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4e dimanche de Carême C - 18 mars 2007

 

Autonomes et réconciliés

La breis égarée : Luc 15, 1-3.11-32
Autres lectures : Josué 5, 10-12 ; Psaume 33(34) ; 2 Corinthiens 5, 17-21

Le menu biblique du quatrième dimanche de Carême offre une parabole tellement connue que nous avons presque envie de hausser les épaules. En effet, cette parabole du père miséricordieux a été étudiée sous toutes les coutures depuis le Concile Vatican II. Sa mise à l'honneur a contribué à diminuer notre insistance parfois maladive quant à certains aspects déplaisants de la justice divine. La bonté, la miséricorde de Dieu ont retrouvé la place qui leur revient.

Déjà lu? Toujours neuf!

  En réalité, nous n'avons pas épuisé cette mine d'or de réconfort spirituel. Jésus adopte une manière vigoureuse pour raconter la patience et la générosité du Père du ciel. Sa parabole peut trouver facilement des échos dans notre expérience de vie actuelle. En effet, l'horizon de notre quotidien est encombré d'un préjugé favorable pour le chacun pour soi. En même temps, notre expérience des relations humaines laisse remonter à la surface notre besoin d'être en relation, de recevoir des autres certaines composantes de notre existence. Mille et une actualisations de la parabole sont donc possibles.

Une actualisation entre mille

  C'est l'histoire d'une mère qui aime sa progéniture en dépit des commentaires acides de son entourage. Vous connaissez sans doute des parents qui ouvrent encore leur porte à un enfant qui les a reniés. Vous savez, le genre de jeune de 18 ans à qui ses parents ont beau expliquer que ce n'est pas avec ses allocations déposées à la Caisse populaire depuis sa naissance qu'il pourrait aller vivre à Vancouver... le genre de jeune qui n'en fait qu'à sa tête!

  Les mois passent. Pas de nouvelles. Jusqu'au jour où un coup de téléphone à frais virés amène enfin des nouvelles : « Meman, meman... oui, j'ai pu travailler... deux semaines! Meman, je m'ennuie! Je voudrais revenir...

  -Prends le premier avion puis viens-t'en. Ta chambre est encore là, tu sais!
  -J'voudrais ben, mais...
  -Qu'est-ce qu'il y a? T'es pas malade, toujours? »

  Une voix en anglais coupe la conversation. La mère a la présence d'esprit d'appeler la compagnie de téléphone. La ligne est rétablie, et la mère rattrape à temps son grand flanc mou pour lui dire : « Combien il te manque d'argent pour l'avion? Maman va te le payer... »

  La journée de son arrivée à l'aéroport, maman est là pour recevoir son grand insignifiant de fils. Une vie d'économies flambées en pure perte. En plus d'un billet d'avion aller-simple en pleine haute saison, sans parler du souci et du coeur brisé... Pour la mère, il n'y a rien de trop cher pour pouvoir réintégrer son fils dans sa famille, avec son père et les autres enfants.

  Évidemment, la parenté ne l'a pas vu du même oeil. On ne s'est pas gêné pour passer des commentaires cinglants du genre : « Tu parles d'une bonasse. Cette mère s'est privée pour lui toute sa vie; pour la remercier, il sacre son camp avec le compte en banque. Elle, la trop bonne mère, elle lui paie l'avion de retour. Franchement... »

L'autonomie, réceptacle des générosités divines

  Des situations semblables, nous en avons tous connu dans nos parentés, si ce n'est pas dans notre maison. Même si le gros bon sens semble être du côté des gérants d'estrade, la logique du parent accueillant sera la logique du coeur et de l'appartenance.

  C'est exactement ce qui se passe dans le récit de l'évangile. Le jeune fils a été bête. Il est la cause de son propre malheur... Mais ce fils léger a au moins un mérite. Il prend la décision de revenir... Il est tout à fait autonome dans sa prise de décision. Et cela rend possible la générosité du père. Le fils aîné de la parabole a-t-il fini par accepter la bonté du père trop miséricordieux à ses yeux? Est-il entré dans la fête offerte pour le fils revenu à la vie, parce que réinséré dans sa famille? En ce temps-là, le réseau familial était une condition de survie non négociable.

  Et nous, avec notre désir de tout réussir par nos seules forces, que pensons-nous des largesses de ce père abusé, exploité, et malgré tout accueillant? Si nous voulons être honnêtes, nous admettrons nos réticences à accepter les largesses de Dieu à l'égard de l'humanité. Elles nous déboussolent et nous indisposent carrément parfois...

  Cela correspond à une autre composante de notre projet de vie, composante bien présente dans le menu de ce dimanche. Les affirmations sur les comportements de Dieu s'insèrent aujourd'hui dans le cadre d'une réflexion très actuelle: une réflexion sur le fragile équilibre à maintenir entre l'autonomie si valorisée aujourd'hui et la relation profonde entre nous et Dieu. L'autonomie des gens qui acceptent son alliance est voulue par Dieu, comme l'affirme la première lecture. L'autonomie dans la conduite de la vie, même matérielle, est aussi un don de Dieu.

La réconciliation, don de Dieu

  On entend parfois dire que Dieu nous veut écrasés devant lui. C'est faux. Dieu veut des partenaires, des adultes responsables, des gens qui se tiennent debout pour collaborer à sa création, des personnes libres et autonomes, au-delà de leurs handicaps intérieurs.

  Que nos gestes du carême, un peu de jeûne, plus de charité, et même de la prière, nous concentrent sur l'essentiel! Dieu vaut la peine qu'on risque sa vie avec lui, parce qu'il a pris des risques le premier avec nous. En nous déléguant la gérance de sa création. En nous ouvrant pour toujours la porte de la réconciliation.

  La deuxième lecture (2 Corinthiens 5, 17-21) fonctionne comme un pivot, au coeur de la liturgie de la Parole de ce dimanche. Elle décrit comment s'établit l'équilibre entre notre autonomie et le don de Dieu, toujours disponible : Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné pour ministère de travailler à cette réconciliation. Ce verset 18 dit à sa manière comment nous pouvons « revenir à la vie » comme le jeune fils de la parabole. Il suffit d'accepter d'être réinséré dans le réseau d'amour que tissent autour de nous le Père et le Fils. Nous serons ainsi pleinement disponibles pour vivre leur Esprit de sainteté.

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2092. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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Le Dieu de la seconde chance