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30e dimanche ordinaire B - 25 octobre 2015

 

Comment appeler cet homme?

 

 

Guérison de l'aveugle Bartimée : Marc 10, 46-52
Autres lectures : Jérémie 31, 7-9; Psaume 125(126); Hébreux 5, 1-6

 

L’objectif des évangiles est de permettre aux lecteurs de connaître qui est Jésus. Or, pour parler de Jésus, ils utilisent tellement de titres différents que le lecteur finit par se mêler parmi tous les qualificatifs qui lui sont attribués. Je vous propose donc de prendre le temps de comprendre les titres attribués à Jésus dans les textes bibliques de ce dimanche. La scène de la guérison de Bartimée et l’extrait de la lettre aux Hébreux présentent Jésus, de Nazareth, fils de David, Rabbouni, Christ, prêtre de l’ordre Melkisédek, grand prêtre et fils de Dieu. Chaque titre évoque des attributs particuliers que nous allons essayer de mieux comprendre.

Jésus

     Le nom même de Jésus est révélateur. Dans sa langue maternelle, son nom était Yeshua. Ce nom est formé d’une racine hébraïque qui exprime l’aide, le secours, le salut. Le récit de la naissance de Jésus en Matthieu donne une explication du nom de l’enfant : Elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés (Mt 1, 21). Cette interprétation se base sur l’étymologie du nom Jésus qui signifie « le Seigneur sauve ». Dans cette interprétation du nom Jésus, c’est Jésus qui sauve, alors que dans l’étymologie de ce nom, c’est le Seigneur qui initie le salut. Ainsi, on attribue à Jésus le rôle salvifique de Dieu. Dans le récit de la guérison de l’évangile d’aujourd’hui, lorsque Bartimée appelle Jésus par son nom, il appelle celui qui sauve.

De Nazareth

     Une façon habituelle de qualifier quelqu’un est de le désigner par son lieu d’origine. Jésus est connu comme celui qui vient de Nazareth. Or, cette localité est un petit village des collines de Galilée. Aucun texte de l’Ancien Testament ne parle de ce lieu. Cette façon de désigner Jésus rappelle ses origines modestes. Pour faire comprendre cet élément, j’aime bien dire que c’est comme si on annonçait que le sauveur du monde venait de St-Barthélémy, un petit village au cœur du Québec rural d’où provient ma famille. Un rôle si grand pour un habitant d’un lieu si petit est paradoxal!  

Fils de David

     Il est encore courant de désigner quelqu’un par le nom de son père. Par exemple, aux Iles-de-la-Madeleine, on dirait que je m’appelle Sébastien de David. D’ailleurs, dans cet extrait de l’évangile, « Bartimée » signifie littéralement fils de Timée. L’expression « Fils de David » relie Jésus au roi David. Allons un peu plus loin. Parler d’un fils de David au premier siècle porte une connotation politique et même militaire. Évoquer David, c’est rappeler la monarchie qui a pris fin avec l’exil à Babylone et espérer sa restauration. Une prière juive de cette époque le dit très bien : Regarde, Seigneur, et suscite-leur le roi, fils de David, au moment que tu sais, ô Dieu, pour qu’il règne sur Israël ton serviteur! Et ceins-le de force pour qu’il brise les princes injustes, qu’il purifie Jérusalem des nations qui la foulent et la ruinent! (Psaume de Salomon 17, 21-22). Cet extrait transmet l’espoir d’un Messie, de la trempe de David qui allait libérer le peuple de l’oppression de l’Empire romain. Dans l’Évangile selon Marc, l’expression « fils de David » est souvent utilisée dans des contextes de guérison, comme pour celle de Bartimée.

Rabbouni

     Ce titre est un diminutif de rabbi qui signifie « mon maître ». Bartimée s’en sert pour s’adresser directement et personnellement à Jésus comme s’il était son professeur, son maître. Le seul autre emploi de rabbouni dans le Nouveau Testament est dans l’Évangile selon Jean lorsque Marie de Magdala reconnaît le ressuscité (Jn 20,16).

Christ

     Pour nous, « Jésus Christ » est une appellation si commune qu’on pourrait presque croire que Christ est son nom de famille. « Christ » est la traduction grecque (christos) du mot hébreu pour messie (mashiah). Ces deux mots réfèrent à la même réalité. Ils qualifient celui qui a reçu l’onction d’huile sainte, celui qui a été consacré par cette huile. Les mots christ/messie s’appliquaient surtout au roi qui recevait l’onction lors de son intronisation. Cette onction représente la bénédiction du Seigneur et fait du roi le représentant de Dieu pour son peuple. Dans l’Ancien Testament, on désigne aussi par messie des prêtres, des patriarches, et même Cyrus, un roi perse non-juif qui a permis au peuple de revenir de l’exil à Babylone (Is 45,1).

     Après la destruction de Jérusalem, la fin de la royauté et l’exil à Babylone, les prophètes ont commencé à transmettre des paroles au sujet d’un roi futur, d’un Messie qui sera envoyé par le Seigneur. Cette espérance messianique sera de plus en plus vive alors que le peuple d’Israël sera dominé par d’autres empires (babylonien, perse, grec et romain). Au premier siècle, l’espérance messianique est très forte, les juifs espèrent que Dieu va envoyer un messie pour libérer son peuple des Romains et établir un royaume fondé sur les principes de la loi juive. Les chrétiens reconnaissent que Jésus est le Messie, bien que son parcours soit différent de ce qui était attendu.

Grand prêtre

     La Lettre aux Hébreux est le seul écrit du Nouveau Testament qui présente Jésus comme prêtre. Cette association ne va pas de soi puisque Jésus était un laïc. De plus, il semble en opposition avec les prêtres du Temple de son temps. Il est même condamné à mort par le Grand-prêtre (Mc 14,53-64). Pourtant, après sa mort/résurrection, la Lettre aux Hébreux comprend Jésus comme Grand-prêtre puisque Jésus permet aux humains de se rapprocher de Dieu. La mort de Jésus est alors présentée comme le sacrifice qui remplace tous les autres pour sceller une nouvelle alliance.

Prêtre de l’ordre Melkisédek

     Melkisédek est un des personnages les plus mystérieux de la Bible. Le récit biblique le concernant (Gn 14,18-20) est très court et très vague. On y apprend qu’il est roi et prêtre de Salem, un lieu qui sera par la suite associé au mont du Temple à Jérusalem. Abraham lui verse la dîme et Melkisédek le bénit en faisant une offrande de pain et de vin à El-Élyôn (le Très-Haut).

     Le Psaume 110 va reprendre la figure de Melkisédek pour faire une analogie avec David qui est aussi roi et prêtre. Ce psaume sera réinterprété par les chrétiens dans la Lettre aux Hébreux pour qualifier Jésus comme prêtre et roi. L’offrande de pain et de vin fait aussi le lien entre Jésus et Melkisédek. Notons qu’il est quand même particulier qu’un Cananéen (donc non-juif) soit montré comme modèle pour David et Jésus.

Fils de Dieu

     La Lettre aux Hébreux cite le Psaume 2,7 : Tu es mon fils, aujourd’hui, je t’ai engendré. C’est par ce texte qu’on intronisait les rois de l’Ancien Testament qui devenaient ainsi les fils de Dieu lors de leur couronnement. Évidemment, il ne s’agit pas d’une filiation biologique. Contrairement à d’autres peuples de l’Antiquité, la tradition juive ne transmet pas de récits pour montrer comment leurs rois sont de descendance divine.

     Dans un milieu juif, appliquer l’expression fils de Dieu à Jésus faisait un lien entre lui et les rois de la lignée de David qui étaient appelés de cette façon. C’est avec la résurrection de Jésus que les premiers chrétiens vont comprendre que Jésus a quelque chose de divin en lui. Jésus leur apparaît alors comme le fils de Dieu.

Qui est Jésus?

     Le récit de la guérison de Bartimée et cet extrait de la Lettre aux Hébreux ont plusieurs façons de désigner Jésus. Chacun des titres utilisés fait référence à des éléments spécifiques de la tradition juive. Mieux connaître les mots utilisés pour parler de Jésus nous permet de mieux comprendre qui est Jésus. Et vous, qui est Jésus pour vous? Comment choisissez-vous de le désigner?

 

Sébastien Doane, bibliste

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2461. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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