Croire et nous laisser transformer
Dernières instructions de Jésus :
Luc
24, 46-53
Autres lectures : Actes
1, 1-11 ; Psaume
46(47) ; Hebreux
9, 24-28; 10, 19-23
Depuis Pâques la liturgie nous a présenté
en première lecture des extraits des Actes des Apôtres
qui mettent en évidence le plan de Dieu pour lhumanité
: faire advenir le salut partout et pour tous. Luc y décrit
dune manière magistrale les tout premiers pas dune
Église naissante. Une Église qui a pour mission de
prolonger laction salvifique du Seigneur. Même à
Pâques, nous avons entendu le témoignage touchant de
Pierre devant Corneille, ce centurion païen qui sétait
converti au Christ avec toute sa famille. Ensuite, on nous a présenté
également une autre Église, celle de Jérusalem
où des croyants de plus en plus nombreux sadjoignaient
au Seigneur (Actes 5, 14). Tous ces textes élaborent
le portrait dune Église en cheminement.
Un message de réconfort
Dans lévangile daujourdhui
et dans la première lecture, un même événement
nous est rapporté : celui de la montée au ciel du
Seigneur, mais sous deux angles différents bien que du même
auteur. Si dans les textes bibliques des dimanches précédents,
laccent a été mis sur les commencements de lÉglise,
ici toute lattention est centrée sur la personne même
du Seigneur Jésus, comme si on voulait nous réconforter
après lhumiliante passion et la non moins humiliante
mort de ce dernier. On remarquera linsistance à nous
rappeler que non seulement Jésus, notre Seigneur et Maître,
est vraiment ressuscité, mais quil est pour toujours
glorifié auprès du Père. Ce que lon retient
des événements survenus à Jérusalem,
ce ne sont pas les conversions mais lannonce que cette ville
mythique sera le lieu de lattente et de la réalisation
de la promesse : Je vais envoyer sur vous ce que mon Père
a promis. Quant à vous, demeurez dans la ville (Luc
24, 49). Et cest à Béthanie, par-delà
le Cédron, que Jésus se séparera de ses disciples
pour accomplir son passage vers le ciel (Lc
24, 50). Désormais Jésus assurera autrement sa
présence.
Un message du Père
LAscension, si lon peut dire, cest
le mystère de Pâques lu avec les yeux du Père.
Il veut nous dire que la vie nouvelle, manifestée en Jésus
son Fils, vient désormais dun autre et dailleurs.
Jésus dans le mystère de son Ascension nous enseigne
quen Lui réside la plénitude de lEsprit
et que cet Esprit lui vient du Père. Plénitude qui
envahit toute sa personne à un point tel que tout son être
devient tension vers Dieu. Il sagit là dun mystère
trinitaire, dun mystère damour. Cest le
message que saint Jean voulait nous livrer lorsquil
écrivait : Jésus sachant que son heure était
venue de passer de ce monde au Père, ayant aimé les
siens, les aima jusquà la fin (Jn 13, 1).
La nécessité de connaître
Pour être en mesure de témoigner de quelquun,
il faut connaître de lintérieur la personne qui
fait lobjet de notre témoignage. Pour ce faire il faut,
soit avoir partagé sa vie au quotidien ou du moins avoir
été présents lors des moments importants de
son existence. À propos du témoignage quil rend
au Père, Jésus dira à Nicodème : Nous
parlons de ce que nous savons et nous attestons ce que nous avons
vu (Jean 3, 11). Par contre, lorsquil sagit
dun incident, il faut au moins être au courant des circonstances
extérieures et contextuelles. Sans cette double connaissance
notre témoignage risque de nêtre pas crédible.
Ainsi Jésus, établi dans le sein du Père, est
le seul qui est en mesure de nous parler de ce Père miséricordieux
dont il est venu nous apprendre la bonté. Notre témoignage
néchappe pas non plus à cette règle.
Comme Jésus a été envoyé par son Père
pour en être le témoin, à notre tour nous sommes
envoyés par Jésus pour transmettre son message au
monde.
Une éternelle question
Comment être témoins de Jésus aujourdhui?
Si la question nest pas nouvelle, il nen reste pas moins
quelle est encore et toujours dune pertinence indéniable.
Que nous dit lévangile à ce propos sinon que
cest avec la force et les lumières de lEsprit
que nous pouvons remplir notre mission de témoins de Jésus
Christ (Ac
1, 4-5). Jésus lui-même laffirme à
ses apôtres : Vous serez revêtus dune force
venue den haut. La foi nous apprend quà leur
suite, nous serons aussi « revêtus », cest-à-dire
enveloppés de cette force qui nous rendra capables de proclamer
notre foi.
Les mêmes privilèges
Que de fois navons-nous pas entendu cette inlassable
plainte : « Témoigner de Jésus sans lavoir
vu est bien plus difficile que si nous avions été
avec Lui ». Je ne conteste pas cet argument. Les apôtres,
conscients de ce privilège, nhésitent pas dailleurs
à sy référer explicitement : Ce que
nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous
avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe
de vie, nous en rendons témoignage (1 Jean 1,1).
Malgré ces paroles, nous ne sommes pas exclus de ce groupe
de privilégiés que sont les apôtres. Car une
autre manière de connaître Jésus, bien que mystérieuse
mais non moins réelle, nous est donnée par la foi.
Ce même saint Jean dira, un peu plus loin dans sa lettre :
Celui qui croit porte en lui le témoignage de Dieu (1
Jean 5, 10). Et ajoutons, pour nous consoler, que beaucoup
de contemporains des apôtres, qui ont pourtant vu et entendu
sont restés dans les ténèbres de lincroyance.
Ce qui montre le privilège de la proximité matérielle
nest pas à lui seul garant de la foi ni essentiel au
témoignage.
Les racines de notre témoignage
Cest donc grâce au témoignage de
Dieu en nous, par une grâce ineffable, que prend racine notre
vie de témoin. Jésus lui-même nous consacre
prophète. Cette consécration nous rend aptes à
interpréter ses enseignements pour le plus grand bien des
personnes qui croiseront nos routes tout au long de notre pèlerinage
terrestre. Ces interprétations ne seront jamais uniquement
le fruit de nos efforts, de nos techniques et même de nos
ingénieuses initiatives. Elles seront en particulier le résultat
de luvre divine de lEsprit agissant en nous, jumelée,
bien sûr, à notre agir humain : Le Père,
promet Jésus, vous donnera un autre Paraclet, pour quil
soit avec vous à jamais (Jn 14, 16). Jésus nous
assure par le fait même de sa présence agissante :
Je ne vous laisserai pas orphelins (Jn 14, 18). Cette promesse
rassurante, Jésus la faisait aux siens alors quils
étaient atterrés par son départ.
Le témoignage intérieur
Il existe enfin, selon lexpression à la
mode, une façon incontournable de témoigner : cest
la rencontre toute discrète avec lHôte intérieur
de nos âmes pour y chercher la force. Habiter avec lui, en
Lui et par Lui nous le rend familier. Cest par la prière
que nous pouvons avoir accès à notre demeure intime,
là où lEsprit nous balbutie ses secrets en
des gémissements ineffables (Romains 8, 28). Cest
alors que, soit en pleine action, soit dans limpossibilité
dêtre « au front » à cause de la
maladie ou dautres causes, toute notre vie sera à elle
seule une prophétie de Jésus et du monde à
venir. Il suffit de croire en sa puissance et de nous laisser transformer
en témoins humbles et fidèles.
Source: Le Feuillet biblique,
no 2101. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre
biblique de Montréal.
Chronique
précédente :
Le temps des grands passages
|