De la parabole aux actes!
La femme adultère : Jean 8, 1-11
Autres lectures : Isaïe 43, 16-21; Psaume 125(126); Philippiens 3, 8-14
À deux semaines de la grande fête de Pâques, nous retrouvons Jésus dans le temple de Jérusalem. Le décor est déjà celui de la Semaine sainte. Jésus s’était rendu au mont des Oliviers ; de bon matin, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner (Jn 8,1-2). Avant même de lire plus loin, il importe de s’arrêter un peu pour contempler la manière de faire de Jésus. Il en est aux derniers jours de sa vie terrestre et il le sait. Mais cela ne l’arrête pas, au contraire. La nuit, il refait ses forces dans le repos et la prière. Le jour, il continue d’annoncer la Bonne Nouvelle sans se lasser, malgré les refus, malgré les échecs.
Avant de prolonger notre lecture, il importe de contempler Jésus qui s’est reposé et a prié sur le Mont des Oliviers. Avec lui nous pouvons traverser la vallée du Cédron et monter dans le Temple. Avec le peuple, il importe que nous laissions l’enseignement de Jésus nous remonter au cœur, spécialement la parabole de dimanche dernier (le père miséricordieux et ses deux fils) que Jésus a racontée pour les pharisiens et les scribes qui récriminaient contre le bon accueil qu’il offrait aux pécheurs.
Les scribes et les pharisiens mettent Jésus à l’épreuve
Voilà que l’enseignement de Jésus est à nouveau interrompu par l’intervention des scribes et des pharisiens. Dimanche dernier, ils récriminaient, ils murmuraient contre Jésus. Aujourd’hui ils s’approchent de lui en l’appelant « maître ». Mais, contrairement au peuple, ils ne sont pas là pour se nourrir de son enseignement. Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser (8,6). Et ils ont trouvé une occasion en or : Une femme qu’on avait surprise en train de commettre l’adultère (8,3).
Pour les scribes et les pharisiens, cette femme est coupable, point à la ligne : Dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là (8,5). Elle aurait déjà été mise à mort si elle ne représentait pas une belle occasion de condamner Jésus lui-même. Ce qui aurait pu être une question purement théorique devient maintenant une question de vie ou de mort. La vie de cette femme dépend de la réponse que donnera Jésus. La vie de Jésus dépend elle aussi de la réponse qu’il offrira à cette question piège.
Une chose étonne dans cette mise en scène. On ne peut commettre l’adultère seul! Où est donc passé l’homme avec qui la femme avait été surprise? Courait-t-il plus vite qu’elle? A-t-il réussi à fuir quand ils ont été surpris? Dans ce cas, on peut douter de son amour pour cette femme. En l’abandonnant ainsi, il la condamnait à une mort certaine. Chose certaine, il aurait lui aussi mérité la mort. C’est bien ce que prévoyait la Loi de Moïse : L’homme qui commet l’adultère avec la femme de son prochain devra mourir, lui et sa complice (Lv 20,10). Si l’on prend sur le fait un homme couchant avec une femme mariée, tous deux mourront : l’homme qui a couché avec la femme et la femme elle-même (Dt 22,22).
Le texte ne nous dit rien sur le complice de cette femme. Reste que la vie de deux personnes est ici en jeu : celle de la femme et celle de Jésus. « Entre toutes les questions posées à Jésus au cours de sa vie publique, celle-ci apparaît la plus décisive. Il s’agit en effet d’un problème de vie ou de mort, où est mis en cause l’aspect le plus original de l’attitude de Jésus : sa miséricorde. Impossible pour lui d’échapper à l’alternative: ou c’est la Loi de Moïse qui triomphe, ou c’est sa miséricorde 1».
Qu’écrivait donc Jésus sur le sol ?
Jésus répond d’abord à cette question par un geste : s’étant baissé, du doigt, il traçait des traits sur le sol (Jn 8,6). Les pères de l’Église ont cru que Jésus comptait ainsi le nombre des péchés de ses interlocuteurs. Si tel est le cas, le fait que Jésus compte les péchés sur la poussière du sol est déjà encourageant. Un coup de vent (un souffle de l’Esprit) et le tout peut être effacé. Quoi qu’il en soit, en ne répondant pas par la parole, Jésus indique bien qu’il refuse d’émettre un jugement. Il refuse de se laisser enfermer dans une logique judiciaire de la faute et de la punition. « Ce qui est sûr c’est qu’en mentionnant ce geste le récit acquiert une intensité dramatique qui lui manquerait s’il passait directement à la réponse de Jésus 2». C’est une pause qui donne le temps de réfléchir.
Jésus ne banalise pas le péché
Devant l’insistance des accusateurs, Jésus finit par prendre la parole. Il se redressa et leur dit : “Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre”. Et il se baissa de nouveau pour tracer des traits sur le sol (8,7-8).
En agissant et en parlant de la sorte, Jésus renvoie les accusateurs à leur propre conscience. Il ne condamne pas leur jugement. Il souligne toutefois la nécessité pour chacun de veiller sur l’intention qui le pousse à agir, qui le pousse même à tuer. Au lieu de vous interroger sur le péché des autres, interrogez-vous donc sur votre propre péché.
Par cette parole célèbre, Jésus sauve aussi la vie de la pécheresse. Pour elle émerge un monde nouveau. Les accusateurs n’avaient pas parlé à cette femme. Jésus lui adresse la parole. Il se redressa et lui demanda : “Femme, où sont-ils donc? Alors, personne ne t’a condamnée?” Elle répondit : “Personne, Seigneur”. Et Jésus lui dit : “Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus” (8,10-11). Les ennemis s’étant dispersés, il est maintenant possible à Jésus d’exercer la miséricorde en toute liberté. Or, cette miséricorde de Dieu manifestée en Jésus met la femme devant sa propre liberté : Va ! Mais Jésus, dans sa miséricorde, l’invite aussi à engager sa liberté retrouvée dans le bon sens : Désormais ne pèche plus.
Voici que je fais un monde nouveau
Devant un tel récit, nous avons tendance à nous reconnaître soit dans les accusateurs soit dans la femme pécheresse. Il importe peu que nous soyons d’un côté ou de l’autre. Il est toutefois essentiel d’entendre Jésus ressuscité qui nous replace nous aussi devant notre liberté et qui nous invite à l’investir dans le bon sens. Le Seigneur dit : “Ne vous souvenez plus d’autrefois, ne songez plus au passé. Voici que je fais un monde nouveau : il germe déjà, ne le voyez-vous pas?” (Is 43,17-19). Telle fut l’expérience de la femme adultère lors de sa rencontre avec Jésus. Tel peut être le sens profond de notre rencontre avec le Christ pendant ce carême 2010. Il s’agit de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion, en reproduisant en moi sa mort, dans l’espoir de parvenir, moi aussi, à ressusciter d’entre les morts (Ph 3,10-11). Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but pour remporter le prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus (3,13-14).
Saint Jean ne nous dit pas ce qu’ont fait les scribes et les pharisiens après avoir quitté le temple ce jour-là. Il ne nous raconte pas non plus ce qu’a fait la femme après sa rencontre avec Jésus. À nous d’écrire la fin de l’histoire dans le quotidien de nos vies.
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1. Domingo Munos Leon, « Jésus pardonne à la femem adultère », dans Assemblées du Seigneur, 18 (1971), p. 61-62.
2. Michel Gourgues, Luc, de l'exégèse à la prédication. Carême-Pâques, année C (Lire la Bible, 70), Paris, Cerf, 1994, p. 96-97).
Source: Le Feuillet biblique, no 2222. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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