Osée, la famille?
La fuite en Égypte : Matthieu
2, 13-15.19-23
Autres lectures : Siracide
3, 2-6.12-14;
Psaume
127(128); Colossiens
3, 12-21
Centrer un dimanche sur la famille de Jésus,
et la présenter comme un archétype de nos propres
familles, cest déjà une affirmation très
vigoureuse des convictions de notre Église : ainsi vont les
familles, ainsi va le monde! Ce nest pas lavis des médias
qui veulent façonner nos rêves. Par contre, la famille
savère une valeur sûre quand un parti politique
se cherche un axe porteur pour ses communications électorales...
Notre société nen est pas à une contradiction
près! Chose certaine, le thème de la famille conteste
lindividualisme actuel. Le thème de la famille correspond
à une série de préoccupations profondes de
notre population. Le Lectionnaire de ce dimanche nous entraîne
dans un univers de relations familiales où les préoccupations
et le langage sont vraiment différents des nôtres.
Dans quel type de société les écrits bibliques
trouvaient-ils un écho favorable? Sachant cela, nous pourrons
poser sereinement la question : Quy a-t-il pour nous dans
ces textes?
L'individualisme, une illusion
Ben Sirac le Sage 3, 2.6.12-14
Nous voici environ 150 ans avant lépoque
de Jésus. La première partie de la lecture propose
une certaine symétrie entre le père et la mère.
Les deux ont droit aux plus grands égards de leurs enfants.
Les deux reçoivent de ces comportements respectueux une réputation
(appelée « gloire » et « honneur »
dans le texte) qui les comble.
La deuxième partie de la lecture touche une
situation qui survenait à cette époque beaucoup plus
tôt que maintenant : la vieillesse. À quarante ans,
une personne était déjà bien détériorée!
La tentation devait être grande pour les plus jeunes, embourbés
dans les combats de la vie, de ne pas partager leurs minces ressources
avec des parents devenus impotents, improductifs et donc inutiles.
On fait entendre ici comme un écho du quatrième commandement
de Dieu. Lhonneur dû aux parents ne séteint
pas avec leur utilité!
Que nous voilà loin de notre société
adolescente, qui enferme les individus dans les limites de leur
désir et de leur développement personnel! Le message
proclamé ici est un message de solidarité et de constance
dans le dévouement. On simagine que les services gouvernementaux
voient à tout... Malheureusement, la réalité
vient nous rattraper : des préposés étrangers
à la famille ne sauront jamais mieux que les enfants soutenir
le moral des parents affaiblis. Et chaque parent porte dans son
cur le rêve profond dun lien vivant avec sa progéniture,
fut-elle exilée aux quatre coins du continent ou de la planète.
Devant ces faits, les propos du sage de la Bible prennent du relief!
Ils nous incitent à ne pas nous laisser enfermer dans lillusion
de la facilité.
La réciprocité, une force
Colossiens 3, 12-21
Chaque fois que jai osé prêcher
sur un texte de ce genre, le téléphone du presbytère
a immanquablement sonné rageusement quelques minutes après
la messe. Je ne compte plus les conversations orageuses que jai
subies pour avoir essayé dexpliquer le contexte social
où les propos de réciprocité entre mari et
femme, parents et enfants prenaient toute leur force. Car cest
là une clé essentielle pour saisir le propos de ce
texte. Le « mutuellement » du verset
13 et le « les uns les autres » du verset
16 en sont de bons indices.
Pourquoi ces réactions violentes devant les
propos bibliques qui sont, en pratique, plutôt égalitaires?
Les médias ont vraiment réussi à éroder
la beauté de la relation matrimoniale. En véhiculant
le mépris pour le vocabulaire propre aux époux, en
le remplaçant par limbuvable langage adolescent du
« chum » et de la « blonde », les médias
ont transformé la relation conjugale en synonyme de «
prison » et de « problème ». Comment peut-on
alors prétendre que cette relation sera un lieu par excellence
de la manifestation de Dieu dans la société? Nous
voilà bien loin du « tout ce que vous dites, tout ce
que vous faites » qui est compris comme véhicule dun
immense merci adressé au Père de Jésus Christ!
Le signal de départ était pourtant très
clair. On exprime dentrée de jeu ce qui peut justifier
une transformation des comportements humains : le choix fait par
Dieu, les statuts de « fidèles » et de «
bien-aimés » accordés aux personnes sensibles
à lalliance divine. Quand on participe à un
tel état, on ne shabille pas le cur nimporte
comment. On peut se permettre une armure de tendresse, de bonté,
dhumilité, de douceur, de patience. On nhésite
pas à se laisser introduire dans une dynamique de support
mutuel et de pardon, à la manière du Seigneur.
Les songes, pour rêver le présent
Matthieu 2, 13-15.19-23
Par trois fois, le père de Jésus reçoit
des consignes claires sur le meilleur comportement à adopter
en fonction du bien-être du fils premier-né. Par sa
construction, par son recours à un mode de communication
réputé valide, par ses liens avec dautres textes
bibliques, lévangile convie à prendre en exemple
la transformation de la vie de Joseph, père de Jésus.
Joseph accorde sa vie aux songes. Il est donc un juste, un personnage
qui vit selon les vues divines.
De plus, ces songes justifient létonnante
carrière de Jésus. Comment une personne née
dans les bas-fonds montagneux de Galilée, à Nazareth,
pouvait-elle prétendre au titre de « fils de Dieu »?
La logique sociale voulait que lon reproduise exactement les
fonctions du père. Qui sécartait de ce filon
défini pour toujours devait être un fraudeur ou un
accapareur des ressources des autres. Les premières générations
chrétiennes devaient justifier le tournant étrange
de la vie de Jésus. Comment un fils douvrier a-t-il
pu légitimement se présenter comme rabbin, comme enseignant?
La citation du prophète Osée au verset
15 établit une équivalence étonnante en
faveur de Jésus. Le texte prophétique original comprend
que le fils, cest Israël, cest tout le peuple.
La citation investit Jésus dune tâche de représentation
collective entérinée par Dieu lui-même.
Peu de gens, dans notre société, prennent
une décision importante sur la base dun songe. Il sagit
dun état de conscience altéré. Cependant,
pour 90% des sociétés humaines actuelles, cest
un moyen crédible dinformation et de conduite de la
vie. Le récit biblique est donc facilement acceptable pour
de larges pans de lhumanité daujourdhui.
Nous pouvons nous méfier des songes. Ne nous privons pas
pour autant de ladmiration pour Joseph et Jésus proposée
dans ce récit!
Source: Le Feuillet biblique,
no 2124. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre
biblique de Montréal.
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