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Dimanche de Tous les Saints - 1er novembre 2015

 

La sainteté, tout de suite!

La Toussaint

Fra Angelico, Les précurseurs du Christ avec les saints et les martyrs, 1423-1424.

 

 

Le sermon sur la montagne : introduction : Matthieu 5, 1-12
Autres lectures : Apocalypse 7, 2-4.9-14; Psaume 23(24); 1 Jean 3, 1-3

 

Pour interrompre la séquence normale des dimanches dits ordinaires, un événement du calendrier liturgique doit proposer la célébration d’un contenu vraiment prioritaire. La Toussaint est une de ces solennités prioritaires. Pourquoi? La Toussaint nous rappelle comment la Parole prononcée par Jésus, vrai homme et Fils de Dieu, change profondément les choses pour toute personne qui fait le pari de vivre en disciple à sa suite. Désormais, ce disciple a accès à la plus forte originalité divine : la sainteté.  La sainteté ne provoque pas une simple « mise à part ». La sainteté, c’est d’abord une inclusion. Inclusion dans la famille de Dieu. Inclusion dans l’immense cohorte des personnes qui ont su accueillir le meilleur de la vie et de la création : la sainteté de Dieu.

     De plus, à la Toussaint, nous proclamons qu'il existe autant de façons de vivre en disciples de Jésus qu'il existe de personnes engagées dans la foi. La Toussaint est donc une célébration de la diversité des parcours de foi. En même temps, la Toussaint est une célébration de la cohérence des expériences croyantes. Elles sont toutes parties prenantes de la plus grande qualité de Dieu, sa sainteté. À la Toussaint, nous célébrons les mille et une manières inventées par des hommes et des femmes comme nous pour se mettre en marche et vivre la sainteté avec Dieu. Le don total de Jésus vécu dans sa mort et son relèvement par Dieu rendent possible cette puissante transformation des cœurs.

     La Toussaint pose donc une question pratique. Qu’en est-il de l'accueil au quotidien de la sainteté partagée avec Dieu? Les trois lectures principales de cette fête déploient différents aspects de ce partage. Dans tous les cas, il s’agit d’une transformation qui se vit déjà dans le présent. Oubliez le cliché médiatique du « souffrez maintenant, allez au ciel plus tard ». Ce cliché démobilisateur ne se fonde certainement pas sur les contenus des textes bibliques. D’autant plus que l’évangile des Béatitudes, proclamé aujourd’hui, offre par anticipation un écho du beau message du Jubilé extraordinaire de la miséricorde qui commence le mois prochain.

La sainteté pour tous
(Apocalypse 7, 2-4.9-14)

     Pour Jean le visionnaire, l’horizon ultime de l’aventure de la foi est déjà visible. C’est un grand rassemblement de fête. Y sont convoquées les personnes qui ont suivi jusqu’au bout l’Agneau de Dieu. Nous associons l’agneau à la faiblesse du nouveau-né ou à la victime pascale. Les gens du premier siècle de notre ère y reconnaissaient aussi une allusion à la constellation du Bélier. C’est la constellation qui apparaît dans le ciel du début d’année. « Agneau de Dieu », c’est donc un titre de leadership, un titre de gloire. Dans la vision de Jean, l’Agneau rassemble une grande foule de vainqueurs. Tous sont marqués d’un signe d’appartenance divine. Elles et ils partagent la sainteté de Dieu.

     La sainteté divine est certes une denrée rare. En même temps, c’est une ressource vouée à une distribution élargie. En fait foi la foule immense rassemblée devant le Trône de Dieu et devant l’Agneau : 144 000 personnes. Dans notre univers mathématique, nous comprenons les 144 000 comme un nombre limité. Pour les premiers chrétiens, il s’agissait au contraire d’une ouverture symbolique sur l’infini : 144 000, c’est 12 multiplié par 12 multiplié par 1000. Le chiffre de l’Église au carré multiplié par mille, l’infini! Donc, ne nous laissons pas impressionner par certains groupes religieux qui y décodent une limite, une clôture du nombre de sauvés. Ce gros chiffre affirmait exactement le contraire aux premières générations chrétiennes. Elles y voyaient la joyeuse nouvelle de leur inclusion dans la maison divine.  D’autres indices confirment cette caractéristique de totalité.  La foule est si immense que nul ne peut la dénombrer. C’est une foule de toutes nations, races, peuples et langues. Tous les anges y sont associés. Cela commence à faire du monde…

     Enfin, l’ambiance est à la victoire. On se tient debout, dans une attitude de dignité. On s’habille avec du haut de gamme : des vêtements blancs, la couleur des gens très à l’aise. On tient une palme à la main, comme aux grands jours de victoire. Mieux encore : le salut est donné par notre Dieu… et par l’Agneau! grâce au sang qui lave! Le sang de l’Agneau ne tache pas : il purifie. Beau paradoxe chimique! Il décrit à quel point la mort de Jésus est une étape positive vers la résurrection.

Déjà la, pas encore
(1 Jean 3, 1-3)

     La deuxième lecture évoque la grandeur de l'amour divin. Il qualifie cet amour de « don ». Cette transmission gratifiante se vérifie dans l'établissement d'un lien indestructible, le lien d'un parent avec ses enfants. Ce nouveau statut définitivement acquis par les personnes croyantes était un statut recherché dans le monde où s'écrit le Nouveau Testament. C'est un état beaucoup moins valorisé dans notre univers social individualiste. Autrefois comme maintenant, le «monde» (la société porteuse où vivent les croyants et les croyantes à un moment donné) n’a pas découvert Dieu. Donc, le monde ne peut apprécier le lien qui unit ceux et celles que Dieu a adoptés.

     Ce que nous serons ne paraît pas clairement : c'est une expérience pénible même pour les premiers bénéficiaires du salut. Dans l'avenir, le lien sera certainement plus clairement perçu. Percevoir le lien de Jésus avec Dieu tel qu'il est, cela implique que les voyants seront aussi perçus correctement. Et cela implique aussi que tout humain qui base sur lui son espérance se rend pur comme lui-même est pur. Ce langage très technique peut se traduire ainsi : tout humain qui fonde sur le Fils de Dieu son espérance se voit communiquer la caractéristique la plus forte de Dieu, sa sainteté.

Oser vivre heureux
(Matthieu 5, 1-12)

     Heureux...  Ainsi commence la première longue parole grand public de Jésus dans l'Évangile selon saint Matthieu. Jésus se compromet sans ambiguïté sur les effets de sa relation avec nous. Fallait-il qu'il soit lui-même un être profondément heureux pour engager tant de vies sur les mêmes routes que lui!

     Par neuf fois, Jésus prononce le mot « heureux ». Des gens de notre époque y trouvent des raisons pour mépriser l'évangile. On y détecte un complot pour endormir notre résistance devant la souffrance, pour étouffer notre révolte devant les malheurs de l'existence. Jésus prononce le mot «heureux» parce qu’il aurait trouvé une méthode garantie pour nous confiner dans nos malheurs.

     Quel paradoxe! Les situations déclinées par Jésus concernent les béances de notre époque. Il y a encore tant de gens qui pleurent, tant de gens qui cherchent des artisans de paix, tellement de gens qui veulent remplacer la dureté du cœur par la justice! Jésus donne un mode d'emploi pour ces temps difficiles que sont nos vies humaines. Ce mode d'emploi se résume en une phrase : « Vous n'êtes pas seuls. » Dieu n'est pas loin de notre tristesse, de notre douleur... Heureux sommes-nous : Dieu ne nous laisse pas mariner dans nos peines!  Cette prise de conscience sera sans doute un des bons fruits du Jubilé extraordinaire de la miséricorde. Le Jubilé commence le mois prochain.

     Lorsque nous faisons corps avec Jésus, nous découvrons qu'il est assez puissant pour intervenir dans les béances de nos vies. Là où nous ne voyons que défaite et désorganisation, Dieu peut renverser la situation uniquement par son existence. Ainsi, la relation que nous consentons à vivre avec lui au fil du chaos de notre propre existence devient source d’un bonheur renouvelé. Un saint bonheur!

 

Alain Faucher, ptre

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2462. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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