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4e dimanche de l'Avent B - 21 décembre 2014

 

Un Dieu en attente

Nativité, église du Champ des bergers

Nativité, église du Champ des bergers, Bethléem (photo Y. Guillemette)

 

 

Annonce de la naissance de Jésus : Luc 1, 26-38
Autres lectures : 2 Samuel 7, 1-5.8-12.14-.16; Psaume 88(89); Romains 16, 25-27

 

Le début de l’évangile d’aujourd’hui raconte l’Annonciation de l’Ange Gabriel à Marie, précédée d’une autre Annonciation, celle de l’Ange du Seigneur à Zacharie. L’Annonciation à Marie concerne Jésus et l’autre Jean le Baptiste, son précurseur. Ces deux Annonciations font partie des récits de l’enfance chez Luc. Ces chapitres forment comme une longue préface annonçant la mission du prophète et celle de Jésus.

La facture du récit

     Luc bâtit son texte évangélique sur le modèle des annonciations de l’Ancien Testament. Qu’il s’agisse de l’annonce à la vieille Agar qui deviendra la mère d’Ismaël (Gn 16, 10-11), ou de l’annonce à Manoha à propos de sa femme stérile qui enfantera Samson (Jg 13, 24), la formule utilisée est semblable : une salutation en guise d’introduction; souvent un appel à ne pas craindre; puis l’annonce de la naissance miraculeuse; et enfin, une description de la destinée de l’enfant à naître. Il arrive aussi que vienne s’ajouter un signe réconfortant. Le texte lucanien s’inscrit donc dans la droite ligne de toutes les annonces de naissances suscitées par Dieu.

Le message fondamental

     Le texte d’or de l’Annonciation à Marie est, sinon le plus connu, du moins l’un des plus commentés et des plus illustrés. Les poètes et les artistes s’en sont abondamment inspirés. Pensons seulement aux toiles de Fra Angelico et de Léonard de Vinci reproduites en des centaines de lieux et dans de nombreux livres d’art. Texte inlassablement répété à l’Angélus et dans la récitation du Rosaire. Ce fragment d’évangile contient un trésor si nous empruntons les yeux de la foi pour le parcourir. Personne n’a assisté à la scène, bien sûr. Il faut nous en tenir aux confidences de Marie à Luc et au génie de l’auteur mû par la force de l’Esprit. Le message est donc sans équivoque : il s’agit de la venue du Christ en notre monde grâce au consentement de la toute jeune Marie de Nazareth. C’est également une allusion au mystère de la naissance virginale de Jésus par la seule puissance de Dieu. Mais on y trouve aussi le message que les deux lectures précédentes annoncent : Dieu est fidèle à ses promesses de salut : Je te donnerai un successeur dans ta descendance (2 S 7, 12) affirme-t-il à David. Voilà le mystère qui est maintenant révélé, ajoute Paul (Rm 16, 25).

Pourquoi moi ?

     Revenons au personnage central : Marie. Cette toute jeune fille, quatorze ans tout au plus, n’y était pour rien. Cette petite Marie vivant au sein de sa famille dans ce bourg appelé Nazareth en Galilée, dont on dit qu’il ne peut sortir rien de bon (Jn 1, 46), ne s’attendait à rien de tel. Devant la surprenante salutation de Gabriel où il lui apprend qu’elle est Comblée-de-grâce et que le Seigneur est avec elle (Luc 1, 28), il n’est pas étonnant qu’elle prenne peur : À cette parole elle fut bouleversée (v. 29). Aussi veut-elle une explication. Pourquoi elle ? Elle apprendra au cours de sa vie que le choix de Dieu est toujours pure grâce et pure gratuité car il est dicté par l’amour. Et l’amour ne s’explique pas mais il se prouve. S’il pouvait s’expliquer il ne serait plus l’amour. Telle est la loi de l’agapè chez Dieu et telle est la loi de l’amour entre les êtres qu’il a créés. Pour le premier, il s’agit d’un coup de grâce, pour les seconds, il s’agit souvent d’un coup de foudre.

Comment alors ?

     Marie veut bien acquiescer à la demande de Dieu ne pas contrecarrer son choix malgré sa petitesse et son indignité, mais Comment cela va-t-il se faire ? Elle est une vierge déjà promise (v. 34). L’Ange comprend son hésitation et sa situation virginale. Il lui rappelle comment l’Esprit agira en elle pour que le ciel puisse offrir un cadeau à la terre : celui qui sera appelé Fils de Dieu (v. 35). Si l’Ange ajoute un signe, ce n’est pas pour la convaincre mais pour la conforter : Et voici qu’Élisabeth, ta cousine, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse… Gabriel lui apprend par là que rien n’est impossible à Dieu (vv. 36-37). Ce dialogue n’a d’autre but, pour Luc que nous apprendre que Dieu ne peut faire violence. Lorsqu’il jette son regard sur les créatures qu’il a choisies pour un destin particulier, il ne veut pas les mettre devant le fait accompli. Ce serait à nouveau contraire à l’amour. Aussi attend-il le consentement de la jeune Marie.

Me voici!

     Si le consentement de l’interpelée est essentiel à l’accomplissement du mystère, nous pouvons prétendre que c’est donc dans une totale liberté que Marie dira le OUI qui changera la face de la terre. Elle adhère et accepte ce qui adviendra pour la suite des jours. C’est à cette condition que le miracle divin s’accomplira en elle. Elle se met donc au service du Seigneur : Voici la servante du Seigneur (v. 38), dira-t-elle en toute humilité, en sachant bien que les mystères du Seigneur sont insondables et qu’ils ne s’expliquent pas selon la raison. Ils ne se comprennent qu’avec le cœur et cela dans une confiance solide envers Celui qui ne veut que notre bien. Sans l’adhésion de cette jeune juive inconnue, l’élan d’amour de Dieu serait à tout jamais demeuré inopérant et par le fait même inefficace. Ainsi, Marie a tracé le chemin à tout homme et à toute femme sur qui le Seigneur ose jeter les yeux pour accomplir de grandes ou d’humbles choses car : Les dons de la grâce, les fonctions, les activités sont variés mais c’est partout le même Dieu qui agit en nous (1 Co 12 4-6). Cependant, ces personnes ont toujours l’humilité en partage. C’est pourquoi ils s‘étonneront immanquablement du choix de Dieu sur elles.

Consentir à la grâce

     Consentir à la grâce, c’est ce qui est offert à l’Église du Christ et à chaque personne tout particulièrement en ce temps de salut où la présence de Jésus se fait toute proche à travers la fête de Noël. Qui accepte de consentir à la grâce, voit la merveille s’accomplir comme elle s’est accomplie dans le sein de Marie. Aussi longtemps que nous n’avons pas saisi la grâce qui passe, développé le cadeau de Dieu, nous ne pouvons consentir qu’à nous-mêmes. Nous ne pouvons compter que sur nos propres forces. Nous ne pouvons que rêver de réaliser nos propres projets ou ceux des autres. Cela peut durer un temps ou toute une vie! Dieu ne force rien, on l’a vu chez Marie, alors ? Mais lorsque la grâce se révélera à nous et que les yeux de notre cœur s’ouvriront, tout deviendra d’une simplicité étonnante. Elle nous situe dans le droit fil de ce que nous sommes fondamentalement aux yeux de Dieu : des êtres capables de réaliser son rêve en nos vies. Nous avons une place de choix dans l’avancement du Royaume. À nous d’en demander la grâce et d’accepter de servir.

Dieu en attente

     Marie a reçu une mission extraordinaire, à peine croyable quand on s’y arrête : mettre au monde le Fils de Dieu! Mais est-ce trop dire que d’avancer qu’il s’agit de notre mission à tous ? Comment cela peut-il se faire? Simplement en donnant notre OUI à Dieu. Dieu est en attente de cet acquiescement pour accomplir le meilleur en nous. Sans Marie, pas d’incarnation. Sans les apôtres, les martyrs, les saints, sans nous, pas d’incarnation du Fils qui se poursuit au cœur du monde. Nous sommes visage de Dieu, chacun et chacune à notre manière.

 

Ghislaine Salvail, SJSH

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2426. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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