Ils virent la gloire de Jésus
La Transfiguration de Jésus : Luc 9, 28b-36
Autres lectures : Genèse 15, 5-12.17-18; Psaume 26(27); Philippiens 3, 17 - 4, 1
Jésus vient d’annoncer sa Passion prochaine et sa Résurrection (Lc 9,22). Il a énoncé les conditions nécessaires pour le suivre (Lc 9, 23-26) et déclaré que certaines des personnes présentes verraient de leur vivant le Royaume de Dieu (Lc 9, 27). Une telle annonce devait déclencher chez les témoins l’attente du triomphe final de Dieu sur toutes les forces du mal, le jugement des impies et l’établissement définitif des justes dans la gloire. La révélation du Royaume va se manifester autrement, d’une manière tout à fait inattendue, environ huit jours plus tard (Lc 9, 28a).
Il alla sur la montagne pour prier (v. 28)
Luc est le seul évangéliste à noter que Jésus va prier sur la montagne. On connait l’importance de la prière dans le troisième évangile. Luc montre Jésus en prière à chaque moment décisif de sa vie : après son baptême (3, 21), au début de son ministère public (5, 16), avant le choix des apôtres (6, 12), lors de son agonie (22, 40). La prière faisait partie de sa vie quotidienne et sa manière de prier avait quelque chose de différent de ce à quoi les apôtres étaient habitués, c’est pourquoi ils lui demandent de leur apprendre à prier (11, 1-2). Il n’est donc pas surprenant que la Transfiguration se déroule dans un contexte de prière, alors que Jésus expérimente un moment de rencontre particulièrement intense avec son Père.
Luc présente ce qui arrive à Jésus comme une expérience intérieure si profonde qu’elle modifie même son aspect extérieur : Son visage apparut tout autre et ses vêtements devinrent d’une blancheur éclatante (v. 29). On peut faire un rapprochement avec un autre moment particulièrement intense, l’agonie, alors que sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient par terre (Lc 22, 44). Dans l’un et l’autre cas l’intensité de la prière se manifeste par une transformation physique révélant que toute la personne de Jésus est prise dans sa relation au Père.
Ils parlaient de son départ (v. 31)
Le mot grec qui se cache sous départ est exodos, le nom du deuxième livre du Pentateuque, celui qui raconte la sortie d’Égypte et l’Alliance. Le choix de ce terme rare (seulement deux autres emplois dans le Nouveau Testament) n’est certainement pas anodin. Quelques versets plus loin Luc va écrire : Or il advint, comme s’accomplissait le temps où il devait être enlevé, qu’il prit résolument la route de Jérusalem (Lc 9, 51). La mission de Jésus doit s’accomplir dans son exode c’est-à-dire dans un passage, une nouvelle Pâque qui inaugure une nouvelle Alliance. La Transfiguration (même si Luc n’emploie jamais ce mot) anticipe ce qui va se réaliser pleinement dans la mort et la résurrection de Jésus.
On a beaucoup commenté la présence de Moïse et d’Élie auprès de Jésus; pourquoi eux et pas d’autres grandes figures de l’Ancien Testament, Abraham, David ou d’autres ? Moïse est le libérateur, le législateur et le médiateur de la première Alliance; il représente le côté institutionnel de la foi juive dans ce qu’elle a de meilleur (cf. Ml 3, 22). Élie est le prophète charismatique aux interventions inattendues (cf. 1 R 18,12; 2 R 1, 3-4). Sa disparition mystérieuse (2 R 2, 7-13) avait suscité l’attente de son retour lors des temps messianiques (cf. Ml 3, 23-24). Leur présence dans le récit de la Transfiguration a motivé le choix de ce passage d’évangile pour le 2ième dimanche du Carême. En effet, l’un et l’autre ont vécu un jeûne de quarante jours (pour Moïse : Ex 24, 18; Dt 9, 9.18.25; pour Élie : 1 R 19, 8). Ce souvenir, lié à celui du jeûne de Jésus après son baptême, rappelé lors du 1er dimanche (Lc 4, 2) a été mis en lien par la tradition avec la pratique du jeûne du Carême.
Celui-ci est mon Fils (v. 35)
Toute la scène prépare la déclaration de la voix venue du ciel : Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi; écoutez-le (v. 35). On y reconnait une référence d’abord à Is 42, 1, le début du premier chant du Serviteur, où Dieu présente son élu, en qui (son) âme se complaît et qui est rempli de l’Esprit de Dieu (cf. Lc 4, 18). Écoutez-le renvoie à Dt 18,15 qui annonce la venue d’un nouveau Moïse que le peuple devra écouter. L’ensemble du discours divin accrédite Jésus comme Fils, comme élu de Dieu et comme messager définitif de la volonté divine. Cette révélation accomplit la promesse de Jésus à l’effet que certains de ses disciples verraient bientôt le Royaume de Dieu. Voir Jésus dans sa gloire (v. 32) c’est déjà voir le Royaume tel qu’il sera pleinement manifesté à la fin de l’histoire mais qui est déjà mystérieusement présent dans le monde actuel (cf. Lc 11, 20; 17, 21). La Transfiguration anticipe la Résurrection qui est la première étape des temps nouveaux, l’entrée dans la vie éternelle du premier-né d’entre les morts (cf. Col 1, 18; Ap 1, 5).
Lui qui transformera nos pauvres corps (Philippiens 3, 17 – 4, 1)
Paul ne souffrait certainement pas d’un complexe d’infériorité, lui qui écrit : prenez-moi pour modèle (3, 17). Il est sûr de son droit et se propose en exemple, ayant renoncé à tous les avantages qu’il avait dans le judaïsme pour suivre le Christ (cf. Phil 3, 4-16). Les judaïsants, qui voudraient imposer aux nouveaux chrétiens les pratiques héritées de l’Ancienne Alliance, sont qualifiés d’ennemis de la croix du Christ (3, 18) qui ne tendent que vers les choses de la terre (3, 19).
Par contraste, Paul et ceux qui le suivent vivent en citoyens des cieux (3, 20), mettant dans le Christ toute leur confiance, indépendamment des œuvres prescrites par la Loi de Moïse.
Le Christ ressuscité transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux (3, 21). Les chrétiens seront transfigurés à leur tour, pas seulement pour un bref instant comme lors de la Transfiguration, mais d’une manière définitive puisque la résurrection a donné à Jésus la puissance qui le rend capable … de tout dominer (3, 21). Telle est l’espérance qui soutient les chrétiens en marche vers Pâques et surtout vers la Pâque éternelle dans le Royaume.
Abraham eut foi dans le Seigneur (Gn 15,5-12.17-18)
Ce récit est le plus mystérieux du cycle d’Abraham. Il baigne dans une atmosphère étrange, même quelque peu inquiétante, avec les animaux coupés en deux (v. 10), les rapaces (v. 11), les deux couchers de soleil successifs (vv. 12. 17) la traduction a fait disparaître la bizarrerie du phénomène), le sommeil mystérieux et l’effroi qui s’emparent d’Abraham (v. 12), le feu passant entre les morceaux d’animaux (v. 17). Ces détails n’ont pas pour but de faire peur au lecteur mais de lui faire prendre conscience de la présence de Dieu qui bouleverse les règles habituelles de la nature.
Abraham l’exilé est préoccupé par deux questions fondamentales : une descendance (v. 5); (voir aussi vv. 2-4 avant le début de la lecture liturgique) et un lieu pour y habiter (vv. 7-8.18). Dieu répond favorablement aux attentes d’Abraham tout en lui demandant sa confiance totale. La seule garantie que le patriarche peut obtenir est la promesse de Dieu (vv. 5.18). Dieu s’engage unilatéralement et sans contrepartie dans une Alliance dont la pleine réalisation n’interviendra que beaucoup plus tard : À ta descendance je donne le pays que voici (v. 18).
Abraham eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu’il était juste (v. 6). La foi d’Abraham fait de lui le père de tous les croyants (cf. Rm 4, 1-25; Ga 3, 6-14; He 11, 8-19). La justice dont il s’agit consiste dans la parfaite concordance avec la volonté de Dieu, elle se manifeste par son obéissance malgré le mystère dont s’enveloppe le projet divin. Abraham partit sans savoir où il allait (He 11, 8); son cheminement est devenu exemplaire de toute démarche de foi.
Source: Le Feuillet biblique, no 2348. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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