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2e dimanche de Carême A - 16 mars 2014 |
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La lecture de l’épisode de la transfiguration surprend. Les règles naturelles sont temporairement suspendues pour permettre la métamorphose de Jésus, la venue de personnages décédés et la voix de Dieu. Quel est le genre littéraire de ce récit si différent du reste de l’évangile ? Un événement historiqueLes pères de l’Église et les moines du Moyen-âge comprenaient la transfiguration comme un événement historique. Avant l’avènement de la pensée scientifique et des sciences historiques, ce récit ne semble pas poser trop de problèmes, malgré ses aspects surnaturels. Un récit fantastiquePar ailleurs, pour la pensée moderne, cette façon de voir est très difficile à tenir. L’histoire ne semble pas assez plausible pour qu’elle provienne de l’expérience du Jésus historique. Le lecteur contemporain hésite dans sa lecture. Il se demande comment Jésus peut avoir un visage lumineux comme le soleil. Comment Moïse et Élie peuvent-ils être présents, alors qu’ils sont décédés depuis des centaines d’années ? Comment peut-on entendre la voie de Dieu ? Est-ce un portrait de la réalité ou de la fiction ? Dans le récit, les disciples eux aussi semblent hésiter. Lorsqu’ils font l’expérience de la transfiguration de Jésus et de l’apparition de Moïse et d’Élie, ils ne posent aucune question et ne commentent pas ces événements très étranges dont ils sont témoins. Ils sont comme pétrifiés devant une expérience qui les dépasse. Puis, au son de la voix de Dieu, ils tombent de peur, littéralement le visage contre terre. En se relevant, ils ne voient plus que Jésus seul. À la fin de l’épisode, le lecteur, comme les disciples, se demande comment interpréter tout ce qui vient d’arriver. Une façon de comprendre serait de voir cette histoire comme un récit fantastique qui utilise des éléments étranges et le merveilleux. Ce genre de récit permet de créer un suspense chez le lecteur en plus de permettre la description des éléments sur un autre niveau que la réalité physique. En effet, ce passage fantastique ouvre un espace où on peut voir l’identité divine de Jésus d’une façon complètement nouvelle. Un récit de résurrectionDes exégètes comme Bultmann voient dans ce passage un récit de résurrection placé au cœur du ministère terrestre de Jésus. Tout juste avant le récit de la transfiguration, l’Évangile de Matthieu traite des conditions pour suivre Jésus en mettant l’accent sur la souffrance et la perte de sa vie. La mort de Jésus est annoncée. Puis, le discours évoque la venue du Fils de l’homme et la gloire du Père avant d’affirmer que certains des disciples vont en faire l’expérience avant de connaître la mort. Le récit de la transfiguration qui suit peut alors être compris comme l’illustration de la gloire divine en Jésus qui ne sera pleinement comprise qu’après sa mort et sa résurrection. Les trois disciples font l’expérience du ressuscité avant le temps. Mais cette vision de gloire n’est que transitoire, rien ne sert de planter des tentes sur la montagne, puisque Jésus est aussi le serviteur qui va souffrir et mourir crucifié avant d’entrer dans la gloire de la résurrection. Le genre littéraire « fantastique » permet la narration d’une anticipation de la résurrection par un récit qui sort des normes habituelles de la réalité qui nous entoure. Ces deux genres littéraires ne s’opposent pas, ils se complètent. Un récit apocalyptiqueD’autres exégètes proposent de comprendre la transfiguration comme une vision apocalyptique ou comme une épiphanie, c’est-à-dire une manifestation de Dieu. Ces façons de lire le texte mettent l’accent sur les nombreux éléments symboliques qu’on retrouve dans la littérature apocalyptique : la lumière (image de la gloire divine), les vêtements (symbole de l’identité d’une personne), la montagne (le lieu de rapprochement du ciel et de la terre, et de la rencontre entre Dieu et l’humain), la tente (le lieu de la présence de Dieu dans l’Ancien Testament avant la construction du Temple), la couleur blanche (symbole de pureté et de divinité). En descendant de la montagne, Jésus explique aux disciples que ce qu’ils ont vu du passé (Moïse, Élie) est en fait une révélation du futur. La transfiguration comprise comme une apocalypse pointe vers le futur selon la vision de Dieu. Elle révèle le plan de Dieu. Pour prendre une image contemporaine, il ne s’agit pas seulement d’une bande-annonce de ce qui vient, mais bien une anticipation de ce qui a déjà commencé à se manifester. Le récit de la transfiguration porte donc un profond message d’espoir envers le futur avec Dieu qui se manifeste en Jésus. Le mot « apocalypse » veut dire « révélation ». Que révèle ce récit? Il dévoile la nature réelle, l’identité du Christ. Comme le dit la voix du ciel, il est le Fils de Dieu, son bien-aimé. L’identité de Jésus est le contenu de la révélation de Dieu. Jésus transfiguré devient un pont entre ciel et terre. Pour voir le Père, il suffit de regarder vers le Fils. Un récit anthropologiqueLe récit de la transformation de Jésus vise aussi la transformation des disciples, de l’Église et du lecteur. Étonnement, il y a quelque chose de profondément humain à cette histoire surnaturelle. Jésus devient le pont entre ciel et terre qui permet aux humains de prendre part à la gloire de Dieu. Ce n’est pas que le récit de la révélation de l’identité profonde de Jésus, mais aussi le récit de notre propre identité et de notre propre destinée future. La transfiguration de Jésus, c’est la métamorphose de l’humanité. Un jour, tous seront illuminés par la lumière et la gloire divine. Plus qu’un événement dans la vie de Jésus, la transfiguration devient alors un processus de transformation qui englobe l’humanité et le monde entier dans le plan de Dieu. Alors c’est à vous de décider. Est-ce que le récit de la transfiguration est historique, fantastique, apocalyptique ou anthropologique ? Pour ma part, je ne pense pas qu’un seul genre littéraire prend en compte les multiples facettes de cet épisode. Chaque angle d’approche nous permet d’entrer un peu plus dans le mystère de la transfiguration. Pour aller plus loin...
Source: Le Feuillet biblique, no 2395. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.
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