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3e dimanche de Carême A - 23 mars 2014

 

Ma vie, une adoration véritable

 

L'eau vive et le culte nouveau : Jean 4, 5-42
Autres lectures : Exode 17, 3-7; Psaume 94(95); Romains 5, 1-2.5-8


Une construction en paliers

L’évangile, communément appelé, l’évangile de la Samaritaine, est bâti sur plusieurs paliers. Paliers qu’il est utile d’isoler si l’on veut bien saisir ce long texte johannique. Attardons-nous d’abord sur les dialogues : le premier se rapportant à l’eau vive, puis le second au vrai culte. Ils sont primordiaux. Vient ensuite le dialogue de Jésus avec ses apôtres sur la vraie nourriture. Il trouve tout son sens dans l’inclusion de la brève parabole de la moisson. Ajoutons à cela deux derniers paliers : le séjour de Jésus à Sychar et la venue à la foi véritable de ses habitants. Les contraintes d’espace du Feuillet nous empêchent de traiter tous ces paliers, mais il nous importait de souligner l’architecture impressionnante de ce long texte.

L’homme Jésus

     L’humanité de Jésus nous apparaît en clair : il éprouve la fatigue, il ressent la soif, il est accablé par la chaleur de midi. Cependant, l’homme Jésus fait preuve d’une souveraine liberté : il enfreint les coutumes sociales en entrant en dialogue avec une femme (fait inusité) et il se solidarise avec son peuple : Le salut vient des Juifs (Jean 4, 22). Mais cet homme dévoilera peu à peu son mystère : Il est plus grand que le patriarche Jacob (v. 12), il se révélera Messie : Moi qui te parle, je le suis (v. 26). Ce Messie vit dans l’intimité du Père et annonce à la femme qu’il est Sauveur du monde (v. 42).

Le Jésus pédagogue

     Jésus prend l’initiative en engageant le dialogue avec la femme. En bon pédagogue, il l’amène peu à peu à poser des questions. Il suscite en elle un souci de vérité. Il va jusqu’à la placer dans la lumière de sa vérité : Va chercher ton mari (v. 16) et du même coup, la fait accéder à l’humilité de sa situation. Enfin, grâce à ce maître, elle sent le besoin de partager avec d’autres ses découvertes. Jésus accepte aussi de cheminer avec la femme lorsqu’elle se questionne sur la religion et le culte. Ce questionnement la mènera au seuil de la foi. Il lui restera à franchir une dernière rupture qui est celle de quitter son passé ténébreux : laissant là sa cruche (v. 28) pour oser témoigner.

Le salut en Jésus

     Dans ce récit, nous trouvons, entre autres, un enseignement sur notre salut en Jésus Christ. En se servant de l’image évocatrice de l’eau vive, Jésus affirme que c’est lui qui la dispense : Si tu connaissais celui qui te dit ‘donne-moi à boire’ (…) il t’aurait donné de l’eau vive (v. 10). Cette eau vive, dont parle Jésus, c’est l’Esprit qui descendra sur toute personne qui croira en lui. Ce don de l’Esprit désaltère la soif profonde qui dort en chaque être et qui peut ainsi lui obtenir le salut et le conduire jusqu’en vie éternelle : L’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle (v. 14). Ce don de l’Esprit, enfin, fait vivre de la foi : Dieu a fait de nous, dira Paul, des justes par la foi; nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ (Romains 5, 1).

Une relation nouvelle avec Dieu

     Dans ce récit, toujours, nous trouvons, un enseignement sur la nouvelle manière de rendre un culte à Dieu, en esprit et en vérité (v. 24). Cela ne signifie pas qu’il faille supprimer le culte liturgique. Pour les chrétiens, l’Eucharistie demeure et demeurera toujours le sommet du culte. Mais on assiste au déplacement de la manière d’adorer et du lieu d’adoration. Ce culte réservé à Dieu n’est plus tenu, dorénavant, d’être accompli au Temple mais partout où vivent, prient agissent ceux qui croient en Jésus.

La vie apostolique

     Dans ce récit, enfin, nous trouvons, un enseignement nouveau sur la manière de saisir la vie apostolique qui se concrétise dans l’engagement et le témoignage. La personne qui se met à la suite du Christ doit d’abord et avant tout se conformer à la volonté du Père. Ma nourriture c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé (v. 34). C’est, pour le disciple, une découverte qui s’impose car, dit Jésus : c’est une nourriture que vous ne connaissez pas (v. 32). L’apôtre doit également accepter d’être plus semeur que moissonneur. Il doit être convaincu que d’autres ont passé dans les mêmes sillons, dont Jésus lui-même. Les fruits appartiennent au mystérieux travail de l’Esprit accompli en chacun. L’apôtre est donc, d’abord et avant tout, un espérant : Ceux qui sèment dans les larmes, récoltent en chantant (Ps 126, 5). En attendant, il doit, comme son Maître, sentir le poids du jour au point de demander à boire même et surtout aux plus petits.

Et pour maintenant

     Nous avons ratissé large pour nous laisser enseigner par le Christ assoiffé et la femme étonnée. Que nous disent-ils pour l’immédiateté de nos vies ? L’eau, nous le savons, est devenue un problème mondial. Au moment où j’écris ces lignes, ironie du sort, les citoyens de l’île de Montréal, sont en manque d’eau potable. Cet événement, rarissime en nos contrées, nous fait mieux saisir l’image de l’eau vive employée par Jésus. Quittons le domaine des ressources naturelles pour nous situer au plan spirituel. N’avons-nous pas l’impression de vivre au désert comme les fils d’Israël? : Pourquoi nous as-tu fait monter d’Égypte ? Était-ce pour nous faire mourir de soif ? (Ex 17, 3). Si tel est le cas, pouvons-nous discerner quelles sont nos soifs ?

Les différentes soifs

     Depuis la nuit des temps, l’homme et la femme ont soif de bonheur. Mais le bonheur prend différentes formes. Il y a le bonheur à portée de main, le bonheur construit jour après jour et le bonheur à venir. Le premier bonheur est souvent vite comblé car il réside dans l’apaisement de la soif matérielle : un bien convoité et saisi peut l’assouvir à l’instant. Mais ce bien est éphémère; il déçoit et ne rassasie pas. De plus, il laisse un arrière-goût. Le bonheur que l’on construit avec et pour ceux et celles que l’on aime est atteint à force de combats, à force d’épreuves surmontées. Il goûte bon et donne des fruits. Le troisième bonheur, celui promis par Jésus, apaise la soif à jamais : Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif (v. 14). Cette eau c’est l’eau vive de la Parole, cette Parole messianique qui nous fera connaître toutes choses (v. 25).

Les différents cultes

     Les Samaritains priaient sur le mont Garizim et les Juifs au Temple de Jérusalem sur le mont Sion. Nous serions portés à affirmer que ce sont là de vieilles oppositions. Mais n’allons pas trop vite. Prenons deux exemples où l’on cultive l’opposition entre l’ancien et le nouveau. Le chant grégorien trouve toujours des adeptes, des nostalgiques du latin. La messe de saint Pie V a encore la faveur de certains chrétiens. Il ne s’agit pas de discréditer le latin et le grégorien mais simplement de démontrer que la manière de pratiquer le culte suscite encore des oppositions. Disons que les querelles de clochers ne datent pas d’hier. Cependant, depuis que l’Heure de Jésus est accomplie (v. 21), depuis l’Heure où il a donné sa vie pour les pécheurs que nous sommes, depuis l’Heure où il est ressuscité d’entre les morts, nous en sommes au culte en esprit et en vérité. Cette parole nous invite à célébrer dans la beauté et dans la sobriété. Elle nous invite à prendre conscience d’être habités par Celui que nous adorons. Ce qui importe, en définitive, c’est de faire de notre vie un véritable culte rendu à Dieu.

 

Ghislaine Salvail, SJSH

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2396. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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