Le salut
a un nom : Jésus
Les bergers rendent visite à Jésus
Luc
2, 16-21
Autres lectures : Nombres
6, 22-27; Psaume
66(67) ; Galates
4, 4-7
Cet extrait de lÉvangile selon saint Luc arrive
tout juste après le récit de la naissance de Jésus
lu durant la messe de la nuit de Noël. Les premiers personnages
à entrer en scène sont les bergers qui, dans lépisode
précédent, avaient un rôle essentiellement passif.
Maintenant, ils passent à laction, se dirigeant à
Bethléem pour constater de visu ce qui vient de leur être
annoncé par lange du Seigneur. Leur démarche
en vaut la peine: ils seront les premiers à contempler le
Sauveur de lhumanité!
Des accents différents
Dans lÉvangile selon
saint Matthieu (2,
1-12), les premiers à rendre visite à Jésus
et sa famille sont de tout autre condition. Il sagit de mages.
Cette différence entre les deux mises en scène révèle
les particularités de chaque évangéliste et
leurs accents théologiques respectifs. Matthieu, en faisant
intervenir des hommes venus du lointain Orient, insiste sur la dimension
universelle, internationale, de la naissance du Sauveur. Cest
la mondialisation du salut! Le fait quil sagisse de
mages, des savants versés dans lastrologie, montre
aussi quil est possible de sapprocher de Jésus
en se référant à autre chose que les Écritures
de la tradition.
Luc, pour sa part, met laccent sur
la catégorie de personnes à qui la naissance du Sauveur
est annoncée : ce sont des gens relégués
au bas de léchelle sociale et que lon méprise.
À lépoque, en effet, la fonction de berger est
assez mal perçue par la population en général.
On les considère plutôt malhonnêtes, car il leur
arrive de laisser leurs bêtes brouter des champs qui ne leur
appartiennent pas. Aussi, il semble que certains nhésitaient
pas à dérober un mouton, un agneau ou une brebis à
un autre pasteur. Finalement, leur contact régulier avec
les animaux les rendent légalement impurs, ce qui les empêchent
de participer au culte. Lévangéliste Luc fait
donc preuve dune audace remarquable en donnant à de
tels individus le privilège dêtre les premiers
témoins de la venue du Sauveur dans le monde.
Étonnement et recueillement
Une fois arrivés auprès de
la famille de Jésus, les bergers racontent lannonce
dont ils viennent dêtre témoins, ce qui provoque
létonnement de «tout le monde». Luc ne
précise pas qui il désigne par «tout le monde».
Mais le contexte laisse croire quil pensait aux personnes
installés, comme Marie et Joseph, dans un abri de fortune,
en raison du manque de place dans la salle commune (2,
7). Quoi quil en soit, il sagit surtout pour lauteur
de souligner létonnement qui frappe les gens en entendant
parler de la naissance dun Sauveur. De fait, cest un
thème cher à Luc qui se plaît à souligner
la surprise provoquée par la présence de Jésus
(1,
63; 2,
47).
En contraste avec «tout le monde»,
Marie retient les événements et les médite
dans son cur. Une expression semblable apparaît en
Genèse 37, 11 et Daniel
7, 28. Elle signifie alors quun personnage conserve pour
lui-même un événement ou une information. Le
contexte du récit de Luc nimpose pas cette lecture.
Lauteur souligne plutôt lattitude daccueil
de Marie qui, tout en ne disposant actuellement pas de toutes les
clés pour bien saisir ce qui survient, est tout au moins
prête à ouvrir son cur aux événements.
Sauveur?
Contrairement aux autres auditeurs du témoignage
des bergers, Marie na aucune raison dêtre étonnée :
un ange lui avait annoncé quelle donnerait naissance
à un être hors du commun (Luc
1, 30-33). Les bergers, cependant, lui fournissent une information
supplémentaire que Gabriel ne lui avait pas communiquée :
lenfant sera Sauveur. Doù lattitude de
recueillement et dintériorisation de la mère.
Que signifie ce titre? Qui sauvera-t-il? De quoi? Comment? Pourquoi?
Décidément, la jeune Marie a de quoi jongler pour
encore bien des jours... et des nuits! De fait, elle nest
pas au bout de ses découvertes. Une douzaine dannées
plus tard, son fils échappera à son attention et à
celle de Joseph pour se retrouver parmi les docteurs de la Loi,
au temple de Jérusalem (2,
41-50). À nouveau, Luc mentionnera quelle médite
tout cela dans son cur (2,
51).
«Que le Seigneur te bénisse
et te garde!»
Dès maintenant cependant, Marie est
en mesure de constater une manifestation concrète de la bénédiction
quavait prononcé lAnge à lannonciation.
Celui-ci lui avait assuré que le Seigneur était présent
auprès delle et que son esprit la couvrirait de son
ombre (Luc
1, 28.35). Ses propos rappellent ceux de la première
lecture dans laquelle Dieu enseigne à Moïse comment
Aaron et ses descendants vont bénir les fils dIsraël.
Cette bénédiction a trouvé son fruit le plus
complet et le plus étonnant dans la naissance du Fils de
Dieu à Bethléem, il y a deux mille ans. Par Jésus,
Dieu a fait briller son visage sur le monde entier, il sest
penché sur lhumanité pécheresse pour
lui apporter la paix.
Un nouveau chur
Revenons au récit de Luc. Lorsque
les bergers repartent, ils se mettent à glorifier le Seigneur.
Ils se trouvent ainsi à succéder au chur des
anges qui accompagnait lannonce de la bonne nouvelle dans
le champ, sous le ciel étoilé. Pas mal pour des moins
que rien, non? À partir du moment où ils ouvrent la
bouche, les anges nont plus leur raison dêtre :
ils se taisent. Désormais, il revient aux plus petits et
aux méprisés de contempler le Sauveur et de chanter
sa gloire. Manifestement, Luc a un point de vue précis à
transmettre : en venant parmi nous, Dieu na pas lintention
de fréquenter les hautes sphères de la société,
lélite. Il nhésite pas à confier
à des exclus et des impurs le soin de lui rendre gloire et
de témoigner de sa présence en notre monde.
«Le nom de Jésus»
Comme le veut la coutume, Marie et Joseph annoncent, au moment de
la circoncision, le nom que leur enfant recevra, celui que lAnge
du Seigneur lui avait dabord donné (Luc
1, 31). Dans les sociétés anciennes, le nom dune
personne est davantage quune convention qui permet de distinguer
les individus. Il révèle quelque chose de la personne
ou du moins dit quelque chose de ce que les parents souhaitent pour
leur enfant ou quils ont perçu chez lui dès
sa naissance. Le nom de Jésus na rien dexceptionnel:
il était répandu à son époque et dans
son milieu. Mais sa signification, «Dieu sauve», nen
constitue pas moins un véritable programme... que le reste
de luvre de Luc va se charger de faire découvrir
au lecteur!
Pour votre information...
Le huitième jour
Daprès les dispositions de
la loi juive, lenfant mâle (évidemment!) doit
être circoncis huit jours après sa naissance (Lévites
12, 3). La circoncision est un rituel qui signifie linscription
dans la chair du nouveau-né de lalliance avec le Seigneur.
Tout garçon juif est donc considéré comme uni
avec Dieu de façon physique dabord, avant même
de pouvoir être en relation avec lui de façon spirituelle.
La circoncision est aussi le moment où les parents annoncent
le nom quils ont choisi de donner à lenfant.
Jean Grou, bibliste
Québec
Source: Le Feuillet biblique,
no 2038. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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