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2e dimanche de l'Avent A - 8 décembre 2013

 

Pourquoi Jean Baptiste ?

 

La prédication de Jean Baptiste : Matthieu 3, 1-12
Autres lectures : Isaïe 11, 1-10; Psaume 71(72); Romains 15, 4-9

 

On peut se demander ce que vient faire cet extrait de l’Évangile selon saint Matthieu en ce deuxième dimanche de l’Avent. Pourquoi ce récit qui met en scène Jean Baptiste avec sa verve proverbiale ? Pourquoi ne pas avoir choisi plutôt un récit qui nous parle des jours qui précèdent la naissance de Jésus ? Pour nous aider à le comprendre, voyons ce que dit la Présentation générale du Lectionnaire romain à propos de l’Avent : « Le temps de l’Avent a une double caractéristique : c’est à la fois un temps de préparation aux solennités de Noël où l’on commémore le premier avènement du Fils de Dieu parmi les hommes, et un temps où, par ce souvenir, les âmes sont tournées vers l’attente du second avènement du Christ à la fin des temps. Le temps de l’Avent se présente donc, pour ces deux raisons, comme un temps de pieuse et joyeuse attente » (no 92).

Il y a avant et Avent!

     L’Avent n’est donc pas seulement une période de préparation à la fête de Noël, comme on le pense généralement. C’est un temps que l’Église se donne pour mettre l’accent sur l’attente de la venue du Seigneur à la fin des temps. Le mot « Avent », malgré les apparences, n’est pas l’équivalent du terme « avant ». Il est plutôt de la même racine que « avènement ». Il s’agit de nous préparer à un avènement, à quelque chose qui s’en vient.

     Dans cet esprit, on saisit mieux la raison d’être de la présence de Jean Baptiste en ce dimanche, puisque son rôle fut essentiellement celui de précurseur du Messie, envoyé pour annoncer son arrivée prochaine. En entendant ces paroles chaque année, nous nous rappelons que nous vivons cette attente, cette espérance de l’accomplissement du salut.

Appel au changement

     La prédication de Jean Baptiste et la manière dont l’évangéliste Matthieu la met en scène font davantage que nous rappeler que nous sommes un peuple en attente. Elles nous interpellent aussi sur la manière dont nous devrions vivre ce temps d’attente. Le mot d’ordre est donné dès le départ : « Convertissez-vous ! » Le verbe hébreu derrière cette expression renvoie à l’idée de changement. Il ne s’agit pas tant ici de changement d’idée ou d’opinion sur le plan intellectuel, que d’une réorientation, d’un retournement de toute la personne. Autrement dit, un changement de cap. Dans le contexte, le Baptiste exhorte les foules à revenir à Dieu. Alors que notre condition de pécheurs nous incite à lui tourner le dos, à nous éloigner de lui, le prophète nous invite à revenir à lui. Attendre le Seigneur durant l’Avent, espérer sa venue, c’est donc tourner notre regard vers lui et même avancer en sa direction. Comment cela peut-il se faire concrètement ? Les moyens ne manquent pas : fréquenter sa parole en lisant les Écritures, se laisser interpeller par elles, participer à la vie de la communauté chrétienne, tendre la main aux personnes en détresse, comme Jésus lui-même l’a fait.

Produire de bons fruits

     Dans ce même épisode raconté par l’évangéliste Luc, quelques personnages s’adressent à Jean Baptiste pour lui demander ce qu’ils doivent faire (Luc 3, 10-14). Rien de tel chez Matthieu. Celui-ci braque plutôt les projecteurs sur deux groupes, des pharisiens et des sadducéens [venus] en grand nombre à ce baptême. Le Baptiste les interpelle vivement : Engeance de vipères! Cette invective s’explique par le contexte particulier de l’évangéliste qui s’adresse à des juifs convertis et rejetés par leur communauté. Leurs adversaires les plus redoutables étaient les pharisiens et les sadducéens. Matthieu a donc soin de mettre en lumière leurs travers : le ritualisme des premiers et la collusion avec le pouvoir des seconds. Cela dit, le reproche que Jean leur adresse ne leur est pas exclusif. En effet, pourquoi donc sont-ils l’objet de critiques? Parce qu’ils ne produisent pas de bons fruits. Ils se croient « en règle avec Dieu » en raison de leur respect méticuleux de la Loi ou de leur position dans la haute hiérarchie sacerdotale. Mais concrètement, ils n’agissent que dans leur propre intérêt. S’ils font la charité, ce n’est pas par grandeur d’âme mais pour se conformer à la Loi qui prescrit l’aumône ou pour bien se faire valoir aux yeux du Seigneur.

     Il faut ici prendre une certaine distance avec les propos de Jean Baptiste tels que rapportés par Matthieu. Dans les faits et historiquement, la plupart des pharisiens et des sadducéens étaient sans doute des hommes bons et soucieux du bien de la communauté. Mais ils faisaient partie d’un système – et contribuaient sans doute à l’entretenir – qui favorisait une minorité au détriment d’une majorité. Ils étaient donc des cibles de choix pour un prophète comme Jean Baptiste, soucieux de ramener tout le peuple à l’essentiel de l’Alliance. Quoi qu’il en soit, nous voyons assez aisément en quoi les paroles de Jean adressées aux pharisiens et aux sadducéens peuvent aussi nous interpeller. Sans nous culpabiliser ou tomber dans le moralisme, nous pouvons profiter du temps de l’Avent pour nous demander si nous produisons « de bons fruits ». Spontanément, nous pouvons certainement en nommer au moins un : nos élans de générosité à l’approche de Noël lorsque nous participons aux diverses collectes et guignolées. C’est bien. Mais peut-être que ces « bons fruits » pourraient devenir encore meilleurs ou plus abondants si nous nous engagions à lutter contre les systèmes qui entretiennent l’iniquité au sein de nos sociétés.

« Dans l’Esprit Saint et dans le feu »

     La conclusion du récit de Luc met l’accent sur ce qui distingue le baptême de Jean de celui de Jésus. Le rite du Baptiste fait intervenir un élément purificateur : l’eau. Celui du Christ prévoit aussi un élément purificateur, mais beaucoup plus radical : le feu, associé à l’Esprit Saint. On ne peut s’empêcher ici de songer au feu de l’Esprit qui se pose sur les Apôtres au moment de la Pentecôte. C’est dire qu’en plus de la purification, le baptême de Jésus apporte cet élan que seul l’Esprit peut procurer en vue de la mission de l’Église.

Tout va changer

     Environ six siècles avant Jean Baptiste, le prophète Isaïe (11,1-10) annonçait aussi la venue d’un personnage qui allait apporter une transformation radicale au cœur du monde (première lecture). Habité de l’esprit du Seigneur, il recevra de lui sagesse, discernement, conseil, force, connaissance et crainte du Seigneur. Il interviendra en faveur du peuple, comme un juge particulièrement attentif aux pauvres du pays. Puis le prophète décrit en terme imagé les résultats de l’action de ce personnage. Le monde sera méconnaissable, les adversaires vont se côtoyer harmonieusement et la connaissance du Seigneur remplira le pays. Tout porte à croire qu’Isaïe proclamait ces paroles en pensant au prince héritier sur qui il faisait reposer son espérance. Celui-ci ne sera cependant pas à la hauteur de ces attentes. La tradition juive réorientera les paroles du prophète pour les tourner vers l’avenir : Dieu enverra son messie pour rétablir toute chose. Dans la foi chrétienne, nous y reconnaissons le visage du Christ.

Persévérer, garder courage

     La deuxième lecture (Romains 15, 4-9) nous plonge aussi dans le contexte de l’attente propre au temps de l’Avent. Paul insiste sur la persévérance : ne pas perdre courage malgré les difficultés du présent qui peuvent engendrer de la détresse. Il rappelle un fondement solide sur lequel ses destinataires peuvent s’appuyer : l’Écriture. Il y voit une source d’espérance qui peut éclairer même les jours les plus sombres. Les propos de Paul apportent un complément intéressant par rapport à la lecture évangélique. Dans le récit de Luc, en effet, la scène se déroule dans la région du Jourdain et concerne la population de la Judée. Paul élargit l’horizon et proclame que le salut n’est pas destiné qu’au seul peuple juif. La grâce de Dieu s’est étendue au-delà, jusque sur les nations païennes. Dans une même perspective, on pourrait dire que l’espérance qui caractérise le temps de l’Avent ne concerne pas que l’Église mais le monde entier.

 

Jean Grou, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2381. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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