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3e dimanche de Carême C - 11 mars 2007

 

Le Dieu de la seconde chance

La conversion est urgente : Luc 13, 1-9
Autres lectures : Exode 3, 1-8a.10.13-15 ; Psaume 102 (103) ; 1 Corinthiens 10,1-6.10-12

En ce troisième dimanche du Carême, le contenu de Luc 13, 1-9 nous est riche d'enseignements et s'offre comme une préparation à célébrer la Pâque du Christ. Dans cet extrait de l'évangile, l'incident rapporté à Jésus concernant les Galiléens massacrés par Pilate, amène le Maître à faire une déclaration, pour le moins surprenante et, en se servant de la parabole du figuier, à livrer, à tout chrétien, des leçons de vie essentielles.

Les incidents : des appels de la vie

     La première leçon consiste à voir, dans les incidents qui arrivent dans l'existence, des appels au changement, à la conversion. Dans le texte, cette leçon se lit clairement dans les interventions de Jésus racontées dans la première partie de l'extrait. Les gens qui rapportent à Jésus le massacre des Galiléens opéré par Pilate, conclurent à la culpabilité des victimes. En effet, le peuple de la Bible, comme d'ailleurs beaucoup de nos contemporains, considéraient les maux comme étant le châtiment d'une faute commise (Jean 9, 2-3). Jésus part de cet incident politique, causé par la méchanceté humaine et référant à l'ordre moral, pour ouvrir le regard de ses auditeurs sur une nouvelle façon de comprendre les choses. À cette fin, et pour mieux réfuter leur fausse conclusion, Jésus élargit la question et complète la problématique en citant le cas des dix-huit personnes écrasées par la tour effondrée à Siloé. Dans ce deuxième incident, qui est le fait des forces imprévues et dont la cause est le déchaînement de la nature, il y a une référence à l'ordre surnaturel. Pour Jésus, les victimes des deux incidents n'étaient pas plus pécheresses que ses auditeurs; il y a une égalité des vivants et des morts face péché. En disant cela, Jésus opère un passage et ouvre la porte à une nouvelle dimension de l'équation. À partir des deux récits, Jésus va aborder la situation des vivants, en parlant de la mort de ses auditeurs. La cause de la mort de ces derniers n'est pas mentionnée explicitement. Mais, elle se laisse entrevoir, à partir de l'invitation à la conversion qui leur est lancée par Jésus. Les Galiléens ont été massacrés par Pilate; les gens de Siloé sont morts accidentellement. Pour les auditeurs de Jésus, ce n'est ni un massacre, ni une mort accidentelle qui les fera mourir, mais leur manque de conversion, entraînant pour eux une mort spirituelle. Si la mort physique des premiers et des seconds est le résultat d'actes humains et matériels, la mort spirituelle des auditeurs de Jésus sera le fruit de l'endurcissement de  leur propre cœur. D'où, l'appel au changement de vie que Jésus leur adresse :  ...et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même manière.

Changer la direction de sa vie!

     Lorsqu'on a échappé à un accident mortel ou à une maladie imprévisible et grave, la vie elle-même se charge de nous donner la leçon et de nous inviter à adopter des comportements responsables, générateurs de vie. Bien souvent, il s';en suit une prise de conscience de la fragilité de la vie et une prise de décision du besoin de vivre à fond sa vie. Ce qui se traduira, le plus souvent, par le fait d'exprimer les sentiments les plus profonds aux gens qu'on aime ou de partager avec eux, aussi souvent que possible, les moments de bonheur et de joie. Ce qui se traduira aussi par la préparation personnelle à toute éventualité, etc.

     Dans le texte de l'évangile, il apparaît que Jésus se sert des deux incidents pour inviter ses auditeurs à la « conversion ». Ce mot, tel qu';il apparaît dans la langue grecque du Nouveau Testament, implique un changement d'esprit, une transformation intérieure. Par son interpellation, Jésus invite ses auditeurs à se détourner du mal pour se tourner vers Dieu. Il les invite à un changement de la direction de leur vie, à un changement de regard sur soi et sur l'environnement. Il les invite à une transformation qui vient de la prise de conscience de la fragilité de la vie, qui les amène à établir un ordre des priorités dicté par des valeurs plus profondes et durables et qui invite à être sensibles aux choses essentielles. Si les auditeurs de Jésus acceptent son interpellation, ils doivent se mettre au travail, selon ce qui se produit dans la parabole du figuier.

Le travail de l'être

     Dans la parabole du figuier, la parole du vigneron (laisse-le encore cette année), traduit sa volonté d’entrer en acte pour transformer le monde présent, pour y travailler et lui offrir un mieux être. Ce monde est celui de notre environnement, de notre existence, qui a besoin de transformation. Un monde qui a besoin d'un regard nouveau, pour se dire : « Et si c'était vrai! ». Le vigneron ne dit pas seulement : « Laisse-le encore cette année ». Il ajoute aussi : « Je vais labourer et mettre du fumier ». Labourer la terre, c'est la préparer, remuer les composantes en places, etc. Mais, qu'est-ce qu'un terrain préparé et en attente de quelque chose qui ne viendra jamais? D'où le désir exprimé par le vigneron de mettre du fumier. Ce fumier apporte du neuf au terrain préparé. Cela permettra au figuier de reprendre vigueur, de se reconnaître entre tous, dans son identité plénière.

     Mettre le fumier, peut aussi être compris comme le fait de remettre en question les structures qui ne font pas leur preuves depuis un temps, qui freinent le bon fonctionnement de l'ensemble, qui alourdissent la gestion de la structure et qui font que la sève ne circule plus de la racine aux branches, en passant par le tronc. Se disposer à mettre du fumier est déjà en soi une pédagogie éducative qui consiste à prendre le temps qu'il faut pour la réalisation des projets. Accepter de mettre le fumier suppose qu'on prenne le temps d'évaluer les raisons pour lesquelles les choses n'avancent pas, pour décider de conserver quelques aspects, d'améliorer d'autres, d'en transformer certains ou de simplement en éliminer d'autres encore. C'est enfin donner à quelqu'un la chance de se réhabiliter, de se regarder dans le miroir et de se dire : « Je suis un être humain...»    

La chance du figuier 

     Le figuier, comme la vigne, recèle un symbolisme biblique d'une grande richesse, qu'il n'est pas possible de présenter ici dans sa totalité. Selon Osée (9, 10), cet arbre symbolise Israël, le peuple élu de Dieu. Or, dans  l'enseignement des prophètes (Is 34,4; Jr 5,17 ; 8,13 ; Os 2,14 ; Jl 1,7.12 ; Am 4,9  et Ha 3,17), le dessèchement du figuier et la perte de ses fruits est symbole du châtiment. Ainsi, dans la parabole, le message de Jésus est un avertissement adressé à Israël, parce qu'il a abandonné l'alliance de Dieu. Le but visé est de lui offrir, par la venue du Christ, de se tourner vers Dieu pour lui éviter le châtiment.

     L'espérance que porte un figuier improductif, c'est qu'il ait la vie sauve, que quelqu'un lui donne une seconde chance, pour prendre le beau risque de lui mettre du fumier! L'espérance que porte un figuier dont on s'est occupé et qu'on a amené à porter du fruit c'est qu'il donne aux humains des figues à manger. En Jésus, Dieu donne une seconde chance à Israël, qui doit comprendre que la venue du Christ est un printemps messianique, une grâce à accueillir comme le signe de renouveau spirituel. Jésus est une chance offerte à Israël, pour qu'il porte du fruit.

�����      En conclusion, le contenu de l'évangile de ce dimanche invite à une longue quête spirituelle. Possibilité de captivité et possibilité de libération. Dieu n'impose pas son amour à la personne aimée, même s'il veut la guérir de ses ténèbres intérieures qui la réduisent à la captivité et à l'improductivité. En tout temps, en tout lieu, les auditeurs de Jésus savent qu'ils ont toujours une seconde chance. S'ils se laissent interpeller par Lui et acceptent de travailler à leur transformation intérieure.

Jean-Chrysostome Zoloshi

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2091. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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