Le
désert, un chemin d'humanité
Jésus tenté au désert : Matthieu
4, 1-11
Autres lectures : Genèse
2, 7-9; 3,
1-7a ; Psaume
50(51); Romains
5, 12-19
Au commencement il y avait un
beau jardin au milieu duquel poussait larbre de vie (Genèse
2, 9). Dans ce jardin fut placé le premier être
vivant (Gn
2, 7). Puis le nouvel Adam, Jésus, fut conduit non pas
dans un jardin, mais au désert (Matthieu
4, 1). Enfin arrive le Tentateur, celui qui induit en erreur
(Gn
2, 4) et celui qui exige ladoration (Mt
4, 9).
Du
jardin au désert
À quelques milliers dannées
de nous, deux récits mettent en scène la tentative
de séduction du diable. Dans le premier, Adam et Ève
sont sous le charme et succombent. Dans lautre, Jésus
résiste et vainc. Loccasion est belle, en relisant
ces vieux récits, dattribuer à Jésus
la mission de changer le désert du monde en un beau jardin
où poussent toute sorte darbres à laspect
attirant et aux fruits savoureux (Gn 2, 9).
La
tentation de la désespérance
Mais rien nest simple ! Le mal individuel et
collectif fait toujours des ravages en notre monde et la victoire
de Jésus sur le tentateur na, hélas ! pas transformé
nos contrées intérieures, désertiques et stériles,
en terre féconde et riche. Il arrive même que la tentation
de la désespérance sinstalle en nos vies pourtant
bien chrétiennes et donc croyantes. Réfléchissons
donc autrement sur les textes bibliques de ce dimanche qui, manifestement,
est loin de nous proposer un retour à lÉden
des origines. La souffrance millénaire des hommes et des
femmes ne peut être effacée ni occultée même
si quelquun a écrit que « le sang sèche
vite quand il entre dans lHistoire ».
Une
quête permanente
La nostalgie des temps anciens na jamais rien
donné de bon ni dheureux. Pourquoi ? Parce quelle
se nourrit trop souvent de rêves déçus, dillusions
perdues, de bonheurs illusoires. Comme chrétiens, ce nest
pas vers ces miroirs aux alouettes quil faut nous tourner,
mais vers des réalités spirituelles qui sont des chemins
obligés conduisant vers la croix douloureuse puis vers la
croix glorieuse. Notre vocation humaine nest pas un appel
à rebrousser chemin mais un appel vers lavant, vers
lavenir de Dieu. Cependant, le paradis perdu peut être
recherché, il doit être même une quête
permanente. Son nom? Le Royaume de Dieu. Ce Royaume, il est toujours
à bâtir. Et le lieu de cette recherche du Royaume,
seffectue au désert, là où des tentations
de toutes sortes nous attendent; là aussi où la force
de lEsprit nous aide à triompher.
Un
jardin à sarcler
Rien na beaucoup changé depuis le récit
de la Genèse. Depuis toujours, lhomme et la
femme sont des êtres en recherche de plénitude et de
perfection. Nous sommes toujours tentés, mais par des appâts
qui changent de noms selon notre destinée humaine et notre
culture. Ce nest pas plus facile pour nous que ce létait
pour nos devanciers, fussent-ils sortis du livre de la Genèse,
de la pré-histoire, de la légende, du roman-fiction
ou de la chanson à texte. Rien de neuf sous le soleil, a
dit le vieux Qohélet (Qo
3,1). Mais, ce qui est consolant cest que pour une multitude
de fautes, le don gratuit de Dieu conduit à la justification
(Romains
5, 16). Cela ne nous empêche pas de sarcler notre petit
jardin afin dy faire pousser des semences de paix, de bonté,
de pardon. Mais la sécheresse nous guette et, par voie de
conséquence, le désert aussi.
Un
chemin d'humanité
En acceptant de prendre chair, Jésus est venu
ouvrir à nouveau un chemin dhumanité. Il est
venu nous réapprendre notre vraie vocation qui est celle
de marcher vers le bonheur. En empruntant le chemin de Jérusalem
pour accomplir sa mission rédemptrice, Jésus a laissé
derrière lui le paradis perdu et a ouvert de nouveaux horizons
à la mesure du cur humain. Jésus, au désert,
refuse de changer les pierres en pain, à la demande du démon
(Mt
4, 3). Mais il exigera plus tard, selon le rêve de Dieu,
que nous changions nos curs de pierre en pain de tendresse
(Ézéchiel
11, 19). En refusant le pouvoir et la domination proposés
par le diable (Mt
4, 6-7), Jésus nous apprendra tout au cours de sa vie,
le service humble et exigeant qui ouvre sur le bonheur.
Une
voie d'espérance
Il mest arrivé souvent de rencontrer des
gens, des jeunes surtout, qui prennent conscience de la médiocrité
de leur existence. Ils sont pour la plupart gâtés par
la vie : un certain confort qui les rend exigeants; des études
qui leur permettent de choisir une profession lucrative; des relations
nombreuses quoiquinstables... Malgré ou à cause
de ces facilités qui nexigent aucun combat, le mal-être
sinstalle en eux. Ils vivent au désert. Les tentations
les assaillent, et ils se posent des questions : Pourquoi résister
? Le bonheur est un droit, non ? Puis le doute sinfiltre dans
leur conscience. Ils pressentent que le vrai bonheur est ailleurs.
Une voie despérance se dessine. Daucuns laccueillent,
dautres la devinent, mais plusieurs ferment les yeux, refusant
de sy engager.
Le
choix de Jésus
Jésus inaugure sa vie publique par un combat
contre le mal, contre différentes sortes de mal. Ce combat,
il le gagne pour lui et pour nous : il choisit la vie, il nous choisit
! À nous de marcher à sa suite et de nous entraîner
pour relever le défi et espérer la victoire. Le carême
est justement une période dentraînement pour
retrouver la forme spirituelle nécessaire pour entreprendre
la lutte contre le tentateur. Pour le vaincre, Dieu est le meilleur
entraîneur qui soit. Il nous donne de précieux conseils.
Cependant, il nous laisse libres. Libres de choisir ce qui convient
à notre personnalité spirituelle. Dieu murmure à
loreille du cur. Limportant cest de savoir
lécouter en faisant la sourde oreille aux appels du
tentateur, toujours à laffût.
De
fiers combattants
Y a-t-il encore des personnes qui livrent des combats
dans les déserts de ce monde ? Question intéressante.
Question judicieuse. Pourquoi ? Parce que, de la réponse,
dépend la poursuite de la lutte. Oui, il existe de fiers
combattants qui protestent pour empêcher le désert
de venir gruger des terres prometteuses : quand des petits salariés
protestent pour sauver leur emploi et ceux de leurs pairs; quand
des chefs dentreprises font preuve dhumanité
en poursuivant un autre but que celui de la rentabilité à
outrance; quand des organisme se prêtent à la défense
des exploités, tous ceux-là reprennent à leur
compte les paroles de Jésus : Tu adoreras Dieu seul !
En dautres mots : Tu nadoreras pas les choses qui passent
mais tu accorderas du prix à la personne humaine, visage
de Dieu.
Source: Le Feuillet biblique,
no 2130. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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