Quel bonheur à l'horizon?
Des foules viennent à Jésus
: Luc
6, 17.20-26
Autres lectures : Jérémie
17, 5-8 ; Psaume
1(2) ; 1
Corinthiens 15, 12.16-20
Certaines situations difficiles trouvent grâce
aux yeux de Jésus : elles ouvrent la porte sur le bonheur.
Mais d'autres situations lui font pousser des Hélas! bien
sentis... Ce ne sont pas des malédictions, au sens de «
promesses de malheur ». Ce sont des constats de situations
déplorables.
Tout le monde est malheureux. Vraiment?
Cette manière de Jésus de parler du bonheur
et du malheur nous dérange. Nous sommes habitués à
entendre le chapelet de promesses de bonheur racontées à
la manière de l'Évangile selon Matthieu. Jésus
se répète par huit ou neuf fois. Huit fois «
heureux »... On s'y intéresse facilement. Dans l'Évangile
selon Luc, la structure du texte est bien différente.
Deux fois quatre affirmations. Quatre sur le bonheur, quatre sur
le malheur. Ainsi se construit son discours sur l'essentiel dans
notre vie. Jésus parle directement aux disciples, qu'il regarde...
Avec ce regard, avec cette parole, c'est nous qu'il touche.
Jésus parle de pauvreté, Jésus
parle de persécution. Si nous avons pris la peine d'écouter
cet évangile, cela devrait suffire à nous donner le
goût... de nous sauver. Si nous n'avions pas confiance en
Jésus, ce serait sans doute déjà fait. Mais
nous croyons en lui, comme nous croyons que notre avenir, et l'avenir
de notre chair aussi, se joue avec sa résurrection. Nous
cherchons où il veut nous conduire, avec son éloge
de la persécution et la pauvreté.
Chose certaine, Jésus ne veut pas nous enfoncer
dans une mentalité défaitiste, ni au point de vue
économique, ni au point de vue de notre réputation.
Cette piste constructive surgit de l'affirmation catégorique
: « Le Royaume de Dieu est à vous ». Nous la
déduisons aussi de la transformation positive entrevue avec
certitude pour l'avenir : « Vous serez rassasiés; vous
rirez... ». Le présent n'est pas si noir, l'avenir
encore moins. Essayons donc de voir où Jésus veut
en venir.
La persécution
Si l'on s'en tient au nombre de mots employés,
à l'espace occupé dans le texte d'évangile
par ce thème, Jésus insiste surtout sur la haine et
le rejet du nom jugé méprisable à cause
du Fils de l'homme. Le Fils de l'homme, c'est le juge des temps
qui sont les derniers, les temps finaux...
Jésus trouve triste que des disciples soient
admirés pour eux-mêmes, donc sans référence
à lui : c'est ainsi que leurs pères traitaient
les faux prophètes. Selon Jésus, le bonheur est
possible si et seulement si les disciples acceptent d'être
liés à la vie à la mort avec lui. S'ils acceptent
d'être prophètes, donc porte-parole de Dieu.
Jésus a su montrer qu'il était le porte-parole
de Dieu par excellence. Il a versé son sang pour qu'on comprenne
son rôle irremplaçable. Dans sa mort, qui fut la mort
de quelqu'un qui n'était coupable de rien, il a finalement
été reconnu par tous ceux qui étaient autour
de lui. C'est ce que nous proclamerons au dimanche de la Passion.
Les propos de Jésus contestent notre société.
Elle se décrit comme un supermarché du spirituel.
On croit n'importe qui, du moment que cela ressemble un peu à
ce qui nous intéresse pour le moment. Puisque toutes les
libertés de religion sont libres, on pourrait croire que
nous aurions le droit de dire tranquillement nos options de foi
et qu'on nous respecterait comme nous respectons les autres. Ce
n'est pas ce qui se passe. Si nous avons le malheur de dire que
nous préférons la qualité prouvée de
nos croyances sur la résurrection de Jésus et sur
la nôtre (1 Corinthiens 15, 12. 16-20), et non les
à-peu-près et les mélanges incohérents
du marché, on se moque de nous.
On nous regarde de travers comme si nous nous limitions
à fréquenter l'épicerie du coin, alors que
le centre d'achats du spirituel est si bien garni. Oui, la réaction
de moquerie contenue mais évidente revient à dire
que nous sommes persécutés si nous refusons de suivre
un autre que Jésus, si nous tenons à affirmer que
c'est la foi en Jésus ressuscité qui nous mène
quelque part.
Ce n'est pas la première fois que les croyants
au Dieu agissant sont montrés du doigt. A l'intérieur
du peuple de la première alliance, le problème se
posait déjà. Jérémie (17, 5) déclare
sans nuance : Maudit soit l'homme qui met sa confiance dans un
mortel, qui s'appuie sur un être de chair, tandis que son
cur se détourne du Seigneur. Celui qui faisait
une telle bêtise, on le comparait aux gens confinés
dans des terres inhabitables, les terres de sel où rien ne
pousse.
Par expérience, on savait que celui qui met
sa confiance dans le Seigneur voit venir le bonheur. Il est vivant
comme cet arbre qui bouge jusque dans ses racines, qui sait durer
en pleine sécheresse, parce qu'il va chercher l'eau où
elle se trouve : Il ne redoute pas une année de sécheresse,
car elle ne l'empêche pas de porter du fruit (Jérémie
17, 8).
La pauvreté
Et si les années que nous traversons étaient
des saisons de sécheresse pour la vie de foi? Et si nous
devions nous faire à l'idée que le vent des doctrines
farfelues non éprouvées allait pour un bout de temps
encore nous obliger à vivre l'expérience du désert?
À trouver le bonheur au coeur du désert actuel? N'est-ce
pas assumer une réelle pauvreté? Parler de cette présence
de Dieu au cur de nos échecs, cela nous amène
à parler du sens donné à la pauvreté.
La Bible ne fait pas la promotion de la pauvreté.
La Bible fait la promotion de l'abondance reçue. Un des signes
de la présence de Dieu, dans le premier Testament, c'est
l'abondance enfin possible pour les plus démunis.
Malgré toutes nos illusions, notre société
n'assure pas cette abondance à tout le monde. Malgré
tous nos beaux principes, il faut toujours de la charité
pour colmater les brèches. Ce que Jésus dénonce,
c'est la fermeture de ceux qui sont repus, remplis maintenant, qui
ont du plaisir égoïste maintenant. Quand on a tout ce
qu'il faut pour vivre, penser à équilibrer la richesse,
c'est loin d'être évident. Ceux que Jésus déclare
comme encore capables de bonheur, ce sont ceux qui vivent actuellement
des limites et qui peuvent donc connaître l'expérience
de recevoir.
Source: Le Feuillet biblique,
no 2087. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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