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Dimanche de la Résurrection - 27 mars 2016
 

Croire en la Résurrection aujourd'hui

La Résurrection du Christ : les saintes femmes au tombeau, icône russe du XXe siècle.

La Résurrection du Christ : les saintes femmes au tombeau, icône russe du XXe siècle.

 

 

Le tombeau vide : Jean 20, 1-9
Autres lectures : Actes 10, 34.37-43; Psaume 117(118); Colossiens 3, 1-4/1 Corinthiens 5, 6-8

 

La résurrection du Christ est l’événement sur lequel repose toute la foi chrétienne. Comme le soutient Paul : Si le Christ n’est pas ressuscité, notre foi est vaine (1 Co 15,14). Le texte de Jean 20,1-9 traite donc d’un sujet d’une importance fondamentale. Il faut cependant être prudent et ne pas chercher à voir, dans ce témoignage du quatrième évangile, un compte rendu précis des circonstances entourant la résurrection de Jésus. L’évangile attribué à Jean est l’un des textes les plus tardifs de tout le Nouveau Testament, rédigé à la toute fin du premier siècle, voire au début du deuxième, alors que la première génération de témoins du ministère, de la mort et de la résurrection du Christ a disparu. Il faut donc voir dans ce récit, ni une description factuelle des événements tels qu’ils se sont produits, ni une réaction spontanée des premiers chrétiens suite à ce coup de théâtre prodigieux, mais plutôt un récit réfléchi et mûri au sujet de la signification de cette résurrection et de ses conséquences pour les croyants, en particulier pour ceux de la deuxième, voire de la troisième génération, qui n’ont pas été directement témoins de ce revirement de situation extraordinaire. Le récit du quatrième évangile peut reposer sur des fondements historiques solides, tels que le rôle majeur joué par les femmes et l’identité des premiers témoins de la résurrection, mais l’auteur retravaille ses sources afin de répondre aux préoccupations de sa communauté. Quels sont donc les enseignements que nous pouvons tirer des neuf premiers versets qui suivent la résurrection du Christ dans l’évangile attribué à Jean?

Comme des ondes à la surface de l’eau

     Une première chose que l’on peut noter à la lecture de ce texte de l’Évangile de Jean est que la résurrection, en tant que telle, n’est pas décrite. Il en va de même pour les trois autres évangiles et, en fait, pour l’ensemble du Nouveau Testament et ce, malgré le fait que la résurrection en soit l’événement le plus important. À l’opposé, la scène la plus cruciale de l’Ancien Testament, la libération d’Égypte, est décrite avec beaucoup de détails à la fois précis et grandioses. L’absence de description de la résurrection du Christ peut évidemment s’expliquer par le fait que personne n’y a assisté et qu’il s’agit d’une réalité indicible. Comment pourrions-nous en effet décrire un prodige semblable? En cela, elle se rapproche de l’absence de représentation de Dieu dans l’Ancien Testament. La résurrection, comme Dieu, est une réalité qui dépasse tout entendement et qu’on ne pourrait décrire ni expliquer.

     Mais il y a plus. Ce qui est abondamment détaillé dans le Nouveau Testament, ce n’est pas l’événement de la résurrection du Christ, mais l’effet que cette résurrection a eu sur les disciples qui en ont été témoins. Aucun disciple n’a vu la résurrection, mais tous les disciples sont radicalement transformés par celle-ci. Et c’est de cela que témoigne fondamentalement le Nouveau Testament. Bien que les réactions initiales soient des réactions d’incompréhension, elles finissent par déboucher sur la foi et sur un agir nouveau. Marie, à titre d’exemple, croit qu’on a volé le corps de Jésus. Elle le répète à trois reprises : aux deux disciples (Jn 20,2), aux deux anges (Jn 20,13), puis au Ressuscité lui-même (Jn 20,15). C’est uniquement lorsque Jésus l’appelle par son nom qu’elle le reconnait enfin (Jn 20,16) et qu’elle communique la Bonne Nouvelle aux disciples (Jn 20,18). La résurrection l’a transformée; de femme épleurée, elle est devenue porteuse de Bonne Nouvelle. L’action du Christ dans nos vies est souvent comme la résurrection. On ne la voit pas directement et on ne la comprend pas sur le coup. Mais celle-ci nous transforme et c’est souvent a posteriori que l’on arrive à la reconnaître. L’événement en tant que tel est passé et on n’en voit plus que les répercussions. Comme les ondes à la surface de l’eau, elles témoignent d’un événement qui s’est bel et bien produit et dont les effets prennent de plus en plus d’ampleur.

En partant des ténèbres

     Le récit du quatrième évangile est le seul à mentionner que Marie vint au tombeau alors qu’il faisait encore sombre. Matthieu et Luc mentionnent que le jour commençait à poindre (Mt 28,1; Lc 24,1), alors que Marc affirme que le soleil s’était déjà levé (Mc 16,2). L’auteur de l’Évangile de Jean connaissait fort vraisemblablement ces autres traditions, mais il a pourtant décidé de les ignorer. Le chapitre 20 de l’Évangile de Jean s’amorce donc dans les ténèbres, faisant ainsi écho aux tout premiers versets de l’Ancien Testament et à l’état primordial du monde avant l’activité créatrice de Dieu : Or la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l’abîme et un vent de Dieu tournoyait à la surface des eaux (Gn 1,2). Ce premier jour de la semaine (Jn 20,1) où Marie se rend au tombeau est donc présenté comme le premier jour d’une nouvelle création, qui commence aussi dans les ténèbres, où se manifeste la puissance de Dieu et où s’établit son projet pour l’humanité. Pour revenir à Marie, le texte de Jean trace le portrait d’une femme qui n’a rien perdu de sa fidélité envers Jésus, mais qui entreprend un voyage qui commence dans les ténèbres et dans la plus complète incompréhension. C’est l’appel personnel de Jésus qui la mènera éventuellement à la foi (Jn 20,16). À la suite de Marie, le lecteur est appelé à entreprendre son cheminement vers la foi, même si celui-ci commence dans l’obscurité la plus totale. Il est aussi invité, comme Marie à reconnaître l’action de Dieu dans les moments de peine les plus profonds et à pouvoir considérer ces ténèbres comme la situation initiale où l’action de Dieu s’amorce.

Quatre types de croyants

     Au-delà de Marie, le récit de Jn 20,1-9 met en scène des personnages qui réagissent différemment devant le mystère du tombeau vide et qui témoignent de différents niveaux de foi : celui qui ne voit pas et ne croit pas, celui qui voit mais ne croit pas, celui qui croit et qui voit et, ultimement, celui qui ne voit pas et qui croit. Marie est la première à arriver au tombeau. Elle est celle qui ne voit pas et ne croit pas. Sans même regarder à l’intérieur du tombeau, elle saute aux conclusions et annonce aux autres disciples que le corps de Jésus a été volé (Jn 20,1-2). Sa peine la rend aveugle et sa cécité la pousse à imaginer le pire scénario possible. Pierre est celui qui voit et ne croit pas. C’est un personnage pragmatique, entier et fonceur. Il est le premier à entrer dans le tombeau, malgré le fait que Marie et Jean y soient déjà arrivés. Il voit les signes de la résurrection, mais n’en tire aucune conclusion et s’en retourne chez lui (Jn 20,6-7.9-10). Son manque de connaissance, ne sachant pas que, d’après l’Écriture, Jésus devait ressusciter d’entre les morts, le rend lui aussi aveugle. Le disciple que Jésus aimait est celui qui voit et croit (Jn 20,8). Sans même avoir compris l’Écriture, son regard est éclairé et optimiste. Il est le modèle du disciple parfait vers lequel devrait tendre le lecteur.

     Mais où est donc le quatrième type de croyant? Celui qui ne voit pas, mais croit? Ce croyant est celui auquel s’adresse l’auteur du quatrième évangile. Se préoccupant de cette nouvelle génération de croyants qui n’a pas vécu directement les événements de la mort et de la résurrection de Jésus, et par conséquent à toute génération ultérieure jusqu’à nous, il souhaite que ceux-ci puissent arriver à la foi : Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru (Jn 20,29). Cette foi est l’objectif que l’auteur du quatrième évangile souhaite rencontrer. C’est d’ailleurs ainsi que se terminait vraisemblablement l’édition originale de l’Évangile de Jean : Pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le fils de Dieu, et pour qu’en croyant vous ayez la vie en son nom (Jn 20,31). Les critiques s‘entendent pour dire que le chapitre 21 est habituellement considéré comme une addition rédigée par une deuxième main.

 

Francis Daoust, bibliste

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2483. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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