Par Marie, Dieu vient à la rencontre de son peuple
Marie rend visite à Elisabeth : Luc 1, 39-45
Autres lectures : Michée 5, 1-4a; Psaume 79 (80); Hébreux 10, 5-10
Au temps où le peuple se sent délaissé, tel que décrit par le prophète Michée, succède celui de l’accomplissement de la Promesse, avec la rencontre de Jean et de Jésus, dans le sein de leur mère. Jésus, Celui qui vient, répond oui à sa mission et apportera une bonne nouvelle aux pauvres, un salut pour tous.
Ô combien le récit évangélique de la visitation a exercé une fascination sur les iconographes, les sculpteurs et les peintres! Ô combien nombreuses les interprétations dont cette scène fut l’objet! Ce sujet privilégié a donc nourri et inspiré le cœur des artistes. Dans leur art, ils ont su dégager l’état de grâce et de disponibilité, d’émerveillement et de louange qui habitait le cœur des deux femmes, face à un mystère insondable et indicible.
Puis, rappelons-nous que, dans les années 1950, de nombreuses familles québécoises récitaient chaque jour le chapelet en famille, et régulièrement, méditait le récit de la Visitation, le deuxième mystère joyeux. Ces croyants se mettaient alors à l’écoute de la Parole.
Le récit de deux rencontres
Il s’agit de la rencontre de deux femmes heureuses qui portent un enfant. L’une, transfigurée par la présence de Dieu en elle, se déplace avec empressement pour voir sa cousine, l’autre, accueille. L’une salue selon la formule biblique habituelle qui constitue à la fois un souhait de bonheur et une vocation : Le Seigneur est avec toi (Luc 1, 28; voir Juges 6, 12); l’autre, inspirée par l’Esprit, proclame une bénédiction : Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni (v. 42).
Cette rencontre conduit à une deuxième: celle du dernier et du plus grand prophète du Premier Testament, Jean, le Précurseur, le Baptiste, et Jésus, prophète d’un temps nouveau. On évoque ici le tressaillement et l’allégresse (v. 44), caractéristiques des temps messianiques. Un exégète, analysant les deux premiers chapitres de l’Évangile de Luc, affirme que l’évangile de l’enfance (1 et 2) culmine dans ce verset où s’entrecroisent l’ancienne et la nouvelle Alliance. Grâce à l’Esprit, le Baptiste est sanctifié par celui qui vient après lui; il reconnaît dans la joie la présence du Sauveur.
Marie, femme comblée,
traversée d’une foi vivante, inébranlable
Élisabeth, étonnée, envahie de bonheur par la visite de sa cousine, exulte: Comment ai-je le bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi? (v. 43); et du même souffle, elle proclame la première béatitude évangélique: Heureuse, celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur (v. 45). Élisabeth, ici, sait percevoir et interpréter le tressaillement comme un signe discret. Son témoignage inspiré va au cœur et à l’essentiel du mystère vécu. On pense tout de suite à l’autre témoignage fait à Marie par Jésus lui-même, réagissant à une femme qui bénissait la maternité physique de Marie. Le Maître insiste sur celles -dont Marie, au premier chef- et ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui l’observent.
À la visite du messager divin, Marie a répondu par un consentement. Depuis son enfance, elle est pétrie de la spiritualité de ses ancêtres, les anawim, ces pauvres qui s’en remettent à Dieu. Aussi, son authentique grandeur réside dans sa capacité, son attitude à écouter, elle sait ressasser les événements dans son cœur pour les assimiler et y découvrir le sens que Dieu y met.
Me voici... pour faire ta volonté :
de l’ancienne à la nouvelle Alliance
Hébreux 10, 5-10
Consentement de Marie, d’une part, et obéissance absolue de Jésus, d’autre part. L’évangéliste Luc lorsqu’il rédige le récit a vécu tout l’éclairage que la résurrection a apporté, et il enveloppe le récit de toute la compréhension acquise par la vie et la mort de Jésus. Luc puise aussi dans les Écritures inspirées des prophètes, des psalmistes pour faire saisir le mystère du Sauveur. Il projette sur le début de la vie du Christ une connaissance postérieure et nous dit que le salut apporté est bien à l’œuvre dans la rencontre des deux femmes.
L’auteur de l’Épître aux Hébreux insiste sur l’offrande obéissante et unique du Christ qui abolit les anciens sacrifices, offrande de son corps pour nous, corps dont nous sommes les membres. On assiste en quelque sorte au passage de ce qui est et peut être parfois, trop souvent, hélas, avant tout extrinsèque à ce qui est intérieur, spirituel.
Pour en savoir un peu plus...
L’écoute
��������������� En référence à son étymologie, l’obéissance est une écoute active. Conserver les événements dans son cœur, les remuer à la lumière de l’Esprit, à la suite de Marie, se révèle un chemin pour grandir dans la foi et l’engagement, et devenir des témoins du Christ, porteur de sa mission.
L’offrande que Jésus Christ a faite de son corps (Hébreux 10, 10). Dans son argumentation de la substitution du sacrifice du Christ aux sacrifices culturels anciens, l’auteur de l’épître s’appuie sur le Psaume 40, 7: Sacrifice, oblation, tu n’en veux pas, holocauste, expiation, tu n’en demandes pas; tu m’as creusé les oreilles, alors j’ai dit: Voici, je viens... À faire ta volonté, mon Dieu... Je prends plaisir. Ici, l’expression creuser les oreilles signifie ouvrir l’esprit, comprendre et accepter l’enseignement (Luc 24, 45); elle permet l’évocation de l’incarnation et de l’offrande définitive et unique du Fils sur la croix.
Les béatitudes à l’égard de Marie s’inscrivent dans la tradition biblique. Dans un contexte, il va sans dire, fort différent, celui de la lutte contre l’ennemi, Judith est bénie: Bénie es-tu, fille, par le Dieu Très-Haut, plus que toutes les femmes qui sont sur la terre, et béni le Seigneur Dieu... (Judith 13, 18)
Source: Le Feuillet biblique, no 2209. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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