L'heure est venue
La venue des Grecs vers Jésus indique l'arrivée de l'heure : Jean 12, 20-33
Autres lectures : Jérémie 31, 31-34 ; Psaume 50(51) ; Hébreux 5, 7-9
Lors des noces de Cana, Jésus avait répondu à sa mère : Mon heure n’est pas encore arrivée (Jn 2, 4). Maintenant l’heure décisive est arrivée, le Fils de l’homme va être glorifié (v. 23) c’est-à-dire que son identité et sa mission seront pleinement révélées. Il pourra être connu et reconnu pour ce qu’il est vraiment. Alors il attirera à lui tous les hommes (v. 32) puisque sa mission consiste à rassembler dans l’unité tous les enfants de Dieu dispersés (Jn 11, 52). Ainsi sera comblée l’attente non seulement de quelques pèlerins mais de toute l’humanité.
Le grain de blé tombé en terre... (v. 24)
Le langage de la glorification (cf. v. 23) et de l’élévation (cf. v. 32) pourrait laisser croire que Jésus envisageait une sorte de triomphe où sa relation filiale avec Dieu serait pleinement manifestée. Ne venait-il pas d’entrer à Jérusalem acclamé par la foule qui voit en lui celui qui vient au nom du Seigneur et le roi d’Israël (Jn 12,13)?
Mais le triomphe de Jésus s’accomplit dans le don de sa vie (cf. v. 25). Sa mort sur la croix sera en même temps son exaltation suprême. Tel est le paradoxe fondamental de la foi chrétienne : la mort est source de vie.
Paul emploie l’image de la semence pour essayer d’expliquer aux Corinthiens le mystère de la résurrection (cf. 1 Co 15, 36-37). L’Évangile de Jean la reprend dans un sens un peu différent. La mort du grain semé est nécessaire pour assurer sa fécondité; une vie qui n’est pas donnée reste stérile. Au contraire une vie offerte devient féconde, non seulement pour celui qui la donne mais aussi pour ceux qui acceptent de le suivre (v. 26). On reconnaît ici, transposé dans le langage particulier de Jean, les annonces de la Passion qui jalonnent les évangiles synoptiques (cf. Mc 8, 31-33; 9, 31-32; 10, 33-34 et parallèles). À chaque fois, Jésus ajoute un enseignement sur la manière de le suivre dans la voie de l’humilité et du service (voir, par exemple : Mc 8, 34-38; 9, 33-37; 10, 35-45).
Du ciel vint une voix... (v. 28)
La séquence Marc 8, 31-38 (annonce de la Passion et conditions pour suivre Jésus) débouche sur le récit de la Transfiguration (Mc 9, 1-10). Ce parallèle est frappant parce que Jean va maintenant utiliser des éléments qui rappellent la Transfiguration (cf. v. 28) avec d’autres qui se rapprochent davantage du récit de l’agonie à Gethsémani (cf. v. 27). Encore une fois Jean associe souffrance et gloire, mort et résurrection.
Jésus s’exprime en citant le livre des Psaumes, le livre de la prière d’Israël : Maintenant mon âme est bouleversée (v. 27) reprend Ps 6, 4a alors que Père, sauve-moi de cette heure (v. 27), se rapproche beaucoup de Ps 6, 5b. Sous la plume de Jean, Jésus se reconnaît dans les sentiments exprimés par le psalmiste mais il change la portée de la prière. Être sauvé de cette heure serait se dérober face à la mission reçue de son Père et ne servirait pas à manifester sa gloire. C’est pourquoi Jésus se reprend en disant : Père, glorifie ton Nom (v. 28). Dans le langage de Jean, cette expression équivaut à : non pas ce que je veux mais ce que tu veux (Mc 14, 36). Jésus accepte de réaliser dans sa personne ce qui va manifester le plus clairement la gloire de son Père, ce qui va le faire connaître tel qu’il est, un Dieu d’amour.
La gloire du Fils est inséparable de celle du Père; en manifestant parfaitement qui est le Père, il se révèle comme Fils : maintenant, le Fils de l’homme a été glorifié et Dieu a été glorifié en lui (Jn 13, 31).
On trouve ici la seule mention, dans le quatrième évangile, d’une voix céleste. Chez les Synoptiques, cette voix se fait entendre à deux reprises, lors du baptême de Jésus et lors de sa transfiguration (cf. Mc 1,11; 9,7 et parallèles). La scène présente fait écho à ces deux épisodes (absents de l’évangile de Jean) qui sont aussi, à leur manière, des révélations de la gloire que le Fils partage avec le Père.
Voici, que ce monde est jugé (v. 31)
La glorification du Fils est aussi le jugement du monde puisque toute personne est appelée à prendre position pour ou contre Jésus. On entend ici l’écho de l’entretien avec Nicodème au début de l’évangile : qui croit en lui n’est pas jugé, qui ne croit pas est déjà jugé parce qu’il n’a pas cru au Nom du Fils unique de Dieu (Jn 3, 18). On retrouve aussi le thème de l’élévation (v. 32 cf. Jn 3,14). La mort de Jésus ouvre les portes du salut pour toute l’humanité. Nous ne savons pas si les Grecs ont eu l’entrevue qu’ils souhaitaient avec Jésus mais leur initiative lui a permis de franchir un pas décisif dans la révélation de sa mission.
Le Fils... conduit à sa perfection (Hébreux 5, 7-9)
En quoi la souffrance était-elle nécessaire pour rendre parfait le Christ? Le réalisme de l’incarnation voulait que le Fils de Dieu connaisse tout de la condition humaine à l’exception du péché (He 4,15). Son humanité n’aurait pas été complète sans l’épreuve de la souffrance et de la mort. La Passion n’est pas une fatalité regrettable mais l’accomplissement final de la mission de Jésus.
Le Christ … a présenté avec un grand cri et dans les larmes sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort (v. 7). On s’entend pour reconnaître ici une allusion à l’agonie de Jésus telle que racontée par les évangiles (cf. Mt 26, 38-46 et parallèles). Dieu pouvait le sauver de la mort, il ne l’a pas fait en lui évitant de mourir mais en le ressuscitant dans la gloire. Ainsi, la parfaite obéissance du Fils à la volonté du Père débouche sur le salut non seulement pour Jésus lui-même mais aussi pour tous ceux qui lui obéissent (v. 9; voir aussi Ph 2,6-11).
L'Alliance nouvelle (Jérémie 31, 31-34)
Dans tout l’Ancien Testament, ce texte est celui qui parle le plus explicitement d’une nouvelle Alliance pour remplacer celle du Sinaï. L’auteur de l’Épître aux Hébreux utilise abondamment ce passage pour expliquer comment Jésus est celui par qui cette Alliance novelle est conclue (He 8, 6-13). L’Alliance avec Moïse avait été inscrite sur des tables de pierre (cf. Ex 24,12), la nouvelle le sera sur le cœur de chaque croyant (v. 33) et chacun pourra connaître le Seigneur (v. 34), c’est-à-dire entretenir avec lui une relation personnelle faite de respect et de confiance.
L’initiative de la rupture de la première Alliance est venue des Israélites et non de Dieu (v. 32). Malgré cela, celui-ci est prêt à reprendre l’initiative et à pardonner : Je pardonnerai leurs fautes, je ne me rappellerai plus de leurs péchés (v. 34).
Source: Le Feuillet biblique, no 2180. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre
biblique de Montréal.
Chronique
précédente :
Le don de Dieu : Jésus, son Fils unique
|