Le temps des grands passages
Le Paraclet, Jésus et le Père viendront
vers ceux qui aiment Jésus : Jean
14, 23-29
Autres lectures : Actes
15, 1-2.22-29 ; Psaume
66(67) ; Apocalypse
21, 10-14.22-23
Que démotions lorsquune personne
nous adresse la parole pour une dernière fois. Il peut sagir
dun départ avant un long voyage ou des instants qui
précèdent la mort dun malade. Peu importent
les circonstances, une personne aimée quitte les siens. Désormais,
les autres resteront seuls. Quel paradoxe! Lorsquon aime quelquun,
on désire demeurer avec lui pour toujours. Dans ces moments
cruciaux, le temps sécoule toujours trop vite. On se
dit lessentiel, car le temps devenu trop court ne permet pas
les paroles futiles. On échange de préférence
celles qui sont enracinées depuis longtemps dans son cur.
On retrouve une situation analogue
dans lévangile de ce dimanche. Alors que Jésus
sapprête à vivre un grand passage, il lègue
à ses disciples son testament... ses dernières volontés.
Le passage de Jésus à son Père
Notre passage dévangile
fait partie du discours dadieu de Jésus. De façon
solennelle, il annonce son départ vers le Père. À
partir de maintenant, les chrétiens vivront leur relation
avec lui dune façon nouvelle. Mais comment vivre cette
foi nouvelle? Comment reconnaître lamour du disciple
pour son maître? Jésus donne deux points de repère.
Le premier consiste à observer les paroles de Jésus
: Si quelquun maime, il restera fidèle à
ma parole (v. 23). Voilà la première façon
dexprimer son amour envers Dieu. Vivre à la manière
de Jésus en se laissant habiter et transformer par le message
des Béatitudes... par tout son enseignement.
La joie constitue le deuxième
point de repère. Si vous maimiez, vous seriez dans
la joie puisque je pars vers le Père (v. 28). Selon le
discours de Jésus, lobservance de ses paroles et la
joie témoignent donc de lamour que le chrétien
porte à Dieu. Il nen faut pas plus pour permettre à
Dieu délire domicile dans la demeure du baptisé.
Le passage de lEsprit dans le monde
Selon les dires de Jésus,
le croyant doit rester fidèle à sa parole. Voilà
la condition pour que le Père laime et demeure en lui.
Mais comment rester fidèle à toutes les paroles de
Jésus? Comment se souvenir de tout son enseignement? Laissé
à lui-même, le croyant oublierait certainement un bon
nombre des paroles de Jésus. Toutefois, le baptisé
nest pas abandonné. Jésus lui-même plaide
en sa faveur et demande au Père de lui envoyer du soutien.
Il prend donc la défense des siens. Ainsi, le Paraclet
(le « Défenseur ») apporte tout le soutien
nécessaire. Cest lui le souffle constant qui insuffle
vitalité. Selon létymologie du mot, le Paraclet,
un terme juridique, désigne celui qui « est appelé
à côté ». Dans ce sens, il soutient et
défend un accusé. Il se trouve constamment à
côté du croyant pour lui souffler à loreille
les paroles de Jésus.
Il napporte aucun enseignement
nouveau; il najoute aucune autre parole à celles prononcées
par Jésus. En effet, la Révélation est terminée
avec la venue de Jésus. Avec lui, tout a été
dit pour faire connaître Dieu. Mais le rôle de lEsprit
est de rappeler sans cesse les paroles de Jésus aux disciples
pour que le Père habite en lui.
Le passage du judaïsme au christianisme
De nos jours, certaines personnes
idéalisent le temps des premiers chrétiens. Après
tout, nont-ils pas connu directement Jésus? Comme ce
devait être merveilleux, leffervescence des débuts!
Or, les tensions existaient entre des chrétiens. Ce nétait
pas constamment lharmonie totale. Par exemple, les Actes
des Apôtres, font état dune vive controverse
à propos de la circoncision. Bien que ce sujet peut nous
laisser indifférents, il en allait autrement pour les premiers
chrétiens.
Dans les premiers jours du christianisme,
les nouveaux disciples provenaient du judaïsme. Ces gens continuaient
de pratiquer leurs coutumes juives tout en participant aux rituels
chrétiens. Cela ne causait aucun problème. Or, au
fil du temps, des non juifs adhèrent de plus en plus nombreux
au christianisme. On se pose alors la question : pour vivre en chrétien,
faut-il aussi conserver toutes les traditions juives? Le chrétien
doit-il recevoir la circoncision? Question essentielle, car les
chrétiens dorigine non juive ne veulent pas se soumettre
aux rituels juifs. Lavenir du christianisme est en jeu. Comment
faire pour demeurer fidèle aux paroles de Jésus?
En lan 49, le concile de Jérusalem
se penche sur la question. Suite à une vive discussion, Pierre
déclare : LEsprit ne fait aucune distinction entre
eux et nous (Actes 15, 9), entre un chrétien dorigine
juive et un autre provenant du monde païen. Le salut ne vient
pas de la circoncision, mais est un don gratuit de la faveur divine
(la grâce) révélée en Jésus. LÉglise
franchit ainsi une étape essentielle. Elle se définit
comme une Église ouverte désormais à tous.
Le passage de la frayeur à la paix
Lorsquun être cher nous
quitte, il est bien normal de se sentir préoccupé,
voire troublé. De même, à la veille du départ
de Jésus, ses disciples se sentent abandonnés. Pour
les rassurer, il leur souhaite la paix.
Mais quel sens donner à ce
mot? La paix biblique désigne bien plus quune absence
de guerre ou de préoccupation. Ainsi, la présence
rassurante de Dieu parmi son peuple représente la paix suprême.
Dans lÉvangile, on assiste
à un nouveau paradoxe : Jésus offre sa paix, mais
il quitte les siens. Il part pour vivre une rencontre, celle de
son Père. Il part, mais il annonce en même temps son
retour. Nous nous retrouvons au cur du mystère chrétien
: le départ-retour... la mort-résurrection. La paix
de Dieu prend alors un nouveau sens. Il nest plus nécessaire
de vivre dans la présence physique de Dieu pour être
en paix avec lui. Désormais, à la lumière de
la résurrection du Christ, le croyant peut vivre en paix.
Il est habité par la présence de Dieu. La paix de
Dieu ne se limite plus à une présence physique.
En complément....
« Nous irons demeurer auprès de lui »
LÉvangile de saint
Jean accorde une grande importance à la symbolique de
la demeure. Le verbe « demeurer » se retrouve pas moins
de 35 fois dans son récit. Il sagit dune caractéristique
du quatrième évangile. Dailleurs, les autres
évangélistes recourent bien peu à ce verbe
(Matthieu, 5 fois; Marc, 4 fois; Luc, 15 fois).
Dans le premier Testament, les croyants
cherchent par tous les moyens de permettre à Dieu de demeurer
au milieu deux. Moïse dresse la tente de la « Rencontre
» pour que Dieu habite parmi les siens. Le roi Salomon, lui,
tandis quil se trouve au sommet de sa gloire, supplie Dieu
de venir habiter le Temple. Or, il reconnaît la grandeur du
Seigneur qui surpasse tout édifice aussi grand puisse-t-il
être : Voici que les cieux et les cieux des cieux ne peuvent
te contenir; combien moins cette Maison que jai bâtie
(Premier livre des Rois 8, 27).
Selon le prologue de lÉvangile
selon saint Jean, Dieu sest fait chair, il a habité
parmi nous. Toutefois, pour Dieu, cela ne suffit pas encore. Il
désire demeurer en chacun de nous : nous viendrons chez
lui, nous irons demeurer auprès de lui (v. 23).
Source: Le Feuillet biblique,
no 2100. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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