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31e dimanche ordinaire C - 3 novembre 2013

 

Dieu, ce maître qui aime la vie!

 

Conversion de Zachée : Luc 19, 1-10
Autres lectures : Sagesse 11, 23 - 12, 2; Psaume 144(145); 2 Timothée 1, 11 - 2,2

 

L’Année de la foi : dernier mois, dernier droit!

Nous aimons rester dans notre zone de confort. Nous trouvons charmant l’évangile qui raconte la rencontre de Zachée avec Jésus. Cet épisode tellement connu peut éclipser les autres bribes de la Parole de Dieu offertes par le Lectionnaire.

     Ce serait dommage de se limiter à explorer le seul évangile. En effet, le Lectionnaire de ce dimanche accole à l’évangile deux autres lectures bibliques. Elles permettent d’apprécier dans toute son ampleur la largeur de vue de Jésus à l’égard de Zachée. Une fois n’est pas coutume : nous allons donner priorité à l’étude des deux premières lectures.

     Les première et deuxième lectures apportent à l’évangile un enracinement dans des convictions fortes au sujet de Dieu et de la finalité des temps (l’eschatologie). La première lecture fournit les bases de la générosité de Jésus. Tirée du Livre de la Sagesse (11, 23 – 12, 2), la lecture présente un « discours sur Dieu » très élaboré.  Ces propos théologiques explicitent le rationnel de base qui circulait au temps de Jésus. La deuxième lecture (2 Th 1, 11 – 2, 2) situe les propos et les gestes de Jésus dans le cadre eschatologique tel que décrit et critiqué par saint Paul. Par « cadre eschatologique », nous entendons les convictions des premières générations chrétiennes quant à la qualité nouvelle des temps inaugurés en Jésus.

     Dans ce double contexte, les gestes et les dires de Jésus en faveur de Zachée offrent des applications transposables dans notre vie de croyants et de croyantes. Notre quotidien est ancré dans la foi en Dieu et dans l’espérance des temps nouveaux où il nous a introduits par Jésus. Il ne suffit pas aujourd’hui de parler d’ouverture, d’accueil et d’espérance. Il faut relier ces attitudes inclusives de Jésus à leurs fondements. Ils expliquent sa capacité d’inclure dans le peuple de Dieu un riche qui s’en était exclu en accaparant des ressources collectives. 

     Voilà un menu digne de l’Année de la foi. Nous entrons d’ailleurs dans son dernier mois. Le contenu biblique de ce dimanche jette un pont entre les convictions de foi rafraîchies ces derniers mois et nos possibles actions comme croyants dans les années qui viennent. Reprenant le souhait de Paul, nous espérons que Dieu « rende active » notre foi. Qu’il nous inspire d’imiter la largeur de vue de Jésus, lorsqu’il honore la confiance remarquable de Zachée. Zachée laisse de côté les certitudes et les avantages de son statut professionnel pour réintégrer le peuple soutenu et glorifié par Dieu. Un choix si drastique doit s’appuyer sur des convictions profondes pour s’avérer plausible et viable. Place à Dieu, place à Jésus! Nos retours et nos élans d’accueil doivent s’appuyer sur eux pour s’amorcer et durer.

Première lecture : Sagesse 11, 23 – 12, 2

     « Dieu, ce Maître qui aime la vie! »  Le titre de notre dimanche est calqué sur Sagesse 11, 26. Ce titre évoque autant la tolérance et l’accueil de Jésus envers Zachée que le message positif de la première lecture. Dieu n’est pas un chef qui s’activerait pour accaparer l’espace et les ressources à son profit. Dieu favorise le développement de la vie. Il y a là une bonne, une très bonne nouvelle! Et cette bonne nouvelle est proclamée dans le Premier Testament. D’où l’intérêt que nous devrions porter en ce jour pour le réconfortant extrait du livre de la Sagesse. Ce livre du Premier Testament nous est peu familier. Le Lectionnaire du dimanche y fait appel seulement huit fois en trois ans.  Cette retenue est étonnante, car le livre de la Sagesse offre un très riche « discours sur Dieu ». Son abondante réflexion théologique, élaborée quelques décennies avant la venue de Jésus, met la table pour l’Évangile.

     Et cet « évangile du Premier Testament » est une bonne nouvelle d’inclusion. Ce qui importe pour Dieu, ce qui lui tient à cœur, bien plus que la punition, c’est la conversion : Tu fermes les yeux sur leurs péchés, pour qu’ils se convertissent (11, 23). Ainsi, loin de se draper dans la revendication ou la vengeance, Dieu prend des mesures pour rendre possible le retour de celui qui s’est éloigné : Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis, tu leur rappelles en quoi ils pèchent, pour qu’ils se détournent du mal, et qu’ils puissent croire en toi, Seigneur (12, 2). Dieu n’est pas intoxiqué par la fureur meurtrière du puissant qui veut à tout prix défendre son statut. Dieu est passionné par le pardon et par la reconstruction des vies qui s’imprègnent de foi : Mais tu épargnes tous les êtres, parce qu’ils sont à toi, Maître qui aimes la vie, toi dont le souffle impérissable anime tous les êtres (11, 26 – 12, 1).

     La première lecture affirme que toute existence a un lien de solidarité vitale avec Dieu : … comment aurait-il subsisté, si tu ne l’avais pas voulu ? Comment aurait-il conservé l’existence, si tu ne l’y avais pas appelé? (11, 25) Les visées de Dieu ont une portée globale et totale : Tu as pitié de tous les hommes, parce que tu peux tout. Tu aimes en effet tout ce qui existe, tu n’as de répulsion envers aucune de tes œuvres, car tu n’aurais pas créé un être en ayant de la haine contre lui. (11, 23-24)

Deuxième lecture : 2 Thessaloniciens 1, 11 – 2, 2 

     La deuxième lecture renforce notre attention à la primauté de l’action de Dieu. Ce que nous faisons de bien et de grand est un écho de la foi que nous lui vouons : … par sa puissance, qu’il vous donne d’accomplir tout le bien que vous désirez, et qu’il rende active votre foi.  Ainsi notre Seigneur Jésus aura sa gloire en vous, et vous en lui… (1, 11 b – 12a).

     Peu importent les circonstances, peu importent les rumeurs de fin des temps : nous maintenons dans la foi notre âme égale, nous tenons bon dans les œuvres de réconciliation et d’inclusion.  Toute révélation, parole ou lettre prétendant que le jour du Seigneur est là ne doit jamais prendre le pas sur la sérénité active des croyants (2, 2).  De toute façon, ce serait l’annonce d’un événement positif : « La venue de notre Seigneur Jésus Christ et de notre rassemblement auprès de lui ». La consigne de l’évangile qui vise à inclure les enfants d’Abraham s’en trouverait confirmée et renforcée.

Évangile : Luc 19, 1-10

     Jésus met en œuvre les attitudes de Dieu décrites dans la première lecture. Concrètement, le regard divin posé sur Zachée lui ouvre une réintégration impossible à imaginer pour le commun des badauds. En effet, ils ont toutes les raisons de tourner le dos à ce pauvre Zachée. Celui-ci s’est mis en retrait du peuple de Dieu en tirant profit de son travail au service des occupants romains. À un point tel que, malgré son rôle économique de premier plan, ses congénères le relèguent dans la honte de devoir grimper aux branches d’un arbre pour voir passer Jésus. On lui bloque sans remords le passage vers la place d’honneur qui aurait dû lui revenir lors de l’attroupement pour le passage de Jésus dans leur bourgade.

     Les paroles de Jésus font advenir sur-le-champ les splendeurs des temps derniers. L’insistance sur l’aujourd’hui du salut (versets 5 et 9) établit un lien temporel clair avec l’atmosphère d’espérance de la deuxième lecture. La rencontre avec Jésus, dans l’ici et le maintenant, a une portée décisive. Rien de plus, rien de mieux ne peut s’ajouter à la transformation totale que sa rencontre provoque si on y est réceptif. Le peuple d’Abraham rencontre «le Maître qui aime la vie» puisque … le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu (19, 10).

     L’ampleur économique de la réaction positive de Zachée nous sidère et nous mystifie. Il s’agit en fait d’une plaisante allusion à un épisode crucial de la vie du grand roi David. Lorsqu’il entendit la parabole de reproche du prophète Nathan après sa débauche avec la femme de son général, le roi David avait justement proposé de réparer au quadruple le tort causé (2 Samuel 12, 6). Les bonnes intentions de Zachée démontrent sans l’ombre d’un doute que Jésus vient stabiliser la solidarité de la famille de Dieu. La dispersion des enfants d’Abraham, ce sera bientôt chose du passé.

 

Alain Faucher, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2376. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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