La famille en voyage
La fuite en Égypte : Matthieu 2, 13-15.19-23
Autres lectures : Siracide 3, 2-6.12-14; Psaume 127(128); Colossiens 3, 12-21
Des familles, il y en a de toutes les sortes, de culture en culture, d’un contexte historique à l’autre, depuis que le monde est monde. Il y a les tribus qui élèvent les enfants, les matriarcats, les patriarcats, les familles d’origine, les familles monoparentales et les familles recomposées, avec ou sans progéniture, les familles d’accueil et les familles d’adoption. Tous les cas de figure expriment à leur façon le projet de Dieu qui traverse le temps et nous mène là où nous n’avions pas prévu poser le pied. La famille est en voyage; elle cherche le lieu de sa demeure. Dans le secret des cœurs, elle s’avance vers la maison de Dieu.
Une famille immigrante
Dans le récit de Matthieu, la Sainte Famille demeure à Bethléem, dans une maison qui est la leur, visitée par des Mages venus d’Orient (Matthieu 2,11). Mais voici que l’Ange du Seigneur parle en songe à Joseph et le somme de se lever, de prendre l’enfant et sa mère et de déménager en pays étranger, loin de leurs racines, en Égypte. Joseph n’attend pas au lendemain : en pleine nuit, il se lève, prend l’enfant et sa mère, puis la Famille part en voyage jusqu’à nouvel ordre.
Le récit de Matthieu ne le spécifie pas, mais la Sainte Famille doit être restée en Égypte un certain temps, jusqu’à la mort d’Hérode (Matthieu 2,15), qui menaçait la vie de l’enfant. Cela implique qu’ils ont pris racine en terre étrangère, créé des liens, fait des amis, construit un foyer et fait leur vie là-bas, loin de leurs proches. Une nouvelle vie se dessinait pour eux en Égypte, loin des tracas politiques du royaume d’Israël et de la succession au trône de David.
Or, voici qu’à la mort d’Hérode, l’Ange du Seigneur parle à nouveau en songe à Joseph et lui ordonne de rentrer en Israël. Et Joseph de se lever à nouveau, de prendre l’enfant et sa mère et de faire le voyage de retour, sans trop savoir ce qui les attendait. Nouveau déracinement, nouvelle vie en perspective, jusqu’à nouvel ordre…
En chemin vers la Judée, Joseph apprend que le fils d’Hérode, Arkélaüs, est monté sur le trône de David. Serait-il une menace pour l’enfant, comme son père l’était avant lui? Joseph veut bien obéir à l’Ange du Seigneur, mais il est assailli par la peur. Ces voyages, cet exil, auraient-ils été vécus en vain? Tout allait-il finir comme cela avait commencé, dans le sang des victimes innocentes que sont toujours les enfants? À quoi bon ces efforts, ces déracinements et ces traversées?
Une fois de plus, Joseph est averti en songe du chemin à prendre. Alors qu’il pensait enfin rentrer à la maison, voici qu’il doit traverser le pays jusqu’au nord. Ce qui devait être un retour chez-soi devient un nouveau déménagement. La Sainte Famille ira s’établir dans le village galiléen de Nazareth, en territoire juif, mais à l’écart des dangers de la cour de Jérusalem. L’enfant sera sauf et les prophéties du Seigneur pourront s’accomplir au temps voulu.
Joseph, le père courageux et fidèle
De toute évidence, le récit de Matthieu est rédigé du point de vue de Joseph et met en valeur son indéfectible fidélité, envers Dieu certes, mais aussi envers sa famille, soit « l’enfant et sa mère ». Extraordinaire périple que celui de Joseph : de Bethléem en Égypte, puis d’Égypte à Nazareth en Galilée. Quel courage, quelle audace et quelle confiance! Joseph prend chez-lui la femme qui porte un enfant qui ne vient pas de lui. Il accepte de protéger la femme qu’on aurait pu lapider et l’enfant que les soldats du roi cherchaient à faire périr. Il est prêt à quitter travail, maison, parenté et pays pour la femme et l’enfant qui sont devenus sa famille. Il consent à vivre en pays étranger le temps qu’il faudra. Il renonce à rentrer chez-lui et choisit de s’établir là où la mère et l’enfant ne courront plus de risque. Joseph sait écouter l’avis du Seigneur et il obéit sur-le-champ. Mais surtout, Joseph sait exactement ce qu’est une famille. Et il a sanctifié la sienne.
Quelle famille?
Selon le récit de Matthieu, Joseph n’avait aucun lien de sang ni avec la mère ni avec l’enfant. Il s’est levé néanmoins et il est devenu époux et père. L’enseignement que nous réserve ce beau passage des Saintes Écritures est extraordinaire. La véritable famille ne nous est pas donnée d’emblée : elle est constituée des liens que l’on crée et que l’on entretient avec amour, don de soi, persévérance, patience, courage, confiance et fidélité. Que nous ayons des liens de sang ou pas avec nos proches, ce qui constitue une famille, c’est l’Alliance que nous sommes appelés à établir et à honorer. Sanctifions nos familles en cultivant les liens sacrés qui nous unissent, quelle que soit la sorte de famille avec laquelle il nous est donné de voyager.
Les vertus familiales
Sirac 3, 2-6.12-14
Ta miséricorde envers ton père ne sera pas oubliée, et elle relèvera ta maison si elle est ruinée par le péché (Ben Sirac 3,14).
Le sage Ben Sirac multiplie les conseils au sujet des relations familiales. Honorer, glorifier, soutenir, réconforter ses parents, être indulgent envers eux, ne pas les mépriser et ne pas les chagriner sont autant de gestes qui répondent à l’appel de Dieu de prendre soin de ceux et celles qui nous ont élevés avec patience et avec amour. Selon la logique du monde, un enfant qui grandit et qui devient un adulte n’a plus besoin de ses parents; il pourrait être tenté de les abandonner à leur sort. Ben Sirac est persuadé, pour sa part, que le destin de chaque génération demeure intimement lié à celle qui précède. D’après le sage, les gestes de miséricorde posés envers nos aînés ont le mystérieux pouvoir de relever notre propre maison, notre propre projet familial, même si ce dernier s’écroulait par nos fautes et notre faiblesse humaine.
Comme une seule famille dans le Christ
Colossiens 3, 12-21
Qu’il y ait l’amour : c’est lui qui fait l’unité dans la perfection (Colossiens 3,14)
Aux chrétiens de la ville de Colosses, Paul ou son disciple écrivent de grandir dans l’unité, formant pour ainsi dire une seule famille, un seul corps. Afin d’y parvenir, il leur faut revêtir leur cœur de tendresse et de bonté, d’humilité, de douceur et de patience (Colossiens 3,12). Le pardon et le support doivent être mutuels. S’il faut s’instruire pour grandir, il leur est recommandé de se reprendre mutuellement avec une vraie sagesse. Chanter à Dieu sa reconnaissance est le meilleur moyen d’apprécier ce que nos yeux blasés ne voient plus de beau en l’autre. L’amour vécu et donné sur une base quotidienne renforce l’unité des familles et les conduit sur le chemin de la sanctification.
Source: Le Feuillet biblique, no 2253. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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