Mes brebis écoutent ma voix
Jésus proclame qu'il est le prophète par excellence et le Fils de Dieu : Jean 10, 27-30
Autres lectures : Actes 13, 14.43-52; Psaume 99(100); Apocalypse 7,9.14b-17
Le petit discours retenu par la liturgie de ce dimanche appartient à un ensemble de caractère fortement polémique (Jn 10, 22-42) qui comporte une tentative de lapidation (v. 31) et une d’arrestation (v. 39) à laquelle Jésus échappe en s’enfuyant au-delà du Jourdain (v. 40). L’enjeu de ce débat est l’identité de Jésus : Si tu es le Christ, dis-le nous ouvertement (v. 24). Comme il arrive souvent, la réponse de Jésus est déroutante : les Juifs ne peuvent pas croire aux œuvres qu’il a accomplies parce qu’ils ne font pas partie de ses brebis (vv. 25-26). Ainsi on n’entre pas dans le groupe des brebis en croyant; c’est plutôt l’appartenance à ce groupe qui permet de reconnaître que les œuvres de Jésus viennent du Père.
Je leur donne la vie éternelle (v. 28)
Qui sont donc les brebis? Dans un premier temps elles sont caractérisées par quatre propositions. Jésus est le sujet de la deuxième : Je les connais (v. 27) et de la quatrième : Je leur donne la vie éternelle (v. 28). On reconnaît des propos tenus par Jésus en termes presque identiques dans son discours sur le Bon Pasteur (Jn 10, 1-18), par exemple : Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent (Jn 10, 4) et moi je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait surabondante (Jn 10, 10).
La connaissance des brebis est évidemment une compétence nécessaire à un berger qui doit reconnaître parmi d’autres quels animaux font partie de son troupeau. Dans le langage de Jésus il s’agit de beaucoup plus que cela. La connaissance implique une relation personnelle profonde faite de confiance et d’amour (voir, par exemple : Jn 14, 7.20). À cause de cette relation Jésus veut donner aux brebis la vie éternelle, la communion parfaite dans l’amour. Dans le langage du quatrième évangile la vie éternelle ne commence pas seulement après la mort; tous ceux qui croient, qui reconnaissent Jésus comme l’envoyé du Père sont déjà entrés dans la vie éternelle (Jn 17, 3).
Elles me suivent (v. 27)
Du côté des brebis on trouve aussi deux notes caractéristiques : écouter la voix du pasteur et le suivre (v. 27). Ces deux thèmes sont repris, eux aussi, du discours sur le Bon Pasteur, où ils apparaissent liés : Les brebis le suivent parce qu’elles connaissent sa voix (Jn 10, 4). La construction grammaticale du présent discours, en faisant alterner les propositions ayant les brebis comme sujet avec celles dont Jésus est le sujet, crée un lien différent entre les idées. Ce qui vient d’abord, c’est l’écoute de la voix.
L’image vient naturellement de la pratique du métier de berger; il faut que le troupeau écoute la voix de son gardien. Mais l’expression écouter la voix a une longue histoire. Dans l’Ancien Testament elle signifie : obéir, être fidèle (cf. Dt 11, 13; 13, 5.19; 26, 14.17 etc.). Un texte particulièrement intéressant se trouve dans le livre de l’Exode, au moment où Dieu donne à Moïse ses instructions en vue de la traversée du désert et de la conquête : Voici que je vais envoyer un ange devant toi … révère-le et écoute sa voix, ne lui sois pas rebelle … car mon Nom est en lui. Mais si tu écoutes sa voix et fais ce que je dis, je serai l’ennemi de tes ennemis (Ex 23, 20-22). Écouter la voix de Jésus, le berger, c’est reconnaître en lui l’envoyé de Dieu, celui en qui réside le Nom divin. Les Juifs qui refusent de l’écouter se mettent eux-mêmes à l’écart du salut ; ils ne peuvent pas accueillir les signes qui l’identifient comme le Messie.
L’image des moutons qui suivent un chef a souvent une connotation négative. Elle présuppose que les animaux de cette espèce sont naïfs et crédules. C’est pourquoi la comparaison née de cette image est loin d’être flatteuse. Mais l’évangile ignore totalement cette perception du comportement animal. Le verbe suivre met en lumière la docilité de celui qui a écouté la voix de son berger. Par ailleurs, ce même verbe caractérise la relation du disciple avec son maître. Être brebis dans le troupeau de Jésus équivaut à être disciple (cf. Jn 1, 37.38.40.43; 12, 26 etc.).
Jamais elles ne périront (v. 28)
Après la description de ses brebis, Jésus ajoute quelques notes dans le style caractéristique du quatrième évangile. Jamais elles ne périront est la reprise négative de la proposition précédente : Je leur donne la vie éternelle (v. 27). Périr, c’est être exclu du salut (cf. Jn 3, 16; 17,12; 18,9). La proposition suivante renoue avec l’image du troupeau. Dans le discours sur le Bon Pasteur Jésus a employé le verbe traduit ici par arracher pour caractériser l’action du loup qui s’empare des brebis (Jn 10, 12). Lorsque les brebis sont fidèles à écouter la voix de leur pasteur elles sont en sécurité car il les protège contre tous les dangers (cf. Sagesse 3,1).
Le Père et moi nous sommes un (v. 30)
À partir du v. 29 Jésus introduit dans le discours le personnage du Père. Celui-ci avait déjà été mentionné lorsque Jésus avait dit : Les œuvres que je fais au nom de mon Père, elles témoignent pour moi (v. 25). Il ajoute maintenant que les brebis lui ont été données par le Père, reprenant ainsi ce qui est dit ailleurs au sujet des disciples : Nul ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père (Jn 6, 65; cf. aussi : Jn 6, 37.39; 17, 9.24; 18, 9). Faire partie du troupeau de Jésus est un don de Dieu.
Le Père est plus grand que tout (v. 29). Jésus n’affirme pas directement que Dieu est son Père mais la conclusion est claire car celui qui est plus grand que tout ne peut être que Dieu lui-même. Ses interlocuteurs le comprennent bien, c’est pourquoi ils veulent le lapider en l’accusant de se faire Dieu (v. 33). Le discours se termine par l’affirmation la plus claire faite jusque là par Jésus concernant son identité divine (v. 30). Cela ne signifie pas que Jésus est le Père mais qu’il existe entre eux une communauté de nature telle que ce qui est affirmé au sujet du Père peut l’être au sujet du Fils. Lorsque les brebis écoutent la voix de Jésus, c’est en même temps la voix de Dieu et c’est Dieu qui les garde à travers son envoyé, le Fils.
L’Agneau … sera leur pasteur (Ap 7, 17)
Un agneau qui devient berger! Lorsque cet agneau est entré en scène (Ap 5,6), il est présenté le lion de la tribu de Juda. À travers ce foisonnement d’images, c’est toujours le Christ mort et ressuscité qui est présenté. Tantôt lion pour vaincre les forces du mal, tantôt berger pour guider les fidèles jusqu’au repos du Royaume; vers lui convergent les regards et les louanges (cf. v. 9). Le sort des élus est décrit en s’inspirant du Psaume 23(22) ainsi que du retour des exilés vers la Terre promise en Is 49, 9-10. La promesse de Jésus se réalise : Je leur donne la vie éternelle (Jn 10,28).
Nous nous tournons vers les païens (Ac 13, 46)
À Antioche de Pisidie se produit une fracture dans la vie de Paul. Il va orienter son action vers le monde païen, ouvrant l’Église à toutes les nations (v. 47). Même si ce choix rencontrera encore bien des résistances, un pas décisif est franchi. La rupture est le fait des Juifs qui ne se jugent pas dignes de la vie éternelle (v. 46). Dans le langage de Jean on dirait qu’ils ne font pas partie du troupeau et ne peuvent donc pas entendre la voix du Pasteur. Par contre ceux qui sont devenus croyants connaissent déjà les fruits du salut : Les disciples étaient pleins de joie dans l’Esprit Saint (v. 52).
Source: Le Feuillet biblique, no 2227. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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