INTERBIBLE
Au son de la cithare
célébrer la paroleintuitionspsaumespsaumespsaumes
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Célébrer la Parole

 

orant

Imprimer

2e dimanche de Pâques C - 3 avril 2016
 

Des récits qui donnent vie

Miniature du XIIe siècle

 

 

Jésus apparaît à ses disciples : Jean 20, 19-31
Autres lectures : Actes 5, 12-16; Psaume 117(118); Ap 1, 9-11.12.13.17-19

 

La résurrection pose problème pour mes étudiants. Ils mélangent tout ! Résurrection, réincarnation, réanimation… Certains pensent que les chrétiens vont revenir à la vie au ciel avec leur corps. Pour d’autres, les chrétiens reviennent sur terre avec un autre corps comme Jésus lors des récits d’apparition du Ressuscité. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la résurrection est loin d’être bien saisie dans la culture générale. Mon intuition est que cette mauvaise compréhension provient d’une interprétation trop simpliste et littérale des textes concernant le Ressuscité. Prenons le temps de voir comment les évangiles les présentent avant de se concentrer sur l’extrait proposé par la liturgie de ce dimanche.

Les récits du Ressuscité selon les évangiles 

     Avez-vous déjà comparé les récits du Ressuscité des quatre évangiles ? Voici un aperçu des résultats d’un tel exercice.

     L’Évangile selon Marc, dans sa forme originale, ne présente aucun récit du Ressuscité. Jadis, il se terminait en 16, 8 avec le récit des femmes au tombeau vide 1. Un jeune homme vêtu de lumière leur indique que le Crucifié a été ressuscité (littéralement : réveillé). L’homme demande aux femmes d’annoncer aux disciples que Jésus les précède en Galilée. Mais elles ont peur et gardent le silence.

     L’Évangile selon Matthieu reprend le récit de Marc pour le prolonger. C’est l’Ange du Seigneur qui parle aux femmes. Cette fois, elles en font l’annonce aux disciples. Il y a alors une manifestation du Ressuscité aux onze sur une montagne en Galilée. Ceux-ci se prosternent devant lui, mais certains eurent des doutes (28,17). La rencontre se termine par un envoi en mission des disciples qui sont appelés à baptiser et enseigner toutes les nations.

     Les récits concernant la manifestation du Ressuscité de l’Évangile selon Luc ne sont plus reliés à la Galilée, mais aux environs de Jérusalem. Le premier concerne deux disciples qui marchent vers Emmaüs et reconnaissent le Ressuscité dans l’explication des Écritures et le partage du pain. Le deuxième raconte une apparition aux Onze qui insiste sur le fait que Jésus mange du poisson grillé et explique les Écritures. Enfin, le troisième récit indique que le Ressuscité les emmène à Béthanie d’où il est emporté dans le ciel. Notons que tout ceci se déroule la même journée.

     L’Évangile de Jean transmet des récits concernant le Ressuscité qui ont la particularité d’être racontés à partir de la perspective d’un personnage en particulier. La première à reconnaître Jésus est Marie de Magdala au tombeau vide. Puis, il y a l’apparition aux disciples présentée dans la liturgie de ce dimanche. Le Ressuscité se manifeste au milieu d’eux sans passer par une porte pour leur donner l’Esprit Saint. Puisque Thomas n’y était pas, il doute de ce qui s’est passé. C’est donc dans une deuxième apparition aux disciples que Jésus lui dit de toucher ses plaies. Enfin, une dernière apparition aux disciples sur le bord du lac avec une pêche miraculeuse clôt l’évangile en insistant sur la tâche pastorale de Pierre.  

Une synthèse difficile

     On voit bien que chaque évangile propose des récits très différents. Il est impossible de faire une reconstitution des événements historiques en tenant compte de tous ces récits en même temps. Cette constatation est essentielle pour comprendre la nature de ces textes. La compréhension littérale de ces récits est problématique sur plusieurs aspects. Par exemple, le Ressuscité peut apparaître, disparaître et traverser les murs comme un fantôme, mais aussi manger et se laisser toucher comme un être humain. Tout comme les autres personnages qui ont d’abord de la difficulté à le reconnaître, nous avons de la difficulté à comprendre les caractéristiques données par ces histoires au Christ ressuscité.

     Et s’il y avait une façon plus profonde de comprendre ces récits qu’une interprétation littérale ?

Entre film et Catéchèse

     La plupart des films sur Jésus ont fait des amalgames plus ou moins réussis de ses récits. Dans la plupart des cas, les réalisateurs ont illustré assez littéralement les récits d’apparitions et de tombeau vide, ce qui donne l’impression que la résurrection n’est que la réanimation d’un cadavre enrichi de propriétés particulières. Le résultat n’est guère convaincant parce qu’ils ne respectent pas les différences propres à chaque évangile. Jésus de Montréal sort du lot avec son approche métaphorique pour évoquer la résurrection. À la fin du film, le personnage qui représente Jésus meurt, mais sa vie se poursuit autrement par le don de ses organes et par l’impact qu’il a eu auprès des autres.

     Au lieu de tenter de mettre ensemble des récits qui refusent de l’être, je propose d’accepter les divergences de ces récits. Chacun de ceux-ci propose une façon particulière de comprendre un événement si mystérieux que les mots ne parviendront jamais à le décrire de façon adéquate. Ces récits sont des catéchèses, c’est-à-dire qu’ils ont comme objectif d’initier leurs lecteurs et lectrices à la foi au Christ ressuscité. Ils permettent d’entrer en relation avec lui et de construire une communauté vivante qui se rassemble en son nom pour célébrer la victoire de la vie sur la mort.

Faire l’expérience du Ressuscité selon Jean

     Qui est le Ressuscité de l’Évangile selon Jean? On peut comprendre de la première partie du récit que c’est lorsque des disciples se rassemblent en son nom que le Ressuscité est présent. Il ne passe pas par les portes barrées. Comment le reconnaître ? Par la paix (vv. 19 et 21), la joie (v. 20), la présence de l’Esprit Saint (v. 22) et le pardon des péchés (v. 23). Une interprétation littérale de ce passage fait du Christ un fantôme. Par contre, cette expérience de paix, de joie, d’Esprit et de pardon lorsqu’on se rencontre entre chrétiens, est encore possible. La lecture de ce texte peut nous apprendre à reconnaître la présence du Ressuscité parmi nous.

Croire avec Thomas

     La suite du récit est construite pour que les lecteurs et lectrices s’identifient au personnage de Thomas. Comme lui, nous avons entendu parler du Ressuscité sans avoir bénéficié d’une apparition particulière. Nous aimerions bien avoir une preuve tangible de sa présence. Pourtant, bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru  (20,29). L’incrédulité de Thomas est un moyen pédagogique pour nous apprendre à croire malgré le doute. De plus, l’insistance sur les plaies de Jésus n’est pas un penchant pour le grotesque. Cet élément souligne que le Ressuscité est bien le Crucifié. Aujourd’hui, même si on voulait toucher les plaies de Jésus, il est impossible de le faire. Par ailleurs, il est essentiel de se rappeler que le ressuscité est le Crucifié. Il s’est tenu debout en faveur des exclus. Il est allé jusqu’au bout de sa mission au point d’être exécuté par les autorités politico-religieuses de son époque. Ceci nous rappelle que nous aussi devons vivre de la même mission et reconnaître sa présence dans les plaies des exclus de notre société.

Comprendre les signes

     L’épilogue de cet extrait indique que l’objectif de l’évangile de Jean n’est pas de compiler tous les signes faits par Jésus. Le but du texte est que vous croyez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour que, en croyant, vous ayez la vie en son nom (20, 31). Ainsi, l’important est d’avoir une foi au Christ qui donne la vie. Une compréhension littérale des récits concernant le Ressuscité produit de la confusion. C’est à nous, lecteurs, lectrices, de voir comment interpréter ses signes transmis par les évangiles pour qu’ils engendrent la vie.


____________________

1 Le reste du chapitre 16 contient une synthèse des récits d’apparition du Nouveau Testament. Les manuscrits les plus anciens se terminent en 16, 8. Il y a d’autres manuscrits qui indiquent dans la marge que ce verset était le dernier avant de continuer avec une finale plus longue.

 

Sébastien Doane, bibliste

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2484. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
Croire en la Résurrection aujourd'hui