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12e dimanche ordinaire B - 21 juin 2015

 

Une arme contre la peur

La tempête apaisée, Rembrandt

Le Christ dans la tempête sur la mer de Galilée (Rembrandt)

 

 

La tempête apaisée : Marc 4, 35-41
Autres lectures : Job 38, 1.8-11; Psaume 106(107); 2 Corinthiens 5, 14-17

 

Un des instincts les plus fondamentaux de l'être humain est de survivre en tant qu'individu et en tant qu'espèce. La crainte de mourir constitue une des peurs les plus viscérales qui hante la conscience humaine. La Parole de Dieu de cette célébration invite à découvrir la route qui permet de dépasser cette peur et, ainsi, de goûter à la paix intérieure.

Un homme désespéré

     La première lecture tirée du livre de Job (38, 1.8-11) raconte la déchéance d'un homme pourtant fidèle à Dieu. Job a perdu tous les biens qui le rendaient heureux. Il est déboussolé, car il considérait que son obéissance à Dieu le protégerait des malheurs de la vie. Il ordonne à YWHW de l'éclairer sur les causes de son dépouillement. YWHW ne lui donne pas la réponse exigée. Il lui présente plutôt sa majesté et sa puissance. Et il donne comme exemple de cette grandeur la création du monde. Dieu a écarté les mers pour faire surgir la terre et, par la suite, créer l'humanité. En mettant Job devant sa majesté, YHWH démontre que l'être humain n'a aucun contrôle sur Lui sauf la maîtrise que Dieu veut bien lui donner. Dieu a choisi de ne pas dévoiler la solution au problème de la souffrance pour des motifs qui lui appartiennent et que Job n'a pas besoin de savoir. Le pauvre homme sait qu'il a un Créateur qui lui a donné l'existence et cette réponse de l'Être suprême devrait être la seule nécessaire pour rassurer Job.

Rabbi et Seigneur

     L'Évangile de ce dimanche avance d'un pas dans la compréhension de la souffrance. Le terme de souffrance englobe toutes les émotions négatives qui perturbent la sérénité humaine : la douleur, la peur, la haine, etc. Dans le récit de la tempête apaisée, la peur constitue la souffrance qui rompt la quiétude des proches du Christ. Plusieurs évangélistes rapportent ce miracle. Le récit de Marc proclamé durant cette célébration rapporte l'essentiel de l'épisode. Matthieu  rajoute des considérations doctrinales. Chez Marc, Jésus est appelé « rabbi » qui se traduit en français par « maître ». Ce titre est attribué aux personnes qui possédaient une connaissance profonde des Écritures et qui transmettaient leur érudition à des disciples. Matthieu va plus loin. Les disciples désignent Jésus par le titre de « Seigneur ». Cette désignation implique que le Maître est plus qu'un simple érudit. Un engagement pour Jésus est plus qu'une simple adhésion intellectuelle. Les apôtres ont accepté d'engager toutes les dimensions de leur personne pour le Christ. La précision de Matthieu que Jésus est suivi par les disciples dans la barque confirme cette donnée doctrinale. Jésus constitue l'Autorité première. Les apôtres ont accepté de ne plus suivre leur propre volonté. Ils feront ce que le Seigneur attend d'eux.

La peur

     Matthieu et Marc se rejoignent sur l'essentiel. Les disciples prennent peur quand une tempête survient lors de leur traversée sur le lac. Cette peur provoque une réaction qui ressemble à celle de Job. Ils exigent une réponse de Jésus, l'homme qui a déjà accompli de fabuleux miracles. En effet, les apôtres réveillent Jésus et lui reprochent sa passivité devant le danger. Jésus calme la tempête. Il apaise la crainte dans le cœur de ses amis. Mais Jésus leur reproche leur peur. Dans sa réprimande, Jésus ajoute un élément qui complète la réponse donnée par YWHW à Job. Les compagnons du Seigneur se sont inquiétés parce qu'ils n'ont pas assez confiance en Jésus. Cette insuffisance de foi se prolonge dans le manque de discernement des apôtres après le miracle. Dans le récit de Job, Dieu se déclare l'unique maître des eaux, car il les a créées. En calmant le lac, Jésus prouve qu'il est de nature divine puisqu'il maîtrise les flots. Au lieu de reconnaître la divinité du Seigneur, les apôtres restent au seuil de cette révélation. Ils se posent des questions sur l'identité du Maître qui fait réagir les foules et impose sa volonté sur la nature. Mais ils demeurent incapables de saisir la véritable personnalité du Seigneur.

La foi

     Certains pourraient trouver injuste le reproche adressé par Jésus aux disciples. Lors du miracle de la tempête apaisée, Jésus n'est pas encore ressuscité. Le plus grand des miracles va susciter la foi des proches du Christ. L'Esprit qui permettra aux apôtres d'accomplir la volonté du Seigneur et de le comprendre totalement sera seulement donné lors de la Pentecôte, après la résurrection du Fils. Paul, dans la deuxième lecture (2 Co 5, 14-17), témoigne de ce point. Il affirme que la connaissance de la mort et de la résurrection du Christ transforme l'être humain. Elle lui permet de penser comme le Christ et d'agir comme lui. Et la cause de cette transformation est l'Esprit Saint. Les apôtres ont eu peur durant la tempête parce qu'ils ne connaissaient pas encore le Christ ressuscité qui, en revenant à la vie, a brisé les chaînes de la mort. Celle-ci n'est plus une fin. Elle est plutôt un passage, une transition vers un lieu où les limites du temps et de l'espace n'existent plus. Les êtres humains ont désormais accès au Royaume car, un homme qui est aussi Dieu, Jésus Christ, est entré dans le paradis.  

Une allégorie

     Les premiers chrétiens et chrétiennes ont vu dans le récit de la tempête apaisée une description de leur situation. Certains éléments du texte sont devenus des symboles. Cette manière d'interpréter l'Écriture, l'allégorie, a aussi été très utilisée par les premières communautés chrétiennes. Le serviteur souffrant symbolisant le Crucifié contenu dans le livre d'Isaïe, le roi-prêtre Melkisédek de la Genèse pour décrire Jésus dans l'Épître aux Hébreux sont des exemples de ce procédé littéraire. La mer aux flots déchainés représente l'Empire romain hostile à la chrétienté naissante. Les premiers baptisés se reconnaissent dans les disciples apeurés. La barque symbolise l'Église conduite par le Christ présent dans cette barque. Persécutées, les premières communautés chrétiennes trouvaient dans le reproche de Jésus la cause de la crainte qu'ils ressentaient face aux menaces. Les gens qui croient que la mort n'est pas le chapitre final de l'existence ne céderont pas devant l'intimidation des adversaires. Ils se souviendront que le Sauveur a été exécuté et qu'il a vaincu la mort.

     Ce message est encore valable aujourd'hui. L'autorité hostile des empereurs romains a été remplacée par d'autres menaces : la dérision et, parfois, la haine de certains athées, le matérialisme triomphant, etc. La barque de l'Église se trouve encore sur des eaux troubles. Mais le Christ est encore dans cette barque et il veille sur les gens qui l'ont suivi dans cette traversée que constitue la vie humaine. Quelquefois il semble absent, endormi. Dans ces moments de désert spirituel, Jésus réplique qu'il faut garder la foi et continuer la traversée. Le silence dans notre conscience n'implique pas que le Sauveur n'est pas présent. Le sens de ce présumé vide est que la personne, pour différentes raisons, ne ressent plus la plénitude de l'Esprit. Un baptisé transformé par le Christ verra ce moment de silence spirituel simplement comme une étape désagréable de son parcours vers le Royaume. Le Ressuscité demeure toujours là même si la personne ne ressent plus la joie et la paix apportées par l'Esprit. Malgré cette absence de sensations, Jésus n'interrompt pas son action dans le cœur des hommes et des femmes.

 

Benoît Lambert, bibliste

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2452. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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