Ne pas se tromper de messie!
Question de Jean et réponse de Jésus
: Matthieu
11, 2-11
Autres lectures : Isaïe
35, 1-6a.10;
Psaume
145(146); Jacques
5, 7-10
Au premier siècle de notre ère, le
Proche Orient est déjà une zone de tensions. Alors
quailleurs dans lEmpire romain Auguste fait régner
la Pax romana et quune relative stabilité sinstalle
après les troubles presque continus du siècle précédent,
la région de Judée demeure un sujet de préoccupations
pour les autorités romaines. Des soi-disant prophètes
ou messies surgissent périodiquement (cf. Actes
5, 36-37); souvent, ils confondent le Royaume de Dieu et le
royaume terrestre dIsraël, même les disciples de
Jésus se sont parfois laissés prendre par cette perspective
nationaliste (cf. Ac
1, 6). Lhistoire connaît plusieurs tentatives de
soulèvements avant lexplosion finale qui débouchera
sur la grande guerre des années 6673. Cest pourquoi
Jésus constate : Depuis les jours de Jean le Baptiste jusquà
présent le Royaume des cieux souffre violence et des violents
sen emparent (Matthieu
11, 12). On comprend facilement la perplexité de Jean
et le message quil fait porter à Jésus : Es-tu
celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre? (v. 3).
Le point de vue de Jean
Lévangile de dimanche dernier (Mt
3, 1-12) fournit lessentiel de ce que nous pouvons savoir
au sujet de Jean Baptiste. Il apparaît comme un prophète
solitaire qui reprend à son compte les thèmes principaux
de ses devanciers : le jugement de Dieu, larrivée imminente
du Jour où Dieu purifiera son peuple de manière définitive
et inaugurera son Règne. À sa prédication il
ajoute un rite de purification, le baptême, en quoi il se
rapproche dautres mouvements spirituels de son temps. Même
sil navait probablement aucune ambition personnelle,
son langage ne pouvait pas ne pas avoir dincidences politiques,
cest pourquoi il suscita linquiétude des dirigeants
officiels du monde juif (cf. Jean
1, 19-23) et de Hérode Antipas qui finit par le faire
arrêter (cf. v.
2 et Mt
14, 3).
Selon lÉvangile de Matthieu
et celui de Marc Jean et Jésus se sont rencontrés
une seule fois, lors du baptême de Jésus (Mt
3, 13-17). Il est clair que la tonalité donnée
par Jésus à son ministère contrastait avec
la prédication de Jean. Jésus annonçait lui
aussi la venue du Règne de Dieu mais comme une bonne nouvelle,
source de joie, de paix, de guérison. On peut, dès
lors, comprendre létonnement de Jean et son désir
den savoir plus au sujet de Jésus.
La bonne nouvelle est annoncée... (v. 5)
Lannonce de la Bonne Nouvelle aux pauvres constitue
le cur de la mission du mystérieux personnage qui prend
la parole en Isaïe
61, 1. Luc a repris ce thème dans le discours programme
de Jésus à la synagogue de Nazareth (Lc
4, 18-19). Dans sa réponse aux envoyés de Jean,
Jésus en fait la note caractéristique de son ministère
(cf. Lc
7, 22).
Les autres activités de Jésus : les aveugles
voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés,
les sourds entendent, les morts ressuscitent (v.
5) sont les signes visibles de cette Bonne Nouvelle non seulement
annoncée mais déjà mise en uvre. En reprenant
à son compte la prophétie de Isaïe
35, 5-6 et en lamplifiant (voir la première lecture),
Jésus montre aux envoyés de Jean que les temps nouveaux
sont déjà commencés même si leur accomplissement
nest pas encore pleinement réalisé.
Allez rapporter à Jean ce que vous entendez
et voyez (v. 4) : cest le propre du témoin de rapporter
ce quil a vu et entendu. Les disciples du Baptiste sont donc
institués témoins de la Bonne Nouvelle de Jésus;
ils deviennent missionnaires auprès de leur maître.
Selon la tradition chrétienne, Jean a été satisfait
de la réponse de Jésus. En fait, lévangile
nen dit rien. La béatitude du v. 6 : Heureux celui
qui ne tombera pas à cause de moi ressemble fort à
un appel lancé par Jésus à Jean, linvitant
à ne pas se laisser décourager même si le Royaume
advient par des chemins autres que ceux quil avait annoncés.
Qui êtes-vous allé voir? (v. 7)
Si Jean avait accepté de se taire ou sil
avait mis son influence au service des desseins politiques de Hérode
Antipas, il aurait sûrement pu sauver sa vie. Mais alors il
aurait été un roseau agité par le vent
(v. 7) qui plie devant ladversité et se laisse conduire
par son seul intérêt. Il aurait peut-être pu
se ménager une place à la cour et vivre dans les
palais des rois (v. 8) mais ceux qui étaient venus lécouter
au désert et qui avaient été séduits
par son message austère auraient eu toutes les raisons de
se sentir trahis. Les deux questions rhétoriques posées
par Jésus, aux versets
7 et 8, commandent évidemment une réponse négative.
Cette entrée en matière souligne déjà,
par contraste, comment Jean a pu, malgré tous les obstacles,
garder son indépendance et affirmer ses convictions.
Lattente du prophète semblable à
Moïse, annoncé en Deutéronome
18, 15-19, était toujours vive en certains milieux, en
particulier chez les Samaritains. Dautres espéraient
plutôt le retour dÉlie, sur la base dun
passage du livre de Malachie : Voici que je vais vous envoyer
Élie, le prophète, avant que narrive le jour
de Yahvé, grand et redoutable (Malachie 3,23).
En qualifiant Jean de plus quun prophète (v.
9), Jésus le situe dans la catégorie de ces grandes
figures emblématiques de lhistoire dIsraël.
Il reconnaît en lui le messager (cf. v.
10) chargé de préparer létape décisive
de lhistoire du salut.
Léloge de Jean paraît inconditionnel
: Parmi les enfants des femmes il ne sen est pas levé
de plus grand que Jean le Baptiste (v. 11a, traduction personnelle);
pourtant, tout de suite après, intervient une nouvelle proposition
qui semble contredire ce qui précède : le plus
petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui (v. 11b).
Depuis longtemps les commentateurs se questionnent sur le sens à
donner à cette phrase. Sagit-il dun « correctif
» apporté à une déclaration qui laissait
croire que Jésus lui-même reconnaissait la supériorité
de Jean? Nest-ce pas plutôt une affirmation de la nouveauté
absolue apportée par Jésus? Jean occupe une place
suréminente dans lancienne Alliance mais il doit céder
le pas devant ce qui est maintenant advenu avec Jésus : le
Royaume des cieux qui commence à se réaliser. Lhistoire
est entrée dans une phase nouvelle, inédite et, désormais,
rien ne sera plus comme avant. En somme, léloge de
Jean débouche sur une affirmation de la supériorité
de Jésus et de lAlliance nouvelle. Oui, Jésus
est bien celui qui doit venir; inutile den attendre un autre!
Ayez de la patience (Jacques 5, 7-10)
Dans les quatre versets retenus par la liturgie, on
trouve trois fois le verbe patienter et une fois le nom patience.
On trouve aussi deux fois lexpression la venue du Seigneur.
Jacques affirme que cette venue est toute proche (v.
8) mais il nen précise évidemment pas la
date. Pour lui, le plus important réside dans lattitude
intérieure des fidèles. La patience dont il est question
ne consiste pas à attendre les bras croisés mais à
travailler, tout comme le cultivateur qui doit sactiver durant
toute la saison même si ses efforts ne peuvent faire venir
plus vite le temps de la moisson.
Quil exulte et crie de joie (Isaïe 35, 1-6a.10)
Traditionnellement ce dimanche est appelé dimanche
de la joie. Joie de la fête de Noël toute proche mais
surtout joie du salut déjà en voie de se réaliser
depuis la venue de Jésus dans notre histoire. Le prophète
annonçait aux exilés à Babylone un avenir merveilleux
dans un univers entièrement transformé par la présence
du Seigneur. Cette intervention divine devait saccompagner
dun jugement contre les ennemis dIsraël (v.
4). On peut dire que Jean le Baptiste, dans sa prédication,
avait retenu surtout cet aspect alors que Jésus met plutôt
de lavant le renouvellement de toute la création par
lamour de Dieu, ce dont il donne des signes concrets par ses
miracles (cf. vv.
5-6).
Source: Le Feuillet biblique,
no 2122. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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