Jésus
part : à nous d'agir !
L'envoi en mission : Matthieu
28, 16-20
Autres lectures : Actes
1, 1-11; Psaume
46(47); Éphésiens
1, 17-23
La fête de lAscension
est surtout une fête de naissance de lÉglise,
plus quun constat du départ de Jésus. Bien sûr,
Jésus se rend invisible aux yeux de ses disciples. Mais ceux-ci
nauront pas grand temps pour déplorer son absence.
Les messagers de Dieu, mis en scène dans la première
lecture, sont formels. Ils questionnent le réflexe des disciples
qui fixent le ciel. Ces messagers rappellent ainsi avec ironie que
les choses vont encore et toujours se passer sur le terrain des
humains.
Les Galiléens étaient habitués
à la diversité des personnes qui circulaient sur leur
terre dorigine. Ils apprennent de la bouche des messagers
de Dieu que Jésus fera un retour, quil sera sans doute
subit. Ils découvrent surtout que le retour de Jésus
sinscrira dans la foulée de leur envoi comme témoins
jusquaux extrémités de la terre.
Tel est le contenu de la première lecture en
ce dimanche spécial. Dans la culture européenne, lévénement
de lAscension est encore prétexte à congé.
Dans notre turbulence nord-américaine, nous préférons
évoquer cette naissance de lÉglise active en
plein dimanche. Peu importe le moment de la semaine choisi pour
la célébrer : lAscension est un aide-mémoire
annuel de la responsabilité laissée par Jésus
à ses amis.
Lire
autrement une finale d'évangile trop connue
Pour dépasser le côté anecdotique
de ce départ du Seigneur vers la discrétion, les fidèles
sont invités à relire la grande finale de lÉvangile
selon Matthieu. Chacun, chacune peut y trouver des échos
du Premier Testament qui entretiendront lélan de son
témoignage quotidien.
Ce texte denvoi puissant clôt la vaste
cathédrale catéchétique inspirée par
lenseignement de lapôtre Matthieu. Structurée
autour de cinq grands discours de Jésus, cette mine de ressources
spirituelles clarifie des situations troubles de la vie en Église.
Cette préoccupation de clarification est présente
aujourdhui dans les lignes finales de lÉvangile.
Pour construire cette certitude, le texte accumule
les évocations du Premier Testament. En se référant
à des épisodes-clé de lAncien Testament,
lenseignement matthéen se clôt sur une tonalité
de certitude absolue. Des chrétiens venus du Judaïsme
ne pouvaient quy trouver du réconfort dans la difficile
adaptation requise pour passer de la culture juive à la nouvelle
atmosphère chrétienne.
Des
détails fascinants
Explorons quelques détails du texte, en gardant
en tête le mandat assumé par lauteur : soutenir
le dynamisme des chrétiens pétris de culture juive.
LÉvangile nous entraîne vers une
montagne de Galilée. Par rapport à la zone sanctifiée
de Jérusalem, les Onze se retrouvent au cur dune
« terre étrangère », la Galilée.
Ils ressemblent aux Hébreux de jadis qui fuyaient lÉgypte
et qui sont pourtant entrés en contact avec Dieu aux monts
du Sinaï.
Quand ils se prosternent devant Jésus, les Onze
ressemblent aux Hébreux maltraités et sceptiques qui
avaient finalement admis que Moïse est lenvoyé
de Dieu en se prosternant (Exode
4, 31; 12,
27). Ce qui ne les dispense pas de râler par la suite
contre lui! Même Moise, tout investi de sa mission, aura des
doutes. Dans la Bible, les héros sont bien fragiles...
Et pourtant, leur champ dintervention est immense,
global. Dans lévangile, lhumanité est
désignée par lexpression « les nations
». Ce mot rappelle la promesse faite à Abraham au profit
de toutes les familles de la terre (Genèse
12, 1-3). Il rappelle aussi la stratégie précise
de Dieu décrite en Exode
19, 6. Dieu se choisit un peuple qui devient nation sainte,
présence de Dieu parmi les nations. La mission donnée
par Jésus à ses apôtres vise à «
faire des disciples » de toutes ces nations qui navaient
pas accès aux trésors de lalliance de Dieu.
Le nouveau peuple de Dieu nest plus seulement un signe pour
les nations (comme devait lêtre le premier Israël),
mais un nouvel espace dinclusion.
Un autre enjeu se noue dans cet espace élargi
dintervention. Pour devenir disciple, il faut soi-même
écouter un maître. Il faut lui reconnaître tout
pouvoir, pour toutes les nations, tous les jours jusquà
la fin du temps. Lévangile situe cette décision
dans le prolongement de la première alliance. Il faut garder
les commandements, comme le peuple avait accepté de le faire
à partir de sa rencontre avec Dieu au Sinaï (voir Exode
24, 7).
Avant daller multiplier les disciples, il faut
donc vivre soi-même en disciple. Avec la conviction quen
Jésus, la promesse de présence permanente de Dieu
lancée en Exode
33, 5.12-17 est accomplie. Dans lIncarnation de Jésus,
Dieu sest rendu présent, de manière tangible,
au milieu de son peuple. Jésus est vraiment Emmanuel, Dieu-avec-nous,
comme le prévoyait le début de lÉvangile
selon Matthieu (1,
23). La finale que nous proclamons aujourdhui confirme
ce nom, puisque Jésus promet dêtre avec les personnes
qui acceptent dinvestir leur énergie dans sa mission
tous les jours, jusquà la maturité du temps.
La
splendeur de la mission
Les croyants ne sont pas destinés à rester
neutres. Ils ont la capacité dintervenir dans le monde
au nom de la famille divine. Jésus les invite à transformer
les nations en disciples, à baptiser, donc à inclure
toute personne qui le désire dans le processus de sa mort-résurrection.
Ce que nous comprenons dans notre lecture commune au
sujet de lamour de Dieu pour lhumanité ne peut
rester entre les quatre murs de la communauté. Ce que nous
comprenons ici et maintenant est destiné à transformer
partout et pour le mieux la vie des gens que nous côtoyons
dans les Galilée daujourdhui : le monde des affaires,
des centres commerciaux, des arénas, des polyvalentes, des
loisirs, les milieux détudes et daffaires, les
familles.
Cette collaboration missionnaire à la transmission
de lhéritage préparé par Dieu (cest
le thème de la deuxième lecture de ce jour) nest
pas un manque de respect des autres cultures. Cest simplement
le partage dune surabondance de grâce et de bienfaits
expérimentée au fil des siècles dans les cultures
qui ont successivement bonifié notre humanité. Malgré
nos différences culturelles avec les gens de lEmpire
romain, avec les Byzantins ou avec les Européens des siècles
ultérieurs, nous sommes en communion profonde avec eux grâce
au fil conducteur de la foi.
Les valeurs de communion universelle incluses dans
le message des disciples de Jésus ne prétendent pas
abolir les originalités ethniques et nationales. Jésus
envoie ses apôtres vers toutes les nations pour en faire des
disciples. Il ne leur demande pas dabolir ces nations! La
mission nest pas une négation des cultures... Elle
transcende les différences parce quelle renvoie au
destin commun de la nature humaine. Un destin de communion, un destin
de bonheur partagé selon le cur de celui qui est la
source de tout bien.
Source: Le Feuillet biblique,
no 2142. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre
biblique de Montréal.
Chronique
précédente :
La foi et ses repères
|