La
foi et ses repères
Le Paraclet, Jésus et le Père viendront
vers ceux qui aiment Jésus : Jean
14, 15-21
Autres lectures : Actes
8, 5-8.14-17; Psaume
65(66); 1
Pierre 3, 15-18
Quand le quatrième évangile
reçoit sa forme définitive, cinquante ou soixante
ans sont passés depuis les événements fondateurs,
la mort et la résurrection de Jésus. Les témoins
de la première heure se font rares; la majorité des
chrétiens est désormais constituée par des
personnes qui nont jamais vu Jésus. Bien plus, la majorité
dentre elles ne sont pas dorigine juive. La parole des
missionnaires et le témoignage de leur vie ont attiré
ces nouveaux croyants (cf. Jean
13, 35). En cela les chrétiens de la deuxième
génération nous ressemblent; ils doivent affronter
la même question fondamentale : comment croire en quelquun
qui nest pas là et quon na jamais vu? Lévangile
va apporter à cette interrogation une réponse radicale
: Heureux ceux qui croient sans avoir
vu (Jn
20, 29). Mais au-delà de cette formule en forme de slogan
il faut quand même donner aux croyants quelques points de
repère pour ancrer leur foi. Les chapitres
13 à 17 de lÉvangile de Jean sy emploient
par plusieurs voies complémentaires. Lextrait retenu
par la liturgie de ce 6ième dimanche de Pâques en est
un exemple.
Si
vous m'aimez... (v. 15)
Il est impossible dentrer en relation
vivante avec Jésus si cette relation nest pas basée
sur lamour. Les recherches historiques sont importantes mais
elles se situent à un niveau différent. Quelquun
peut maîtriser toutes les connaissances possibles au sujet
de Jésus, si sa science ne le conduit pas à lamour
il naura jamais rencontré le vrai Jésus. Nous
avons reconnu lamour que Dieu a pour nous et nous y avons
cru. Dieu est amour; celui qui demeure dans lamour demeure
en Dieu et Dieu demeure en lui (1 Jean 4,16).
Dieu est la source de lamour et
la réponse de lêtre humain est daimer à
son tour. La manière de vivre cet amour consiste à
rester fidèle (aux) commandements (v. 15).
Souvent on oppose amour et commandement. Lamour est spontanéité,
le commandement, contrainte. Pourtant Jésus lie les deux
: celui qui a reçu mes commandements et y reste fidèle,
cest celui-là qui maime (v. 21a). Le commandement
de Jésus est précisément celui de lamour
(cf. Jn
13, 34). Quiconque grandit dans lamour grandit aussi dans
lintimité avec Dieu et avec Jésus : celui
qui maime sera aimé de mon Père, moi aussi je
laimerai et je me manifesterai à lui (v. 21b).
Lamour vécu à la manière de Jésus,
voilà un moyen de le rencontrer.
L'autre
défenseur (v. 16)
Dans la Première lettre de
Jean, Jésus lui-même apparaît comme le défenseur
des pécheurs auprès de son Père (cf. 1
Jn 2,1b). Dans lévangile cest lui qui
promet un autre défenseur qui viendra, dune certaine
manière, suppléer à son absence. Il lidentifie
comme Esprit de vérité (v. 17). On comprend
quil sagit de lEsprit Saint mais doù
vient cette manière de le désigner, propre à
lévangile de Jean? À Qumran lEsprit de
vérité occupe une place importante; il vaut la peine
de citer un extrait de La Règle de la Communauté
: Cest à lesprit de vérité
quil appartient dilluminer le cur de lhomme
et daplanir devant tout homme les voies de la véritable
justice et de mettre en son cur la crainte des jugements de
Dieu. Et cest à lui quappartiennent lesprit
dhumilité et de longanimité et labondante
miséricorde et léternelle bonté
Tels sont les conseils de lesprit pour les fils de vérité
dans le monde (1QS IV, 2
6. Traduction de Dupont-Sommer
Éd. de la Pléiade).
Jean ne sinspire peut-être
pas directement des écrits de Qumran mais il puise sans doute
aux sources de ce courant spirituel encore bien vivant à
son époque. LEsprit de vérité ne
se réfère pas dabord à une notion abstraite
de la vérité mais à la Vérité
elle-même, cest-à-dire Dieu. Il est réservé
aux disciples de Jésus (v.
17) pour être leur défenseur. Quel est le sens
de cette défense? Contre qui les disciples de Jésus
ont-ils besoin dêtre défendus?
Le contexte suggère que son rôle
consiste à assister les disciples en butte à lincompréhension
et à lhostilité du Monde. On rejoint une idée
exprimée plus clairement dans les autres évangiles
: Lorsquon vous livrera
ce que vous aurez à
dire vous sera donné sur le moment, car ce nest pas
vous qui parlerez mais lEsprit de votre Père qui parlera
en vous (Matthieu 10, 19-20). En situation de crise,
Jésus nabandonne pas les siens; il continue à
les soutenir par son Esprit.
Je
ne vous laisserai pas orphelins (v. 18)
Les orphelins constituent, avec les
étrangers et les veuves, une catégorie de personnes
particulièrement vulnérables et auxquelles la Loi
accorde une protection spéciale (Exode
22, 22; Deutéronome
10, 18 etc
). Menacer quelquun de rendre sa femme
veuve et ses enfants orphelins est encore pire que le menacer de
mort car ceux quil aime seront exposés à tous
les dangers (Ex
23, 23; Ps
109(108), 9). Jésus ne veut pas abandonner ses disciples
à un tel sort misérable.
Par ailleurs, mis à part Jn
13, 33 où Jésus appelle ses disciples petits enfants,
jamais il ne revendique à leur égard un statut de
père. Même si son départ crée chez les
disciples le sentiment dêtre abandonnés et sans
défense, ce nest que par analogie quon peut parler
dorphelins. La résurrection sera sa réponse
à cette crise. Parce quils croient en lui et quils
laiment, les siens pourront le voir vivant. Ils découvriront
alors quil partage la vie de Dieu et queux mêmes
y sont associés : en ce jour-là vous reconnaîtrez
que je suis en mon Père, que vous êtes en moi et moi
en vous (v. 20). Cette intimité nouvelle, fruit de lEsprit,
permettra non seulement aux disciples de la première heure
mais aux croyants de tous les temps de surmonter lobstacle
de labsence de Jésus.
Rendre
compte de l'espérance (1 Pierre 3, 15-18)
En quelques lignes Pierre énonce
lessentiel de la foi (cf. vv.
15a.18) et de ses conséquences pour la vie des croyants.
Première conséquence : la nécessité
du témoignage, cest-à-dire être capable
de sexpliquer au sujet de sa foi et de son espérance
dune manière respectueuse à légard
de ceux qui ne partagent pas les mêmes convictions (cf. vv.
15-16a). Deuxième conséquence : mener une vie
irréprochable pour ne pas alimenter les préjugés
des personnes de lextérieur de lÉglise.
Troisième conséquence : être prêt à
souffrir, si cest nécessaire, par fidélité
au Christ, lui qui a accepté la passion et la mort avant
dentrer dans la gloire (vv.
17-18; cf. Mt
5, 11-12). Cet écrit de la première génération
chrétienne se révèle encore dune percutante
actualité.
Ils
recevaient le Saint-Esprit (Actes 8, 5-8.14-17)
Les signes accomplis par Philippe correspondent
à la pratique de Jésus (v.
7, cf. Luc
6, 17-19) et à la mission quil avait confiée
à ses disciples (cf. Lc
9 ,2; 10,
9). Le signe par excellence, celui par lequel la conversion
des Samaritains est authentifiée, est la venue de lEsprit
Saint (v.
17). Il sagit dune nouvelle Pentecôte non
plus réservée aux seuls disciples de la première
heure (Ac
2,1-4) mais à des nouveaux convertis, même
à des Samaritains considérés par les Juifs
comme des hérétiques (cf. Sirac
50, 26). Lesprit de Vérité commence déjà
à faire tomber les barrières et à ouvrir les
frontières.
.
Source: Le Feuillet biblique,
no 2141. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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