Un
incontournable chemin
Jésus, chemin vers le Père pour ceux
qui croient en lui : Jean
14, 1-12
Autres lectures : Actes
6, 1-7;
Psaume
32(33); 1
Pierre 2, 4-9
Le chapitre
14 de Jean est souvent considéré comme un discours
tout simplement parce que Jésus y parle abondamment. Mais
il serait peut-être plus juste den parler comme dun
long dialogue ou encore comme dun entretien intime du maître
avec ses disciples. En effet, ceux-ci interviennent dans notre extrait
au moins à deux reprises : Thomas qui avoue ne pas connaître
le chemin dont parle Jésus (Jean
14, 5); Philippe qui presse son Maître de sen tenir
à leur montrer le Père (v.
8).
Mais, vous laurez deviné, il sagit
là dun procédé littéraire employé
par lauteur lui permettant de présenter les thèmes
majeurs de la révélation de Jésus le Christ
: il est chemin vers le Père (vv. 2-6); il est
présence visible du Père (vv. 7-11); et il restera,
par ses uvres, (vv. 11-12) présence auprès
des siens par delà la mort.
Un
message de paix
Les apôtres sont dans une profonde angoisse dabord
parce quils savent que la vie de leur Maître est menacée
et aussi parce que ce dernier leur annonce son prochain départ.
Cependant, pour atténuer le choc, il leur révèle
quil sen va leur préparer une place (v.
2). Tous les éléments dun drame sont en
train de se mettre en place, doù les esprits et les
curs troublés. Mais contrairement aux siens, Jésus
manifeste une étonnante sérénité car
il nourrit un total abandon à Dieu son Père. Jésus
désire ardemment transmettre aux siens ce sentiment de confiance
qui lhabite : Ne soyez donc pas bouleversés : vous
croyez en Dieu, croyez aussi en moi (v. 1). Cette absence de
trouble intérieur peut étonner car quelques textes
nous apprennent que Jésus a connu durant sa vie le malaise
dont les apôtres sont affligés, comme à loccasion
de la résurrection de Lazare (11,
43) ou de la trahison de Judas (13,
21). Mais aujourdhui, avec la force de lEsprit,
son humanité a dépassé cet état dâme.
Jean nous montre un Jésus qui se perçoit déjà
dans la gloire imminente du Père.
Une
invitation pressante
Lapôtre Jean, à qui lon attribue
la rédaction de cet évangile, invite incessamment
à croire. Sil nutilise pas lexpression
consacrée « avoir la foi », ni même le
mot « foi », il emploie par contre très fréquemment
la formule « croire en » : Croire en son nom
(2, 23); croire en son Père (3, 16); croire en
Celui qui la envoyé (5, 24); croire en lui (6,
35). Ajoutons aussi que la démarche de foi sarticule
toujours autour de trois pôles : accueil du don, existence
conforme au don reçu, entrée dans le Royaume au terme
du voyage.
Un
grand cri du cur
Revenons à la question un peu cavalière
de Thomas : Seigneur, nous ne savons même pas où
tu vas; comment pourrions-nous savoir le chemin ? (v. 5). En
effet, Jésus semble certain que les siens savent et connaissent
le chemin dont il parle et pourtant... Peut-on encore y voir un
procédé littéraire donnant à Jésus
lopportunité de préciser sa pensée? Sûrement.
Une occasion lui est donc offerte de lever le voile sur une révélation
théologique importante : Je suis le chemin (v. 6).
Cette précision chasse toute ambiguïté : aucun
rapport avec un quelconque voyage à entreprendre, ni avec
de longues routes à envisager, et encore moins avec des itinéraires
risquées à entreprendre. Jésus, par sa réponse,
ramène encore les siens vers sa personne en employant une
expression particulièrement chère à Jean, le
: « Je suis
».
Le
vrai chemin
Pour le peuple hébreux, le chemin a une résonance
bien particulière. Marcher, cest être vivant;
et marcher droit, cest emprunter les chemins de Yahvé.
Limage du chemin fait appel aussi au Dieu qui sauve du péril.
Dans notre passage dominical, ces divers sens sont suggérés
mais à la manière johannique : Jésus est sauveur
puisquil est Vérité et Vie (v. 6). Il
est celui qui chemine sur les sentiers de Dieu dont il fait la volonté
(v.
10). Enfin il est le seul à détenir le secret
du comment aller au Père (v.
6b). Le mot chemin est donc un mot-clé. Et cette clé
ouvre les esprits et les curs. Il faut comprendre que Jésus
nest pas le terme du chemin mais quen saisissant
sa Vérité et sa Vie on est dans son Chemin,
on est déjà en possession du Royaume de son Père.
La
question de Philippe
Lapôtre Philippe sest rendu compte
depuis longtemps combien Jésus attachait de limportance
à son Père. Malgré tout il semble encore dans
lincertitude, qunad il demande : Seigneur, montre-nous
le Père; cela nous suffit (v. 8). On se demande sil
naspire pas à être témoin dune théophanie
semblable à celle quont connue Moïse ou Isaïe,
ces deux privilégiés de la vision béatifique.
Jésus, comme il la fait avec Thomas, va ramener le
regard de Philippe sur sa personne : Celui qui ma vu a
vu le Père (v. 9). Linterrogation du disciple fournit
à Jésus une autre occasion de se révéler
davantage.
La
mission de Jésus
En outre, la réponse de Jésus à
Philippe contient un doux reproche (v.
9) car Jésus na fait que cela, montrer le Père
: cest sa mission. Ensuite il apprend à son apôtre
à ne plus attendre de manifestations extraordinaires de Dieu,
ni à dissocier sa personne de celle du Père. Jésus
insiste sur le fait que le Père nest perceptible quen
lui, Jésus de Nazareth. Il est la révélation
authentique du Père; il prononce des paroles au nom de son
Père; et il en accomplit les uvres. Mais il sent que
tout cela est difficile à saisir pour son disciple et donc
à croire (vv.
9-10). Avouons que cela lest tout autant pour les autres
apôtres et pour nous. Mais difficile ne veut pas dire impossible.
Jésus, dans une affirmation ferme mais touchante de tendresse,
sécrit : Croyez ce que je vous dis (v. 11),
puis comme sil nétait pas certain de ladhésion
des siens, il ajoute : Si vous ne croyez pas en ma parole, croyez
au moins à cause de mes uvres (v. 11).
Le
désir des disciples
Le désir de contempler le Père, tel est
bien lessentiel de ce que nous ont transmis les apôtres.
Aussi, leur recherche croyante na jamais cessé «
de gagner du terrain » et de faire augmenter le nombre
des disciples (Actes 6, 7) dont nous sommes. Grâce
à leur foi, notre espérance est restée vive.
Mais pour que cette foi demeure vivante, il ne suffit pas que la
Parole soit proclamée et entendue, il faut quelle sincarne
en nos existences. Il faut quelle déracine notre orgueil,
nos futiles suffisances, nos dérisoires vanités. Cest
à ce prix que des espaces neufs seront défrichés
afin que Dieu puisse venir établir sa demeure en nous.
.
Source: Le Feuillet biblique,
no 2140. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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