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Dimanche de la Sainte-Famille A - 30 décembre 2007

 

Osée, la famille?

La fuite en Égypte : Matthieu 2, 13-15.19-23
Autres lectures : Siracide 3, 2-6.12-14; Psaume 127(128); Colossiens 3, 12-21

Centrer un dimanche sur la famille de Jésus, et la présenter comme un archétype de nos propres familles, c’est déjà une affirmation très vigoureuse des convictions de notre Église : ainsi vont les familles, ainsi va le monde! Ce n’est pas l’avis des médias qui veulent façonner nos rêves. Par contre, la famille s’avère une valeur sûre quand un parti politique se cherche un axe porteur pour ses communications électorales... Notre société n’en est pas à une contradiction près! Chose certaine, le thème de la famille conteste l’individualisme actuel. Le thème de la famille correspond à une série de préoccupations profondes de notre population. Le Lectionnaire de ce dimanche nous entraîne dans un univers de relations familiales où les préoccupations et le langage sont vraiment différents des nôtres. Dans quel type de société les écrits bibliques trouvaient-ils un écho favorable? Sachant cela, nous pourrons poser sereinement la question : Qu’y a-t-il pour nous dans ces textes?


L'individualisme, une illusion
Ben Sirac le Sage 3, 2.6.12-14

  Nous voici environ 150 ans avant l’époque de Jésus. La première partie de la lecture propose une certaine symétrie entre le père et la mère. Les deux ont droit aux plus grands égards de leurs enfants. Les deux reçoivent de ces comportements respectueux une réputation (appelée « gloire » et « honneur » dans le texte) qui les comble.

  La deuxième partie de la lecture touche une situation qui survenait à cette époque beaucoup plus tôt que maintenant : la vieillesse. À quarante ans, une personne était déjà bien détériorée! La tentation devait être grande pour les plus jeunes, embourbés dans les combats de la vie, de ne pas partager leurs minces ressources avec des parents devenus impotents, improductifs et donc inutiles. On fait entendre ici comme un écho du quatrième commandement de Dieu. L’honneur dû aux parents ne s’éteint pas avec leur utilité!

  Que nous voilà loin de notre société adolescente, qui enferme les individus dans les limites de leur désir et de leur développement personnel! Le message proclamé ici est un message de solidarité et de constance dans le dévouement. On s’imagine que les services gouvernementaux voient à tout... Malheureusement, la réalité vient nous rattraper : des préposés étrangers à la famille ne sauront jamais mieux que les enfants soutenir le moral des parents affaiblis. Et chaque parent porte dans son cœur le rêve profond d’un lien vivant avec sa progéniture, fut-elle exilée aux quatre coins du continent ou de la planète. Devant ces faits, les propos du sage de la Bible prennent du relief! Ils nous incitent à ne pas nous laisser enfermer dans l’illusion de la facilité.


La réciprocité, une force
Colossiens 3, 12-21

  Chaque fois que j’ai osé prêcher sur un texte de ce genre, le téléphone du presbytère a immanquablement sonné rageusement quelques minutes après la messe. Je ne compte plus les conversations orageuses que j’ai subies pour avoir essayé d’expliquer le contexte social où les propos de réciprocité entre mari et femme, parents et enfants prenaient toute leur force. Car c’est là une clé essentielle pour saisir le propos de ce texte. Le « mutuellement » du verset 13 et le « les uns les autres » du verset 16 en sont de bons indices.

  Pourquoi ces réactions violentes devant les propos bibliques qui sont, en pratique, plutôt égalitaires? Les médias ont vraiment réussi à éroder la beauté de la relation matrimoniale. En véhiculant le mépris pour le vocabulaire propre aux époux, en le remplaçant par l’imbuvable langage adolescent du « chum » et de la « blonde », les médias ont transformé la relation conjugale en synonyme de « prison » et de « problème ». Comment peut-on alors prétendre que cette relation sera un lieu par excellence de la manifestation de Dieu dans la société? Nous voilà bien loin du « tout ce que vous dites, tout ce que vous faites » qui est compris comme véhicule d’un immense merci adressé au Père de Jésus Christ!

  Le signal de départ était pourtant très clair. On exprime d’entrée de jeu ce qui peut justifier une transformation des comportements humains : le choix fait par Dieu, les statuts de « fidèles » et de « bien-aimés » accordés aux personnes sensibles à l’alliance divine. Quand on participe à un tel état, on ne s’habille pas le cœur n’importe comment. On peut se permettre une armure de tendresse, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience. On n’hésite pas à se laisser introduire dans une dynamique de support mutuel et de pardon, à la manière du Seigneur.

Les songes, pour rêver le présent
Matthieu 2, 13-15.19-23

  Par trois fois, le père de Jésus reçoit des consignes claires sur le meilleur comportement à adopter en fonction du bien-être du fils premier-né. Par sa construction, par son recours à un mode de communication réputé valide, par ses liens avec d’autres textes bibliques, l’évangile convie à prendre en exemple la transformation de la vie de Joseph, père de Jésus. Joseph accorde sa vie aux songes. Il est donc un juste, un personnage qui vit selon les vues divines.

  De plus, ces songes justifient l’étonnante carrière de Jésus. Comment une personne née dans les bas-fonds montagneux de Galilée, à Nazareth, pouvait-elle prétendre au titre de « fils de Dieu »? La logique sociale voulait que l’on reproduise exactement les fonctions du père. Qui s’écartait de ce filon défini pour toujours devait être un fraudeur ou un accapareur des ressources des autres. Les premières générations chrétiennes devaient justifier le tournant étrange de la vie de Jésus. Comment un fils d’ouvrier a-t-il pu légitimement se présenter comme rabbin, comme enseignant? La citation du prophète Osée au verset 15 établit une équivalence étonnante en faveur de Jésus. Le texte prophétique original comprend que le fils, c’est Israël, c’est tout le peuple. La citation investit Jésus d’une tâche de représentation collective entérinée par Dieu lui-même.

  Peu de gens, dans notre société, prennent une décision importante sur la base d’un songe. Il s’agit d’un état de conscience altéré. Cependant, pour 90% des sociétés humaines actuelles, c’est un moyen crédible d’information et de conduite de la vie. Le récit biblique est donc facilement acceptable pour de larges pans de l’humanité d’aujourd’hui. Nous pouvons nous méfier des songes. Ne nous privons pas pour autant de l’admiration pour Joseph et Jésus proposée dans ce récit!

 

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2124. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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