Dans le silence, Dieu dit son nom...
Joseph et la visite d'un ange : Matthieu 1,18-24
Autres lectures : Isaïe 7, 10-16; Psaume 23(24); Romains 1, 1-7
Le quatrième dimanche de l’Avent amorce le dernier droit avant Noël. La société étouffe la raison de la fête en concentrant tous ses efforts sur son rendement économique. La proclamation biblique de ce jour nous ramène à l’essentiel du message de la fête de Noël, toute proche. Ce message est double. Dieu se donne et se dit à nous dans un enfant. Cet enfant répète sans cesse le message par son surnom, car il s’appelle Emmanuel, Dieu-avec-nous. Ainsi, le quatrième dimanche de l’Avent lève le voile sur la beauté d’un titre essentiel de Jésus. Il nous convie au respect envers ce nom très honorable.
Nous mesurons alors l’absurdité d’une célébration de Noël dont on prétend évacuer toute trace de religion. Il nous faut choisir : adhérer à tout ce que le beau nom du Sauveur véhicule, ou nous contenter de participer à un vacarme sans lendemain. Fêter Noël sans Jésus Emmanuel revient à condamner Dieu à l’insignifiance. Mais le silence n’a jamais étouffé le projet de Dieu. Au cœur du vacarme commercial, Joseph, le silencieux Joseph, devient un modèle pour nous. La conversation de Dieu avec cet homme juste se déroule dans le silence d’un songe. Même si notre culture ne privilégie plus les songes comme mode de communication valide, l’expérience silencieuse de Joseph nous rejoint. Elle confirme qu’il est possible d’adhérer à la personne du Fils de Dieu à condition de percevoir sa valeur dans une contemplation modeste et sans tapage.
Comment se construit ce message encourageant? Nous explorons dans leur ordre d’apparition au Lectionnaire les textes bibliques de ce dernier grand rassemblement eucharistique avant la fête. Nous verrons ainsi se déployer devant nous la force de conviction d’un Enfant–Dieu qui s’offre en toute discrétion à notre adhésion.
Isaïe 7, 10-16
Le Seigneur lui-même vous donnera un signe… (Isaïe 7, 14)
En -734 ou -733, le roi Acaz de Juda est en position de faiblesse. Il est attaqué par le Royaume du Nord, Israël, et par la Syrie voisine. De plus, il a tué son propre fils. S’il perd la guerre, sa dynastie va s’éteindre. Pour éviter ce triste sort, le roi Acaz demande à un roi lointain, le roi d’Assyrie, de le délivrer du danger.
Pendant que la réponse se fait attendre, le messager de Dieu, Isaïe, arrive avec une promesse de Dieu applicable dans un très proche futur. Le roi aura un fils, et le nom de ce fils (Emmanuel, Dieu-avec-nous) sera un mémorial permanent de l’aide divine. Devant une telle annonce, on s’attendrait à une réaction enthousiaste du roi! Mais il n’en est rien. La promesse de Dieu vient écraser les plans diplomatiques compliqués du roi. L’intervention divine va droit au but avec, en prime, un rappel constant de la présence de l’allié par excellence qu’est Dieu.
Dans l’évangile proclamé aujourd’hui à l’approche de Noël, le nom de l’enfant annoncé par Isaïe est à nouveau évoqué. Contrairement au roi Acaz, Joseph se comporte comme un homme ouvert aux interventions parfois étonnantes du Dieu d’Israël… Joseph s’avère l’homme au cœur pur et au comportement sans tache évoqué dans le psaume. Une telle personne est digne de s’approcher du Dieu créateur.
Romains 1, 1-7
Pour que son nom soit honoré… (Romains 1, 5)
Depuis la cosmopolite Corinthe, en 57 ou 58, l’apôtre Paul s’adresse à des compatriotes de Judée installés à Rome. Il se situe par rapport à Jésus et à Dieu, puis il concentre ses propos sur le Fils de Dieu qu’il annonce.
Les versets 1 à 3 établissent les multiples statuts de Paul. Il se présente d’abord comme serviteur (littéralement : « esclave ») de Jésus-qui-a-reçu-l’onction. À cette époque, le concept de liberté individuelle n’avait pas cours. Tout le monde se définissait comme lié à quelqu’un («un patron») de qui venaient toutes les bonnes choses de la vie. Paul se présente donc comme une personne au service d’un extraordinaire « patron ». Dieu l’a donc appelé et chargé de mission : il a fait de Paul un apôtre. Nous sommes devenus insensibles à la force de ce titre. Nous pensons spontanément au contenu du message, alors que les contemporains de Paul y détectaient la noblesse d’un envoyé porteur d’une dignité comparable à celle de son envoyeur. Troisièmement, Paul est mis à part pour transmettre une très bonne nouvelle promise par Dieu dès l’époque du Premier Testament. Paul inscrit donc son message dans une continuité historique. Il n’invente rien. Il jette des ponts entre des attentes et leur réalisation.
Aux versets 3 à 5, Paul centre son discours sur la personne qu’il est chargé de présenter. Il présente Jésus selon deux axes. Selon la chair, Jésus incarne les antiques promesses consenties par Dieu au bénéfice de la descendance du grand roi David. Selon l’Esprit qui rend saint tout ce qu’il touche, Jésus est établi dans la puissance de Fils de Dieu par la résurrection d’entre les morts. Jésus n’a pas seulement reçu l’onction royale (faisant de lui, littéralement en grec, le « christ »). Il est celui qui exerce le pouvoir divin sur toute chose : il est Seigneur, porteur du titre de l’empereur romain.
Le but de la mission de Paul, c’est que le nom de Jésus soit honoré. Tout groupe qui consent à lui rendre ainsi honneur trouve accès à la qualité même de Dieu : ce groupe devient partie prenante du peuple saint (versets 6-7).
Comme Joseph, Paul a reçu des messages divins à l’occasion de situations hors du commun. Techniquement parlant, les savants diraient : « grâce à des états de conscience altérés ». Pour Paul, ce fut quelque part sur la route entre Jérusalem et Damas, lorsqu’une voix changea le cours de sa vie. Pour Joseph, la direction de sa vie changea du tout au tout… dans le silence d’un songe!
Matthieu 1, 18-24
…un fils, auquel on donnera le nom d’Emmanuel… (Matthieu 1, 23)
Dans un souci d’actualisation, on affirme parfois que Marie vit les contraintes des nombreuses familles monoparentales d’aujourd’hui. Quoique bien intentionnée, cette assimilation évacue le drame vécu par le couple. En effet, les fiançailles étaient la première étape irréversible du processus du mariage. Arrangé par les parents dans un but de promotion économique des familles élargies, le mariage exige le transfert public d’appartenance de la future épouse vers sa nouvelle famille. Dès lors, l’entente ne peut se dénouer que par le divorce. Une fiancée qui trahit ce lien est vouée à la dénonciation rituelle (Nombres 5, 11-31).
Joseph est conscient du marécage procédurier où il devrait s’engager. Il est victime de l’absence de communication entre les groupes masculin et féminin de sa grande famille. Au lieu de s’offusquer, Joseph choisit plutôt de délier secrètement Marie de l’engagement déjà célébré. Il préfère donner la chance au responsable présumé d’assumer dans l’honneur ses responsabilités. Joseph prend donc une décision en faveur de Marie et de l’enfant : il laisse leur avenir ouvert. Dans un contexte aussi délicat, cette stratégie est très respectueuse des personnes.
Mais Marie est enceinte par l’action d’un Esprit qui est saint. Il convient que Joseph voie ses plans scrutés à la lumière de la volonté divine. Cela se fait dans un songe. Dans notre culture, cette étape n’a aucune crédibilité. Dans la Bible, c’est un privilège réservé aux personnes de maturité certaine. Le récit d’un songe donne ainsi de l’information valable sur l’âge de Joseph et sur sa crédibilité aux yeux de Dieu. Mieux encore : Joseph apprend le sexe de l’enfant, son nom et sa mission. Tout cela confirme que cet enfant accomplira la promesse dérangeante transmise jadis au roi Acaz, si réticent à inclure Dieu dans son périmètre de décision. Joseph, lui, jouera à fond le jeu de la confiance. Son comportement nous pose question, à quelques heures de Noël : quelle place laissons-nous à Dieu dans la gouverne bien concrète de notre vie?
Source: Le Feuillet biblique, no 2252. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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