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5e dimanche de Pâques C - 2 mai 2010

 

 

Une nouveauté qui ne vieillit pas

Introduction aux discours d'adieu : Jean 13, 31-33a.34-35
Autres lectures : Actes 14,21b-27; Psaume 144(145); Apocalypse 21, 1-5a

La grande nouveauté du christianisme, si on le compare aux autres religions du monde, consiste à faire descendre Dieu dans le temps. Personne n’a à chercher Dieu dans un au-delà inaccessible. Personne n’a pas non plus à fixer le ciel pour y chercher Celui qui y est monté. Dorénavant, Dieu se fait proche. Il se trouve dans l’autre tout près ou moins près. Chaque homme et chaque femme devient mon frère, ma sœur. Et pour faire la volonté de Dieu je n’ai qu’à regarder autour de moi. Je n’ai qu’à tendre la main et à m’avancer vers cet autre moi-même. Cette manière d’être et d’agir nous fait disciples de Jésus. Sur ce point, ses paroles sont formelles : Ce qui montrera à tous que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres (Jean 13, 35).

Le temps de l’absence

     Jésus prend son dernier repas avec ses apôtres, ses intimes. Judas vient de quitter la table pour aller conclure le pacte funeste et Jésus annonce son départ avec toute la tendresse de son cœur : Mes petits enfants, je suis encore avec vous mais pour peu de temps (Lc 13, 33). Dorénavant, les apôtres, cette petite poignée d’hommes timides vont inaugurer le temps de l’absence qui deviendra le temps de l’Église. Les disciples, ces proches de Jésus, vont devoir faire leur choix tout seuls. C’est peut-être pour cette raison que Jésus ne leur laisse aucune consigne, si ce n’est celle de s’aimer. Rien sur l’organisation pratique de la communauté naissante. Rien non plus sur la manière de former ceux qui viendront à leur suite. Rien non plus sur la place et le rôle des femmes dans cette nouvelle assemblée. Jésus remet entre leurs mains fragiles les décisions à venir. Tout est contenu dans le commandement nouveau qu’il leur donne comme un viatique : S’aimer les uns les autres (v. 34). Pour le reste, l’Esprit leur dévoilera les choses à venir (Jn 16, 13).

L’apprentissage de l’amour

     Jésus a beau nous commander d’aimer (v. 34), nous sommes conscients qu’aimer cela s’apprend. Et apprendre à aimer suppose une expérience humaine fondamentale : avoir été aimé. Le tout-petit enfant qui a été privé de l’amour au tout début de sa vie, restera un infirme de l’amour. Nous n’insisterons jamais assez : personne ne peut donner s’il n’a d’abord reçu car le recevoir est la face cachée du donner. Les blessés de l’amour sont les êtres les plus difficiles à guérir. Leur seul remède sera d’apprendre à aimer. Il s’agit là de la pédagogie de base sur laquelle reposent toutes nos amours humaines.

Aimer comme Lui

     S’il y a une pédagogie humaine pour nous apprendre à aimer, il existe aussi une pédagogie de l’amour de Dieu. Et cette pédagogie, Jésus nous la résume en quelques mots : Comme je vous ai aimés (v. 34). Nous avons là la dimension théologale de l’amour qui consiste à aimer comme Jésus. C’est cela qui est nouveau en somme. C’est pourquoi Jésus annonce cette nouveauté d’une manière solennelle. Mais comment saisir cette nouveauté, puisque ce commandement diffère des obligations dictées par les instances humaines? Ces dernières exigent d’être d’abord connues et ensuite respectées à force d’efforts doublés souvent de  générosité. Le commandement de Dieu est d’un tout autre ordre justement parce qu’il échappe à l’effort et à la générosité.

Un droit inaliénable

     On ne commande pas l’amour ni l’amitié, C’est bien connu; on l’expérimente depuis le jeune âge. Un amour commandé ou contraint n’est qu’un simulacre de l’amour. La personne qui se verrait forcée d’aimer devient par le fait même une victime de l’amour. Une victime c’est quelqu’un privé de ses droits les plus fondamentaux. Nous avons tous droit à l’amour, c’est un droit inaliénable, mais il est défendu d’obliger à aimer. L’amour doit jaillir des profondeurs de l’être. Et pour qu’il en soit ainsi il faut de la réciprocité. On n’y échappe pas : pour aimer il faut qu’un autre nous aime. L’amour de Dieu n’échappe pas à cette règle universelle.

Dieu nous a aimés le premier

      Le spécialiste de l’amour divin est sans conteste l’apôtre Jean. Une des phrases célèbres de cet auteur si souvent cité, en détient le secret : Nous, nous aimons, parce que lui, le premier nous a aimés (1 Jn 4, 11). Dans cette affirmation Jean ne fait que commenter, en somme, le passage de l’évangile d’aujourd’hui : Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous…  (v. 34). C’est dire qu’il n’existe pas d’autre chemin que celui-là pour parcourir sa vie. L’expression courante, passage obligé, s’applique tout à fait ici. Il y a beaucoup d’écoles pour toutes sortes d’apprentissages. Aucune évacue l’expérience. L’école de l’amour ne fait pas exception.

L’abc de l’amour

     Pour se laisser aimer il faut sentir que l’on nous aime. Cela peut sembler une lapalissade mais c’est pourtant l’abc de l’amour. Le sentir est plus fort que le savoir. Savoir des formules, des prières, des invocations où l’on dit à Dieu que nous l’aimons et où il est dit que Dieu nous aime cela ne mène à rien. Le psaume 144 nous dit que « Dieu est tendresse et pitié (entendons miséricorde). » Or tendresse et miséricorde sont affaire de cœur. Il appartient à Jésus de nous manifester sa tendresse et de nous toucher le cœur en premier afin que nous puissions aimer à notre tour. Mais lui non plus ne nous aimera pas malgré nous, malgré nos portes closes et nos poings fermés. Nous laisser aimer par Lui demande une liberté et une ouverture de cœur. Ces deux conditions sont des facteurs de guérison infaillibles. Car qui peut prétendre n’avoir aucune blessure d’amour ou d’amitié? C’est le lot de toute personne qui chemine sur les routes humaines.

Le mot clef

     Dans l’évangile d’aujourd’hui, toujours, l’amour est présenté comme un commandement nouveau adressé aux disciples de Jésus. Si nous faisons un tour d’horizon rapide nous constatons que toute personne est concernée par l’amour, qu’elle appartienne à une autre tradition religieuse ou qu’elle soit incroyante. Si toutes ne le vivent pas, nous pouvons avancer que toutes y aspirent. Combien de films, de romans, de pages d’histoire avec un grand H ne parlent que d’amour ou presque : amours impossibles, déçues, ou rédemptrices. Certains vont jusqu’à dire que l’amour peut guérir des maladies déclarées incurables selon les données actuelles de la médecine. Où est donc la nouveauté évangélique? Elle est dans le « Comme je vous ai aimés ». C’est cette petite particule, ce petit mot invariable qui marque la différence. Il faut comprendre cette expression dans le sens de payer de sa personne, dans le fait de favoriser le bonheur de l’autre souvent au détriment du sien.

Le peuple nouveau

     Les dernières paroles des Actes des apôtres que nous sert la liturgie d’aujourd’hui, sont des plus éloquentes. Ils (Paul et Barnabé) racontaient comment Dieu avait ouvert aux païens les portes de la foi  (Actes 14, 27). Ce sont donc tous les hommes et toutes les femmes qui sont appelés à former l’Église du Christ. Pour bâtir le Royaume de Dieu, on ne doit pas se confiner à une race ni s’enfermer dans des règles étroites qui risqueraient de discriminer des catégories de personnes. On doit d’abord s’assurer que le cœur est affermi et attendri. Là où l’amour fraternel existe, là peut naître l’Église.

 

Ghislaine Salvail, SJSH

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2228. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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