La tendresse bouleversante de Dieu-Père
La brebis égarée : Luc 15, 1-3.11-32
Autres lectures : Josué 5, 10-12; Psaume 33(34); 2 Corinthiens 5, 17-21
La parabole d’un homme et de ses deux fils insiste sur l’incompréhensible miséricorde du père. Si on ne se laisse pas saisir par la grâce de Dieu, la conduite du fils aîné pourrait être la nôtre. Le Père offre gratuitement la vie et, les fils et filles que nous sommes, doivent recevoir avec une grande joie la prodigalité de son amour et de son pardon. Sans cesse nous sommes appelés à nous mettre en route, et à changer de mentalité.
Un père avait deux fils
Les premiers versets du chapitre de Luc expose le conflit qui se développe entre Jésus, les pharisiens et les scribes qui se scandalisent de l’attitude du Maître, lequel se rend proche des pécheurs et de tous ceux que la bonne société méprise. Jésus, au lieu d’affronter par une logique abstraite ou polémiste les propos de ses adversaires, utilise le langage de la parabole. Celle-ci a l’avantage, peut-on dire, de situer les auditeurs sur un terrain neutre et de favoriser le dialogue. Ce récit d’un homme et de ses deux fils, souvent mis à l’avant-scène des célébrations du pardon, pourrait nous laisser penser que nous le connaissons parfaitement bien, mais n’y aurait-il pas plutôt toujours une facette ou l’autre à découvrir et à approfondir? En effet, aurons-nous fini un jour de sonder l’abîme infini qu’est la bonté miséricordieuse de Dieu?
Le fils cadet
Épris d‘indépendance, rongé par la cupidité, il demande sa part d’héritage du vivant de son père, soit le tiers des biens puisque le droit juif prévoit les deux tiers pour l’aîné (Deutéronome 21, 17). Ce faisant, il se comporte comme s’il souhaitait implicitement la mort de son père; en sorte, il dénie son identité paternelle. Il quitte donc sans connaître vraiment l’amour de son père. Une fois rendu en un pays lointain, soit en terre païenne, puisqu’on évoque l’élevage des porcs, animaux impurs pour les Juifs (Lévitique 11, 7), il dilapide sa fortune en menant une vie de désordre (v. 13), en dépensant son bien avec les filles (v. 30), dit l’aîné.
Passant d’adulte fortuné à gardien de porcs, de la satiété à la faim, le cadet prend conscience de sa déchéance, et de façon intéressée, par motivation alimentaire, il pense au retour; sur l’heure il se met en route vers la maison, en reconnaissant sa culpabilité, conscient qu‘il ne peut revendiquer le statut de fils, mais plutôt celui d‘ouvrier (v. 19).
Le fils aîné
Il est celui qui reste avec le père, qui accomplit fidèlement son travail; de son point de vue, il est juste et irréprochable. D’ailleurs il est au champ lors du retour de son frère. Hélas! la jalousie, la colère, l’orgueil le dévorent: il envie l’accueil réservé à son frère qui n’en méritait pas tant. Il s’offusque des beaux vêtements et de la fête, ne comprenant rien à la miséricorde du père. Il refusait d’entrer. On ignore s’il va répondre à l’invitation d’être présent pour se réjouir avec son père.
L’attitude de ce fils, comme elle ressemble à celle des pharisiens et des scribes qui récriminent contre Jésus : Cet homme fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux (v. 2)! En fait, les deux frères se ressemblent. Car ils sont dans l’ignorance de la grâce offerte, c’est-à-dire d’être en lien profond avec leur père. Les deux sont appelés à la conversion en consentant à accueillir la miséricorde du père et à entrer dans sa joie. À entrer dans le grand mouvement d’appel à la vie.
L’accueil aimant du père
Quel contraste entre l’attitude du père et celle des fils! Quel écart entre le donnant-donnant et l’ouverture, la gratuité, l’amour incommensurable et inaltérable !
Au départ, le père ne refuse pas la demande du cadet bien que le contraire soit recommandé dans le livre de l‘Ecclésiaste : ...Fils ou femme, frère ou ami, à aucun ne donne pouvoir sur toi pendant ta vie. Et ne donne pas tes biens à un autre... Quand seront consommés les jours de ta vie, au moment de la fin, distribue ton héritage (vv. 20-24). Pendant l’absence du fils, il se met en état de veille constante. Puis, le récit devient haletant, bouleversant, touchant. C’est lui le père qui, le premier, aperçoit le fils encore au loin. C’est lui qui accourt, qui devance, saisi aux entrailles, remué dans tout son être, (v. 20). Il ne se préoccupe pas des dispositions du cadet, ne l’assaille pas de reproches. Il l’accueille. Son allégresse explose dans l’accolade, la préparation d’un festin de noces, la bague au doigt, la musique, attitude et gestes qui manifestent sa bonté, son pardon, son bonheur. De plus, il sort pour rencontrer l’aîné et l’inviter à la fête. Ce père plein de bonté n’a pas de préférence: il aime intensément les deux et, ce qu’il donne avant tout, c’est la vie et l’amour.
Cette parabole évoque Dieu, qui, en Jésus, se soucie souverainement des malheureux de Galilée et de Judée. Jésus sait rendre la dignité aux personnes vivant à l’écart, sans titre social, sans réputation, délaissées par les autorités religieuses à qui il arrive de faire peser un joug trop lourd sur leurs épaules.
L’admirable échange: Nous sommes réconciliés
avec Dieu dans le Christ
De la parabole, passons à Paul. Réconcilier, réconciliation (2 Corinthiens 5, 17-21). En grec, le mot peut évoquer une amnistie, telle cette réconciliation offerte aux individus au passé compromis, comme ce fut le cas en 44 av. J.C., lors de la reconstruction de la ville de Corinthe. Ici, chez Paul, ce sont les apôtres eux-mêmes, les auditeurs croyants, les personnes de toutes les époques qui sont convoqués à la réconciliation dont ils peuvent être gratifiés en Jésus Christ : Au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu (v. 20). Et devenez les ambassadeurs-témoins de la miséricorde de Dieu. Pour la joie des uns et des autres.
Une expression de la lettre de Paul peut faire sourciller et commande d’être bien comprise : Dieu l’a fait péché pour nous (v. 21), rendue dans la traduction liturgique par Dieu l’a pour nous identifié au péché des hommes. Jésus est le Juste par excellence, il n’a pas commis le péché. Mais, il a assumé pleinement, en toute solidarité, la nature humaine, acceptant les oppositions, les refus, les conséquences du mal et du péché: la trahison, le reniement et la condamnation à mort.
- Ne redoute pas que le Père refuse de t’accueillir...Il viendra en courant au-devant de toi... car le Seigneur redresse tous ceux qui sont courbés, il te donnera le baiser qui est gage de tendresse et d’amour, il te fera donner robe, anneau, chaussures.
- Tu crains un affront, il te rend ta dignité.
Tu as peur d’un châtiment, il te donne un baiser.
Tu as peur des reproches, il te prépare un festin.
(Saint Ambroise, Traité sur l’évangile de Luc).
Source: Le Feuillet biblique, no 2221. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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