la pauvreté pour faire sentir la faim, et donner la manne... Devant une telle stratégie pédagogique, des termes négatifs nous viennent vite à l'esprit. Manipulation? Despotisme? En fait, l'enjeu concernait toutes les dimensions de la vie. Le langage du corps est bien plus éloquent que les jongleries intellectuelles pour faire apprécier une relation si essentielle. Ces creux à l'estomac contrastent avec notre situation de perpétuels repus. Ces désirs légitimes amplifient encore aujourd’hui l'impact vital des attitudes d'accueil et de reconnaissance.

     Les gestes de Dieu rapportés dans le Deutéronome servent de prélude à la révélation transmise par Jésus. À l'exemple de Moïse, Jésus insiste sur les initiatives de Dieu. Comme Moïse autrefois n'avait pas gardé pour lui seul la parole donnée par Dieu, Jésus donne à ceux et celles qui veulent bien l'écouter un accès total aux bienfaits de la vie jaillie du coeur de Dieu.

     Les discours de Moïse et de Jésus ne se limitent pas à interpréter le passé. Ils ouvrent surtout l'avenir. Ils insistent sur une action bien difficile à vivre de la part des gens à la nuque raide : le recevoir. Et cet acte pétri de foi s’amplifie dans le cadre de la pauvreté. Ainsi, le dénuement des esclaves en fuite s'avère un lieu et un long temps d’apprentissage. On y découvre que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche de Dieu. Ce qui fait vivre pour vrai, c'est plus que le pain tombé du ciel, c’est plus que l'eau bouillonnant en plein désert. Ce qui fait vivre pour vrai, c'est le langage divin adressé au cœur. Cette nouveauté est encore plus étonnante que les signes qui rendent possible la survie immédiate.

Dignes de communion
1 Corinthiens 10, 16-17

     Deux petits versets d’une lettre de Paul enrichissent notre contemplation du mystère de l’Eucharistie. Il faut savoir que les chrétiens de Corinthe avaient du mal à s'adapter à leur nouvelle dignité d'enfants de Dieu. L'égalité entre baptisés n'allait pas de soi. Paul devait les instruire soigneusement de leurs nouveaux droits et devoirs.

     Dans son premier verset, la deuxième lecture établit que les vieux signes du pain et du vin sont des points de contact avec l'existence corporelle du Christ (son corps et son sang). Ainsi est rejointe la dimension verticale de notre existence : ciel et terre se rencontrent dans les gestes posés à la manière de Jésus. La bénédiction de la coupe d'action de grâce, la rupture du pain partagé sont plus que des symboles. Ce sont des moments privilégiés de contact intime avec une présence totale, celle du messager de Dieu.

     Mais l'enjeu de ces gestes n'est pas seulement transcendant, créateur de communion avec le Christ. On remarque aussi, dans le deuxième verset proclamé, un effet plus terre-à-terre, plus horizontal : la communion entre les membres de la communauté.  L'unique pain partagé crée un corps unique. Ce peuple a beau être immense, chaque personne a part au même pain transformé par Jésus.



Alain Faucher, bibliste

 

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2538. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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