L'urgence de la conversion... la patience de Dieu !
La conversion est urgente : Luc 13, 1-9
Autres lectures : Exode 3, 1-8.10.13-15; Psaume 102(103); 1 Corinthiens 10, 1-6.10-12
Avec le troisième dimanche de Carême, j’ai souvent l’impression que nous entrons de plain-pied dans la thématique du Carême. Quelle que soit l’année liturgique, le premier dimanche de Carême, nous lisons un récit des tentations de Jésus au désert après son baptême. Immanquablement, chaque année, le deuxième dimanche nous fait gravir la montagne avec Pierre, Jacques et Jean pour contempler Jésus transfiguré. Mais au troisième dimanche, chaque année reprend sa couleur propre.
Pourquoi eux et pas d’autres ?
Or, voici qu’en cette année liturgique C, nous avons droit à une surprise. En relisant l’évangile de ce dimanche, j’ai l’impression de me retrouver devant la une d’un journal populaire du temps de Jésus. On nous parle de l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer pendant qu’ils offraient un sacrifice. (Lc 13,1) Le pire est que Jésus en rajoute : Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé ! (13,4a)
La question que Jésus pose à propos des victimes de la chute de la tour de Siloé vient nous faire comprendre davantage pourquoi ces deux faits divers font partie de la Bonne Nouvelle de ce dimanche : Pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? (13,4b) Selon l’opinion populaire qui prévalait au temps de Jésus, ceux qui meurent ainsi de façon violente sont de plus grands pécheurs, sont plus coupables que les autres qui, eux, ne sont pas morts ainsi. Dit autrement, les malheurs qui affligent ceux qui souffrent et qui meurent sont vus comme des châtiments de Dieu. En réagissant à la triste nouvelle des Galiléens assassinés par Pilate et à la mort accidentelle de dix-huit personnes causée par la chute d’une tour, Jésus ne veut pas donner dans le commérage. Il en profite pour s’inscrire en faux contre ceux qui croient que Dieu punit les pécheurs.
Chacun responsable de ses actes
On croirait se retrouver devant la parole de Dieu dite par le prophète Ézéchiel. Est-ce donc la mort du méchant que je désire, déclare le Seigneur, n’est-ce pas plutôt qu’il se détourne de sa conduite et qu’il vive ? […] Et pourtant vous dites : “La conduite du Seigneur est étrange.” Écoutez donc, fils d’Israël : est-ce ma conduite qui est étrange ? N’est-ce pas plutôt la vôtre ? […] C’est pourquoi – déclare le Seigneur – je vous jugerai chacun selon votre conduite, maison d’Israël. Revenez à moi, détournez-vous de vos péchés, et vous ne risquerez plus de tomber dans le mal. Rejetez tous vos péchés, faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau. Pourquoi vouloir mourir, maison d’Israël ? Je ne prends plaisir à la mort de personne, déclare le Seigneur : Convertissez-vous et vivez (Ez 18,23.25.30-32).
Jésus connaît bien son Père et notre Père. D’où sa question devant les faits qui lui sont rapportés : Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ? Eh bien non, je vous le dis ; et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous comme eux. (Lc 13,2-3) Les Galiléens tués par Pilate n’ont donc pas été punis par Dieu. Ils n’étaient pas davantage pécheurs que ceux qui n’ont pas été tués. Mais Jésus en profite pour signaler l’urgence de la conversion. De même, en face de ces judéens tués par la chute de la tour de Siloé, il avertit : Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même manière.
Un appel urgent à la conversion
Ce double appel à la conversion de la part de Jésus explique bien pourquoi nous lisons ce texte en ce troisième dimanche de carême. Les quarante jours qui nous préparent à célébrer la grande fête de Pâques ne sont-ils pas des jours de conversion par excellence ? En jeûnant, en priant et en faisant l’aumône, nous prenons conscience de notre fragilité et de notre faiblesse. Nous choisissons de nous tourner vers Dieu le Père pour mettre en lui toute notre confiance. En un mot, nous empruntons un chemin de conversion. Mais il serait dommage d’entendre dans les paroles de Jésus une menace que Dieu se plairait à faire planer sur nos têtes. Ce serait oublier la parole du prophète Ezéchiel : Par ma vie, oracle du Seigneur Dieu, est-ce que je prends plaisir à la mort du méchant ? Bien plutôt à ce que le méchant change de conduite et qu’il vive ! (Ez 33,11 TOB) C’est précisément à celle-ci que Jésus fait écho en complétant son double appel à la conversion par une parabole.
Patience divine et productivité humaine
Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n’en trouva pas. Il dit alors à son vigneron : “Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ?” (Lc 13,6-7) On croirait entendre la prédication de Jean Baptiste : Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez donc des fruits qui expriment votre conversion, et ne vous mettez pas à dire en vous-mêmes : “Nous avons Abraham pour père”. Car je vous le dis : avec les pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham. Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. (Lc 3,7-9)
Mais voici que le vigneron invite son maître à la patience et à la miséricorde : Seigneur, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas. (13, 8-9) Comme nous l’avons chanté en priant le psaume : Le Seigneur fait œuvre de justice, il défend le droit des opprimés. […] Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour. (Ps 102 (103), 6.8)
Pour le lecteur attentif de l’évangile de Luc, il n’y a pas à s’y tromper. Cette patience et cette miséricorde ne sont pas synonymes de laisser-aller ou d’indifférence. Produire du fruit : voilà ce que Jésus attend de ceux qui le suivent et l’invoquent comme Seigneur. Rappelons-nous ses paroles à propos du vrai disciple. Jamais un bon arbre ne donne de mauvais fruits ; jamais non plus un arbre mauvais ne donne de bons fruits. Chaque arbre se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raisin sur des ronces. L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur. Et pourquoi m’appelez-vous en disant : ‘Seigneur ! Seigneur !’ et ne faites-vous pas ce que je dis ? (6,43-46)
En racontant la parabole du figuier stérile, Jésus se montre donc clément envers qui n’a pas encore produit de fruit. Mais il souligne encore l’urgence qu’il y a à en produire. L’avenir est tout proche où l’arbre trouvé sans fruit sera coupé. Nous pourrions appliquer à cette parabole ce que dit saint Paul à propos des événements de l’Exode : Leur histoire devait servir d’exemple, et l’Écriture l’a racontée pour nous avertir, nous qui voyons arriver la fin des temps. Ainsi donc, celui qui se croit solide, qu’il fasse attention à ne pas tomber. (1 Co 10,11-12)
Au matin de Pâques, Jésus ressuscité s’est présenté à Marie Madeleine sous les traits d’un jardinier (Jn 20,15). Puisse-t-il prononcer le mot qui nous retournera définitivement vers lui. Ainsi nous porterons un fruit de conversion.
Source: Le Feuillet biblique, no 2349. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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