Avoir
faim de donner le pain de Dieu
Discours sur le pain de vie : Jean
6, 51-58
Autres lectures : Deutéronome
8, 2-3.14b-16a; Psaume
147(148); 1
Corinthiens 10, 16-17
Dans trois semaines souvrira
à Québec le 49e Congrès eucharistique international.
Dans lévangile de ce dimanche, Jésus déclare
: Le pain que je donnerai, cest ma chair, donnée pour
que le monde ait la vie (Jean 6, 51). Le thème choisi pour
le congrès 2008 fait écho à cette parole :
« LEucharistie, don de Dieu pour la vie du monde »
! Loccasion est belle de laisser la parole de Jésus
nous réchauffer le cur pour que nous sachions encore
une fois le reconnaître à la fraction du pain. Ainsi,
nous pourrons entrer plus à fond dans le mystère eucharistique
dans lequel Dieu continue de donner sa vie au monde.
La fête du Saint-Sacrement permet à
lÉglise de montrer Dieu qui, dans le Christ, se donne
lui-même pour que le monde ait la vie : De même que
le Père, qui est vivant, ma envoyé, et que moi,
je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera
vivra par moi (6, 57). Mais au moment où nous voulons
proclamer publiquement notre foi en Jésus véritablement
présent avec son corps et son sang dans leucharistie,
nous constatons que plusieurs de nos frères et surs
ne se retrouvent plus autour de la table eucharistique. En cela,
nous vivons une expérience semblable à celle de Jésus.
Devant son discours sur le pain de vie, les Juifs discutaient entre
eux : Comment cet homme-là peut-il nous donner sa
chair à manger ? (6, 52).
Le mystère
d'une Présence
Dans ces conditions, il importe de bien comprendre
le discours de Jésus sur le pain de vie. Ainsi, nous pourrons
non seulement entrer plus à fond dans le mystère,
mais nous serons mieux à même de témoigner de
notre foi au Saint-Sacrement du corps et du sang du Christ. Nous
pourrons mettre en pratique ce que saint Pierre nous recommande
dans sa première lettre : Vous devez toujours être
prêts à vous expliquer devant tous ceux qui vous demandent
de rendre compte de lespérance qui est en vous
(1 Pierre 3, 15).
Jésus commence par nous parler de sa provenance
: il est descendu du ciel (Jn 6, 51), il vient de
Dieu. Or, quand Dieu nous donne son Fils, il ne nous donne pas nimporte
quoi. Moi, je suis le pain (6, 51), dit Jésus. Dans
notre société de surabondance, nous oublions parfois
que le pain est une nourriture de base. Le pain est un aliment tout
simple, mais aussi un aliment complet. Mystérieusement, il
est assimilé en nous et soutient notre vie physique. En nous
donnant son Fils, Dieu nous nourrit. Il nous donne son pain. Il
soutient toute notre vie.
Le pain
de la vie
Jésus descend du ciel comme le pain de vie
(6, 48). Bien plus : Moi, je suis le pain vivant (6, 51).
Le don que nous fait Dieu en Jésus ne se limite pas à
faire durer la vie que nous connaissons. Il ne sagit pas seulement
de ne pas mourir. En Jésus, Dieu nous donne de vivre pour
léternité : Si quelquun mange de ce
pain, il vivra éternellement (6, 51). Le don que Dieu
fait de son Fils ne sest pas limité aux quelques années
où Jésus a marché sur notre terre. Tout comme
Dieu le Père nous a donné son Fils, le Fils se donne
lui-même et il continue de se donner : Le pain que je donnerai,
cest ma chair, donnée pour que le monde ait la vie
(6, 51).
Comment comprendre cette expression mystérieuse
? Il faut dabord se rappeler que nous sommes ici dans lévangile
de Jean. Or Jean est passé maître dans lart dutiliser
les symboles. Souvent, il dit bien plus quil ny paraît
lors dune première lecture. Ainsi, avant le discours
de Jésus, les Galiléens lui demandent : Quel signe
vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ?
Quelle uvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères
ont mangé la manne ; comme dit lÉcriture : Il
leur a donné à manger le pain venu du ciel (6,
30-31). Quand ils parlent ici de la manne, « les Galiléens
se réfèrent à la Loi qui avait été
donnée au Sinaï et dont Israël faisait sa nourriture
quotidienne »1. Jésus leur répond
sur le même registre : Moi, je suis le pain de la vie
(6, 35). Jésus affirme ainsi quil accomplit en sa personne
ce que la Loi devait accomplir pour le peuple dIsraël.
Or, il le fait bien mieux puisque le pain de Dieu, cest
celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde (6, 33),
pas seulement au peuple dIsraël.
Le même genre de symbolisme est à luvre
dans le passage que nous lisons ce dimanche. Jusquici, Jésus
avait parlé du pain que Dieu son Père donne au monde
: Ce nest pas Moïse qui vous a donné le pain
venu du ciel ; cest mon Père qui vous donne le vrai
pain venu du ciel (6, 32). Ici, il parle dun autre pain
: Le pain que je donnerai (6, 51). Ce nest plus le
Père, mais le Fils qui donne un autre pain. Ce pain, il le
donnera dans le futur.
Pour
la vie du monde
De quel pain sagit-il ? Le pain que je donnerai,
cest ma chair (en grec : sarx), donnée pour
que le monde ait la vie (6, 51). Pour bien comprendre cette
parole mystérieuse, il importe de se rappeler le sens du
mot grec sarx, que nous traduisons par « chair ».
« La chair qualifie la condition terrestre et fragile, par
op-position à lesprit qui indique lorigine divine
et céleste »2. Quand Jésus
déclare quil donne sa chair pour que le monde ait la
vie, il indique dabord de quelle manière il va mourir.
Il indique aussi que la mort naura pas le dernier mot. Sa
mort débouche sur la vie, la vie éternelle. Pas seulement
pour lui, mais aussi pour nous : Si quelquun mange de ce
pain, il vivra éternellement (6, 51).
Mais quand il se présente comme le pain vivant,
qui est descendu du ciel (6, 51), Jésus va encore plus
loin. Il ajoute : Ma chair est la vraie nourriture et mon sang
est la vraie boisson (6, 55). Ce faisant, il nous indique que
le don de sa vie pour nous se prolonge dans le mystère eucharistique.
À chaque Eucharistie, Jésus continue de donner sa
vie pour que le monde ait la vie (6, 51). À travers le pain
et le vin transformés pendant lEucharistie, il nous
donne véritablement son corps et son sang : Celui qui
mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi je demeure
en lui (6, 56). À chaque Eucharistie, nous continuons
de cueillir les fruits de larbre de la croix, les fruits de
la vie éternelle.
Le premier fruit de lEucharistie, Jésus
lexprime ainsi : Celui qui mange ma chair et boit mon sang
demeure en moi et moi je demeure en lui (6, 56). Nous devenons
la demeure du Christ et nous demeurons en lui. Ce faisant, nous
renouons avec la démarche première de tout disciple.
Au début de lévangile de Jean, les deux premiers
hommes à suivre Jésus lui demandent : Où
demeures-tu ? (Jn 1, 38). Il leur répond :
Venez et voyez. Ils vinrent donc et virent où
il demeurait, et ils demeurèrent auprès de lui ce
jour-là (1, 39).
Jésus nous indique un autre fruit de lEucharistie
: De même que le Père, qui est vivant, ma
envoyé, et que moi je vis par le Père, de même
aussi celui qui me mangera vivra par moi (6, 57). Non seulement
nous demeurons dans le Christ, nous vivons par lui. Comme le Père
la envoyé, Jésus, qui est vivant, nous envoie
aussi. Cest ce quil dira après sa résurrection
: De même que le Père ma envoyé, moi
aussi, je vous envoie (20, 21). En accueillant le corps et le
sang du Christ, nous acceptons donc une mission. Celui qui demeure
en nous demande que nous le portions aux hommes et aux femmes qui
croisent notre route.
1 Xavier Léon-Dufour, Lecture de
l'Évangile selon Jean, II (chapitres 5-12). (Parole de
Dieu), Paris, Cerf, 1990, p. 135.
2 Xavier Léon-Dufour, Dictionnaire
du Nouveau Testament. Deuxième édition revue,
Paris, Seuil, 1975, p. 158.
Source: Le Feuillet biblique,
no 2145. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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