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3e dimanche de l'Avent A - 15 décembre 2013

 

Une attente à redéfinir

 

Question de Jean et réponse de Jésus : Matthieu 11, 2-11
Autres lectures : Isaïe 35, 1-6a; Psaume 145(146); Jacques 5, 7-10

 

Les préparatifs battent leur plein. Dans dix jours, Noël sera déjà là. Qu’attendons-nous de la période de réjouissances qui se profile à l’horizon et dont les préparatifs sapent souvent nos énergies avant même de commencer ? Même dans le monde pastoral, c’est souvent la course pour finaliser la préparation des diverses célébrations. Bien des gens viennent à nous pour cette seule messe de l’année : on veut leur offrir quelque chose de beau, qui leur donnera peut-être le goût de revenir nous visiter. Mais qui est ce Jésus dont nous allons célébrer la venue parmi nous ? En ce troisième dimanche de l’Avent, l’évangile nous invite à nous demander, comme l’a fait Jean le Baptiste, quel Messie nous attendons.

Le projet de l’évangile de Matthieu

     En ce début d’année liturgique où nous amorçons notre cheminement avec Matthieu, un petit rappel peut s’avérer utile. Matthieu s’adresse à des Juifs qui attendent le Messie promis à travers les Écritures, depuis la promesse faite à Abraham et l’Alliance conclue avec Moïse. L’évangéliste présentera donc son Jésus comme celui qui était attendu, un nouveau Moïse qui renouvelle l’alliance inscrite aux cinq premiers livres de la Bible, le Pentateuque. Il le fera, entre autre, en articulant son évangile autour de cinq grands discours : le Sermon sur la montagne (5, 1 – 7, 29), le discours missionnaire (9, 35 – 11,1), le discours en paraboles (13, 1-52), le discours communautaire (18, 1-35) et le discours eschatologique (24, 1 – 25, 46). Matthieu aura à cœur d’inscrire sa présentation de Jésus Messie, à la fois dans la continuité avec l’histoire d’Israël, mais aussi en marquant la nouveauté que ce Jésus incarne par rapport aux attentes traditionnelles. L’extrait qui nous est proclamé aujourd’hui inaugure justement une série d’incompréhensions et de controverses qui culmineront dans le discours en paraboles, où seuls ceux à qui cela est donné auront la chance de connaître les mystères du Royaume (13, 11).  Car cette nouveauté ne sera pas toujours comprise, notamment par les responsables religieux de l’époque et même par les proches de Jésus, comme Jean le Baptiste.

Une attente à revoir

     En effet, Jean connaît Jésus puisqu’il l’a baptisé et, au-delà de ce que nos évangiles racontent, Jésus a probablement cheminé à la suite de Jean durant un certain temps : à l’époque, être baptisé par quelqu’un signifiait qu’on était son disciple. Quoi qu’il en soit, Jésus se sépare de Jean et, au lieu de se retirer au désert comme son mentor, il choisit de vivre parmi les gens de son peuple en enseignant et en faisant des guérisons. Jean attendait un Messie témoin de la colère de Dieu plutôt que de sa compassion (3, 7-12). Alors, de sa prison, il envoie les siens : Es-tu Celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?  (11, 3) Autrement dit, Es-tu le Messie, celui que les Écritures annonçaient et que notre peuple attend ? Au dernier prophète de la première alliance, Jésus va répondre dans un langage que le Baptiste peut comprendre : en citant les Écritures. Sa réponse couvre différentes citations du prophète Isaïe, dont celle entendue aujourd’hui : Les yeux des aveugles verront et les oreilles des sourds s’ouvriront. Alors, le boiteux bondira comme un cerf… (Is 35, 5-6a). Jésus correspond donc bien aux attentes, mais à sa manière.

     En effet, son attitude est différente de celle que les responsables religieux auraient pu attendre d’un messie. Il ne respecte pas scrupuleusement la Loi, surtout lorsque celle-ci empêche de faire le bien : comme de se nourrir ou de guérir un jour de sabbat (12, 1-14) ; comme de choisir un publicain pour être son disciple ou de s’attabler avec les pécheurs (9, 9-13). Les signes qui permettent de reconnaître la réalité du Royaume sont donc de l’ordre de la justice, de la compassion, de la miséricorde, de la seconde chance.

Jésus, homme de Parole

     Mais surtout, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. Cette mention arrive à la fin de l’énumération des diverses guérisons, comme un crescendo. Ce ne sont pas seulement les signes qui révèlent Jésus, signes qui sont souvent objets de confusion, mais sa Parole. Une Parole à laquelle Matthieu donne une place toute particulière avec ses cinq grands discours. Et une parole adressée particulièrement aux pauvres : Je te loue, Père, (…) d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits (11, 25). Derrière les termes « pauvres » ou « tout-petits », il faut comprendre tous ceux – et celles – qui étaient les laissés-pour-compte de l’époque, les méprisés, les ostracisés pour différentes raisons : la maladie qui était perçue comme une punition de Dieu et  rendait impur ; la pauvreté qui empêchait souvent de suivre toutes les prescriptions de la loi ; le fait d’être femme qui tenait dans la soumission. Heureux ces tout-petits à qui est révélée la sagesse du Royaume car ils ne tomberont pas à cause de Jésus (11 ,6), ils ne seront pas déroutés et sauront reconnaître le Messie à travers ses gestes et ses paroles.

     Jésus rend ensuite témoignage à Jean. Ce dernier ne s’est pas plié aux usages comme un roseau sous le vent, ni ne s’est enorgueilli comme un roi, mais il fut même plus qu’un prophète, le précurseur. Pourtant, les pauvres et les plus petits qui accueillent la Parole seront plus grands que Jean dans le Royaume. C’est dans l’accueil de Jésus, de ses gestes, de ses paroles et dans leur mise en pratique, que se vérifie la véritable grandeur selon Dieu.

Quel Messie attendons-nous ?

     Noël qui vient nous rappelle notre propre attente, notre propre désir. Mais qu’attendons-nous du Christ aujourd’hui ?  Comme Jean, espérons-nous un salut qui écarte les impies (dont bien sûr nous ne faisons pas partie) ? Les signes présents dans les évangiles, ceux que Jésus lui-même donne en réponse aux envoyés de Jean, nous font-ils espérer un messie qui règle nos problèmes ? Croyons-nous que nos prières nous procureront la guérison tant attendue, un emploi, une solution aux difficultés de notre vie, comme on attend un cadeau à Noël ? Qu’arrive-t-il de notre foi lorsque ces prières ne sont pas exaucées ? Les contemporains de Jésus n’ont pas compris les signes qu’il opérait : qu’en est-il de nous ?

Un Messie qui a besoin de nous

     Jésus a opéré des guérisons, il n’y a aucun doute là-dessus. Mais il n’a pas guéri tout le monde, ni réanimé tous les morts de son époque. Pourquoi ces choix, cette discrimination ? Peut-être parce que le salut qu’il propose implique celui ou celle qui se réclame de lui. Cela était vrai il y a 2000 ans, alors que les apôtres ont pris le relais après la résurrection et la Pentecôte. C’est encore vrai aujourd’hui et nous, chrétiennes et chrétiens, sommes interpellés. L’avènement du Royaume n’est pas un événement de la fin des temps. Il se vérifie déjà dans le secours apporté aux pauvres et aux malheureux, dans le redressement des affligés de la vie, dans l’accueil et la compassion. Et il n’y a que nous, femmes et hommes de bonne volonté, pour le faire advenir.

     Lorsqu’au lieu de juger nous accueillons et proposons un chemin de croissance, alors la Parole de Jésus se fait entendre pour notre monde. Lorsque nous osons prendre la défense des marginalisés de notre société, les signes opérés par Jésus deviennent actuels.

     Notre Messie est vraiment différent. Il a choisi d’avoir besoin de nous pour que les aveuglés retrouvent la lumière de la justice, pour que les ostracisés soient réintégrés, pour que ceux qui font la sourde oreille entendent le cri des autres, pour que celles dont le cœur est mort renaissent à la vie, pour que les pauvres entendent une parole d’espérance et de solidarité.

     Cette conviction pourrait colorer notre manière de nous préparer à Noël.

 

Sylvie Paquette-Lessard, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2382. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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Pourquoi Jean Baptiste ?