Mourir …
le point final ou un passage ?
La résurrection des morts : Luc 20, 27-38
Autres lectures : 2 Maccabées 7, 1-2.9-14; Psaume 16(17); 2 Timothée 2,16 - 3,5
C’est à l’une des questions les plus cruciales auxquelles nous sommes confrontées que l’évangile de ce 32e dimanche de l’année C nous renvoie : Est-ce que tout se termine pour nous avec l’instant de notre mort ou y a-t-il un au-delà de la mort, un au-delà du tombeau ? C’est l’évangéliste Luc en Lc 20, 27-38, qui amène la réflexion sur ce terrain avec ce texte d’une 4e dispute de Jésus, cette fois avec des Sadducéens. Notons que c’est la seule fois, dans son évangile que Luc mettra en scène ces opposants-là.
La résurrection des morts
Mais, qui sont-ils, ces Sadducéens ? Un parti à l’intérieur du Judaïsme où se retrouvent surtout des riches familles sacerdotales, des gens conservateurs, ne reconnaissant d’autorité, dans la Bible, qu’aux 5 premiers livres, c’est-à-dire au Pentateuque. Or, si on veut trouver, dans la Bible, une affirmation très claire de la résurrection individuelle, il faut attendre le Second livre des Maccabées (2 M 7) et le livre du prophète Daniel (Dn 12). Or ces écrits datent de moins de 200 ans avant Jésus Christ.
En 2 M 7, dont une partie nous sera donnée en 1ère lecture, on a le récit du martyre de sept frères et de leur mère, mis à mort, de façon cruelle, pour avoir refusé de manger de la viande de porc. La mort de chacun donne lieu à une confession de foi de sa part. Le second dira : Scélérat que tu es, tu nous exclus de cette vie présente, mais le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle, nous qui mourons pour ses lois. (7, 9) Le troisième dira : C’est du ciel que je tiens ces membres, mais à cause de ses lois, je les méprise, et c’est de lui que j’espère les recouvrer de nouveau. (7, 11) Le quatrième dira : Mieux vaut mourir de la main des hommes en tenant de Dieu l’espoir d’être ressuscité par lui, car pour toi, il n’y aura pas de résurrection à la vie. La mère dira : Je ne sais comment vous avez apparu dans mes entrailles; ce n’est pas moi qui vous ai gratifiés de l’esprit et de la vie… Aussi bien le Créateur du monde… vous rendra-t-il, dans sa miséricorde et l’esprit et la vie… (7, 22s). Très émouvant aussi, le plaidoyer de la mère au plus jeune des 7 frères. Il se termine ainsi : Ne crains pas ce bourreau, mais, te montrant digne de tes frères, accepte la mort afin que je te retrouve avec eux au temps de la miséricorde. (7, 29). La Bible donne enfin la parole au plus jeune qui termine son discours en proclamant : Quant à nos frères, après avoir supporté une douleur passagère, ils boivent à la vie qui ne tarit pas, en vertu de l’alliance de Dieu. (7, 36)
Évoquant le temps de la fin, le prophète Daniel annonce : Un grand nombre de ceux qui dorment au pays de la poussière s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l’opprobre, pour l’horreur éternelle. Les doctes resplendiront comme la splendeur du firmament, et ceux qui ont enseigné la justice à un grand nombre, comme les étoiles, pour toute l’éternité.
Mais revenons à nos Sadducéens qui désirent prendre Jésus au piège à l’aide d’une histoire invraisemblable qui, selon eux, devrait illustrer leur conviction qu’il n’y a pas de résurrection des morts. Ils supposent le cas où une femme perd son mari alors qu’elle n’a pas eu de fils de lui. Selon une loi, dite loi du lévirat, qui, notons-le, n’était déjà plus en vigueur au temps de Jésus, le « levir », c’est-à-dire le beau-frère, doit épouser cette femme pour que le nom du défunt ne soit pas effacé d’Israël (Dt 25, 5-10) : « Le premier fils est imputé au défunt et reçoit sa part d’héritage ». (BJ note à Dt 25, 5). L’histoire des opposants de Jésus parle d’une femme qui aurait successivement épousé sept frères, tous morts sans laisser d’enfants. Ils posent donc cette question à Jésus : À la résurrection, de qui cette femme sera-t-elle l’épouse puisque les sept l’ont eue pour femme ?
La réponse de Jésus se fait en deux phases : 1) dans un premier temps, Jésus exprime comment il voit le monde de la résurrection; 2) puis, dans un second temps, Jésus se place sur le terrain des Sadducéens puisqu’ils ont fait référence à la loi de Moïse avec cette prescription du lévirat et qu’ils reconnaissent le livre de l’Exode.
Le monde de la Résurrection (vv. 34-36)
Le monde de la résurrection, dit Jésus, ne doit pas être identifié à la condition terrestre de la vie humaine. En d’autres mots, il refuse une conception matérialiste du monde à venir et le fait à l’aide d’images : dans le monde de la résurrection, il n’y a pas de mort et, par conséquent, pas de procréation pour remplacer les personnes qui meurent, pour assurer la survie de l’espèce. Jésus compare cet état de ressuscité à celui des anges. Il parle de « fils de Dieu ». N’oublions pas qu’il se trouvait des Pharisiens qui pensaient que l’humanité ressuscitée disposerait d’une fécondité exceptionnelle. Dans son commentaire de l’évangile de Luc, Hugues Cousin cite Rabban Gamaliel qui affirmait autour de l’an 90 : « Viendra un temps où la femme enfantera une fois par jour » et il donnait pour preuve le fait que les poules pondent quotidiennement. 1 Un autre rabbi ira même jusqu’à estimer, vers 150, que chaque israélite aura autant de fils qu’il y eut d’Israélites à sortir d’Égypte lors de l’Exode, soit 600 000… Et Cousin, de commenter : « la résurrection est conçue comme une réanimation du corps auquel sont prêtées une fécondité merveilleuse et une reprise des activités terrestres. » 2 Dans la société qui est la nôtre, on n’a certainement pas ces images du monde de la résurrection mais, que ce soit pour les rejeter ou pour les accepter, est-ce que celles qui nous nourrissent s’inspirent davantage d’une vision matérialiste ou d’une vision inspirée de la mort-résurrection de Jésus ?
La résurrection des morts dans l’Exode ? (vv. 37s)
Les Sadducéens reconnaissent l’autorité de Moïse et du livre de l’Exode. Jésus leur dit en quelque sorte : si vous êtes vraiment attentifs à l’enseignement de Moïse dans un livre aussi fondamental pour votre foi que l’Exode, vous aurez la suprise de découvrir que la foi en la résurrection des morts y est exprimée indirectement. En effet, à la fin de l’épisode du Buisson ardent (Ex 3) se trouve cette émouvante proclamation par Dieu : C’est moi le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. (Ex 3,6a). Pensez-vous vraiment que Dieu se présenterait comme Dieu des morts ? S’il se nomme Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, c’est donc que ces Pères qui sont passés par la mort, sont maintenant vivants, ressuscités. Cet approfondissement de la scène du Buisson ardent où peut se déceler quelque chose du message de la Résurrection, ne pourrait-elle pas être pour nous un stimulant à scruter sans cesse le livre de la Parole ? Et je ne voudrais pas clore ma réflexion sur ce texte de Luc sans rappeler la toute dernière phrase, une phrase que Mc 12, 27 et Mt 22, 33 dans les textes parallèles n’ont pas retenue : Tous vivent pour lui.
La seconde lecture (2 Thess 2, 16 - 3, 5)
En vue du monde de la résurrection dont nous parlent les 1ère et 3e lectures, ne faut-il pas nous laisser réconforter par ce Dieu qui nous aime et nourrit en nous la joyeuse espérance ? Et ne faut-il pas prier pour que la parole du Seigneur poursuive sa course ?
Paul croit en la fidélité de Dieu et, à cause du Seigneur, il met sa confiance dans les croyants. Il prie pour que Dieu nous conduise à l’amour et à la persévérance dans l’attente du Christ : tout en lui évoque l’homme de la résurrection.
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1 Talmud, Shabbat 30b.
2 Hugues Cousin, L'Évangile de Luc, Centurion-Novalis (Commentaires)1993, pp. 270s.
Source: Le Feuillet biblique, no 2377. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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